1

1.4K 75 16
                                    

"Lana? J'ai des colis supplémentaires à livrer si tu veux te faire quelques dollars de plus..."
Halpert me lance un clin d'oeil entendu. Celui là aimerait bien me mettre dans son lit. Il n'était pas vilain avec ses yeux bleus et sa fossette au menton, mais son amour des bagels avait considérablement alourdi sa silhouette et gachait les traits de son visage qui étaient pourtant plutôt harmonieux.

Le laisser dans l'expectative en étant gentille me permet de faire plus de livraison que les autres et d'amasser le pécule pour voir venir. Voir venir... Quoi à la fin...? Depuis des années, je me dis qu'il faut que je parte de Nouvelle Capitale pour aller me mettre au vert. Les créatures de la nuit y sont moins nombreuses et les opportunités de vivre par soi-même, sans se rendre dépendant d un occulte ou de substances me paraissent meilleures...

En ville, a part quelques jobs minables comme livreur, serveur ou cuistot dans un resto de seconde zone et encore, tous les autres emplois nécessitaient ... "Un protecteur".

Dix ans plus tôt, les créatures mystiques qui ne peuplaient que les contes pour enfants et les cauchemars pour ados avaient émergé de l'ombre. Ils étaient là depuis toujours, tapis dans l'ombre, mais la montee des nouvelles technologies avait rendue leur anonymat impossible : changeurs de forme, vampires, loups garous, sorciers... Leurs combines avaient étaient dévoilées et si, au départ, les humains avaient initié la traque, ils s'étaient finalement retrouvés proies.

Il n'avait fallut que quelques mois pour que l'ordre des ténèbres s'abatte sur le monde.

Les sorciers avaient manipulé le temps pour nous plonger dans la "Nuit Éternelle" permettant l'émergence des créatures nocturnes. Les loups et les vampires nous traquaient sans pitié, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, nous dévorant, buvant notre sang, tuant, violant, battant jeunes, femmes, enfants, vieillard, riches, pauvres, puissants. Les cultures n'avaient pas poussé, les bêtes n'avaient pas été nourries, les Hommes avaient subit la Grande Faim et avaient commencé à s'entretuer pour quelques conserves, quelques miettes et l'humanité avait été réduite à néant ainsi.

Les gouvernements, dépassés par les crimes, les émeutes, la violence, la famine avaient abdiqué.  Les militaires avaient pris le pouvoir mais les créatures avaient l'air humaines, rien ne les distinguaient de Nous, et ils s'infiltraient sans difficulté dans nos rangs pour saboter toute révolte de l'intérieur. Ils étaient riches. Forts. Puissants.

Et puis, un gouvernement occulte s'était finalement installé, imposant  "l'Ordre des Ténèbres".

Les entreprises avaient été nationalisées et mises entre les mains de Créatures. Les humains qui y travaillaient devaient prêter Allégeance ou quitter l'entreprise. Prêter Allégeance, c'était en fait trouver un vampire, un loup ou une autre saloperie nocturne qui acceptait d'être votre parrain/protecteur/amant et valider votre existence légale, en échange d'un quelconque service: sang, sexe, travail gratuit... Sans ça, il était quasiment impossible d'avoir un emploi correct, une voiture, un téléphone ou un ordinateur...

J'avais toujours réussi à vivre sans protecteur jusqu'à maintenant, mais pour combien de temps encore?
Il m'en restait un. Je retourne le paquet entre mes mains et il porte une étiquette avec une inscription élégante:

Monseigneur Gabriel Huntington.
Palais obscur.
Nouvelle Capitale.

C'est une grosse tête à n'en pas douter.

Mais je suis à proximité et c'est un sacré coup de chance parce que je ne suis pas encore en retard mais un trop gros détour m'aurait sérieusement mise en retard.

Quelques rues plus loin, je me stationne à l'arrache, et des gardes me font signe de dégager de la.
"J'ai un colis pour Gabriel Huntington les mecs!"
Ils semblent pâlir et me font signe d'aller au plus vite.

Il y a une grande grille en fer forgé et je dois laisser montrer ma carte d'identité et ma carte d'employé.  on m'indique une sorte de petite salle d'attente et évidemment, on me fait attendre vingt minutes avant qu'une secrétaire très BCBG n'arrive,  l'air ennuyé.

"Laissez ça la"
"Je dois le remettre à m.huntington en personne."
"Monseigneur a autre chose à faire que venir réceptionner un vulgaire colis d'une vulgaire livreuse." Fait-elle avec dédain.
"Très bien" je fais, en lui offrant mon sourire le plus professionnel.
Je me lève avec grâce et je sors, en emmenant mon colis sous le bras.

"Hé! Sale traînée! Laisse ça la!"
"Pas d'huntington, pas de colis"
"Il ne peut pas venir le récupérer, idiote"
"Hé bien qu'il recontacte la société de livraison quand il sera disponible"
"Gardes. Saisissez la"

Je pique un sprint et passe les portiques de sécurité sans problème. Je débouche dans la rue et continue ma course vers mon vélo. A deux mètres, je sens une force quasi-magnetique me plaquer au sol.

Série Moon: La rebelle et le roi LycanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant