CHAPITRE 1

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2 décembre – Favela, Maceió, Brésil

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2 décembre – Favela, Maceió, Brésil

Je longe les rues étroites de ma favela d'un pas sûr. Je la connais par cœur, ses secrets sont les miens. Elle s'étend jusque dans les hauteurs de la ville, loin de la richesse des uns, proche de la pauvreté des autres.

Les premières illuminations de Noël décorent les fenêtres et me rappellent que l'année touche à sa fin. D'ici quelque temps, tout ça ne sera qu'un vaste souvenir, celui d'un passé
transportant avec lui ses joies, mais aussi ses peines.

Quand je quitterai le Brésil pour les États-Unis, je trouverai ce que je n'ai pas ici. La sécurité. Maceió n'est pas seulement connue pour la beauté de ses paysages ou pour ses plages paradisiaques, mais surtout pour les dangers qui y rôdent. Ce danger qui a attrapé mon petit frère de dix-sept ans dans ses filets.

La drogue, les cartels, voilà le fléau de nos favelas. Les narcotrafiquants règnent au sein de nos quartiers, leur repaire nous domine, placé sur la plus haute colline de la ville, à l'instar d'un château surplombant son royaume. C'est là que la famille Gomes s'est installée.

Depuis que l'aîné des fils a pris la relève de son père, tout ici n'est que désolation. Les habitants le craignent, mais nos garçons l'adulent. Beaucoup d'entre eux se déscolarisent pour avoir le privilège de travailler pour celui qu'on prénomme le Serpent. Le décapiteur.

Ils tuent, volent, dealent, pour quelques billets, et arborent fièrement l'emblème du cartel. C'est la triste réalité du monde dans lequel vit ma famille.

Beaucoup de nos habitants mêlent pauvreté et addiction. Accros au crack, leurs dettes s'accumulent et enrichissent les narcotrafiquants. Découvrir la tête d'un voisin, d'un frère ou d'un père accrochée à la porte de nos maisons est devenu monnaie
courante.

C'est pourquoi je compte bien réviser toute la nuit pour réussir mon examen de demain, le dernier d'une longue série, celui qui m'aidera enfin à obtenir mon diplôme de journalisme.

La clé de notre expatriation.
La clé de notre liberté.

Je contourne les enfants qui jouent au foot et qui rêvent d'une carrière similaire à celles de Ronaldinho ou de Neymar. Je reconnais Paulo, mon petit voisin qui marque un but dans une cage de fortune. Le ballon évite de justesse Azeitona, le chat de mamie Sousa. Je relève les yeux vers la maison sans fenêtre de ma vieille voisine, pour vérifier qu'elle n'a pas assisté à ce presque accident. Seule et sans enfant, Dieu sait ce qu'elle deviendrait sans son animal de compagnie. Je continue mon chemin et aperçois au loin M. Valdes, le garagiste de mon village.

Je grimace et baisse la tête pour espérer qu'il ne m'interpelle pas. J'aimerais pouvoir éviter d'entendre en détail les exploits de son jeune fils au dernier tournoi de foot. Ce soir, je n'ai pas le temps, mes notes et mes fiches récapitulatives m'attendent.

Le serpent et la mule [SOUS CONTRAT D'ÉDITION CHEZ PLUMES DU WEB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant