IMPRÉVU
— ♠ —
— Ça va ? me demande-t-il d'une voix douce après un moment de silence.
Un sourire en coin étire ses lèvres, et je plisse les yeux. Oh, ça y est. Il prépare un truc.
— Pourquoi cette question existentielle, et pourquoi maintenant ?
— Je ne sais pas trop. J'aime bien le silence, mais c'est bizarre quand t'es là. D'habitude, c'est toi qui le brises.
— Oh, donc je suis une sorte de bruit de fond permanent, c'est ça ? Charmant.
Il lève les mains en l'air, faussement innocent. Je le fixe, haussant un sourcil, avant de lever les yeux au ciel.
— Oui, ça va, finis-je par répondre avec un soupçon d'exaspération.
Il me scrute un instant, comme s'il essayait de percer un mystère incroyablement profond. Franchement, il se donne un peu trop de mal.
— T'es sûre ? insiste-t-il. Tu n'avais pas l'air bien au parc. Tu y étais déjà allée avant ?
Je soupire, feignant l'ennui.
— Hmm, laisse-moi réfléchir... Oui. Quand j'avais neuf ou dix ans, je crois. J'y allais souvent avec mon frère. Il m'y traînait, et pendant ce temps, Luna me disait que je restais plantée là-bas pendant que Cassie était à ses cours de musique.
Je marque une pause théâtrale, feignant la nostalgie, avant d'ajouter, avec un air faussement mystérieux :
— Apparemment, je parlais à un arbre.
Je lâche un petit rire, mais lui, il s'arrête net, l'air partagé entre le fou rire et l'incompréhension totale.
— Quoi ? dis-je en le fixant.
— Rien, continue.
— Oh non, tu ne vas pas t'en tirer comme ça. Dis-moi ce qui te passe par la tête.
— C'est juste... Toi, en train d'avoir une conversation avec un arbre, j'imagine bien la scène.
— Ah, donc tu sous-entends que j'étais une enfant chelou. Très sympa.
— J'ai rien dit, défend-il en haussant les épaules.
Je plisse les yeux et l'observe se lever pour débarrasser les assiettes. Je l'observe faire, amusée. Quel faux gentleman.
Puis, je me redresse légèrement, prenant une inspiration dramatique.
— Mais... il y a une chose dont je suis absolument certaine.
Il se fige, puis se retourne brusquement. Il pose les assiettes avec une telle force que j'ai un instant peur qu'il les réduise en miettes. Il s'assoit en plantant ses coudes sur la table, l'air subitement très, très sérieux.
— Vas-y, parle. Je t'écoute.
Un sourire malicieux étire mes lèvres.
— Je n'ai jamais parlé à un arbre. C'est probablement une histoire que Luna a inventée pour me faire passer pour une folle.
Son expression change instantanément. L'excitation laisse place à un ennui profond.
— Ah. Super. Moi qui pensais que tu te rappelais d'un truc intéressant.
Je le fixe avec un sourire narquois.
— Attends... Ne me dis pas que c'était toi, l'arbre à qui je parlais ?
Il tousse violemment, et cette fois, je ne retiens pas mon rire.
— Non ! s'exclame-t-il. J'suis pas ton stupide arbre à la con.
— T'es sûr ? Parce que ça expliquerait pas mal de choses.
Il me fusille du regard, et je me contente de sourire, victorieuse.
Voici une version plus brutale et intense de ton passage, avec des dialogues plus percutants et une tension encore plus palpable :
Son expression change, une lueur de malice dans les yeux.
— En vrai, il n'y avait pas de violeur.
Je me fige. Son sourire est là, narquois, satisfait. Oh, le bâtard.
— Va te faire foutre ! Pourquoi tu m'as menti alors ?
— Juste pour voir si tu y croyais.
La rage monte instantanément. Il se fout de ma gueule. Il a joué avec mon anxiété, avec ma peur, et il trouve ça drôle ? J'ai envie de le frapper. Mais au lieu de ça, un sourire tordu s'étire sur mes lèvres.
— C'est marrant, parce qu'il y en avait bien un.
Il arque un sourcil, faussement curieux.
— Ah bon ?
— Ouais. Il est juste en face de moi.
L'ambiance change du tout au tout. Son sourire s'efface, remplacé par une expression de pure colère. Il serre la mâchoire, et je vois ses doigts se crisper sur le bord de la table. Ses veines ressortent.
Lysiane, tu viens de réveiller la bête.
— C'est quoi ton putain de problème ? lâche-t-il, d'une voix glaciale tranchant net l'air entre nous.
Je fronce les sourcils, la provocation toujours au bord des lèvres, mais un frisson me traverse. Je l'ai cherché, je le sais. Mais il l'a mérité.
— Tu sais, je blaguais.
Il rit. Mais c'est un rire sans humour, sec, tranchant.
— Ah ouais ? TU BLAGUAIS ? TU BLAGUAIS EN ME TRAITANT DE VIOLEUR ? C'est ça ta putain de blague ?!
Sa voix explose, brisant le silence comme un coup de feu.
Je me lève d'un bond, mes propres nerfs à vif.
— Et toi, tu crois que te vanter d'avoir toutes les filles dans ton lit, ça fait penser à quoi, hein ?!
— JAMAIS JE T'AI VIOLÉ, BORDEL !
— Oh, et alors ? Peut-être que si tu n'étais pas un putain de connard, je ne te verrais pas comme tel !
Un sourire mauvais tord sa bouche.
— Ça t'a piqué à ce point, p'tit poussin ?
— Piqué ?! ris-je faussement. Je suis dégoûtée ! Parce que t'es sale, t'es immonde, t'es juste un gars qui-
— Déjà, tu me parles autrement ! J'SUIS PAS TON PUTAIN D'AMI ! hurle-t-il en se levant si brusquement que sa chaise en recule en grinçant.
— Oh, mais je vais CRIER ENCORE PLUS FORT ALORS !
Je le pointe du doigt, furieuse, tremblante, mais je ne me tais pas.
— T'avais dit quoi déjà ? Ah ouais, que cette blonde savait s'occuper d'un homme ! Mais toi, t'es un homme ? Parce que laisse-moi te dire un truc : tout ce que tu m'as fait dans la voiture, ça ne m'a rien fait. Pas une once d'excitation. Et tu sais pourquoi j'ai tout arrêté brusquement ?
Le silence qui s'abat est plus violent que nos cris. À la télévision, une publicité continue de tourner, son volume beaucoup trop bas face au bordel qu'on fout ici.
Il passe une main tremblante dans ses cheveux, puis l'abaisse lentement, la mâchoire crispée. Son regard est vide, mais son corps est tendu, prêt à exploser.
— Lysiane...
— Non, tais-toi.
Je le fixe avec tout le mépris du monde, mon cœur battant à m'en faire mal.
— Je me demande même comment Louna a pu sortir avec toi. Tu me dégoûtes.
— LYSIANE, TAIS-TOI !
Son hurlement fait trembler les murs. Mais je ne m'arrête pas.
— Pourquoi ?! Parce que la vérité fait mal ?! Parce que t'es un pauvre type qui croit qu'il vaut quelque chose alors que t'es juste un prédateur raté ?!
— JE NE VOULAIS PAS-
— FERME-LA !
Ma voix claque, le coupant net.
— Tu baises à droite et à gauche et tu penses que ça te donne un statut ?! Mais tu vaux rien ! Tu veux que je te dise un truc que t'as jamais su ? Ton ami, mon ex, Maxence, même en étant un connard, sera toujours préféré à toi. Parce que lui, au moins, il n'a jamais fait peur. Toi, t'effraies. Et ça, ça dit tout sur toi.
Son regard vacille. Pour la première fois depuis le début de cette dispute, je le vois douter. Un seul instant.
Alors je frappe encore.
Je récupère mon pull d'un geste sec et attrape mon sac avec violence.
— Tu vas où ?
Je me tourne vers lui, la main sur la poignée.
— Je...
J'hésite une seconde. Son visage n'est plus le même. Il semble... coupable ? Trop tard.
— Je rentre chez moi.
— Lysie, arrête de te comporter comme ça et reste ici...
Je ricane, exaspérée. Quelle blague.
Juste avant de sortir, mon regard tombe sur la chatonne recroquevillée sur le canapé. La pauvre tremble, réveillée en sursaut par notre bordel.
Désolée, Catherine. Désolée pour ce que je vais dire.
— Tu sais quoi ? Tu peux le garder, ton Bazooka à la con.
Sans un regard de plus, je claque la porte.
— ♠ —
— T'es où ?
— Chez un pote. Pourquoi ? Tu voulais qu'on passe une soirée fraternelle devant un film cucul avec des pop-corns ?
Je roule des yeux en soupirant.
— Non, imbécile. Je suis devant la porte, et elle est fermée.
— Ah. T'as essayé de rentrer ?
— Non, non, j'attendais qu'elle s'ouvre par la force du Saint-Esprit. Évidemment que j'ai essayé ! La clé n'est pas sous le paillasson.
— Ah ouais, normal. Luna est sortie avec.
Je ferme les yeux un instant. Inspiration. Expiration.
— Et elle rentre quand ?
— Pas ce soir. Va chez Cassie.
— Cassie est en soirée pyjama avec Addison.
— Bah vas-y.
Un silence s'installe. Je pince mes lèvres, hésitante. Mon frère est le pire quand il s'agit de ce genre de sujet.
— On... On ne m'a pas... invitée...
Je n'ai même pas le temps de finir que son éclat de rire explose dans le combiné. Un rire puissant. Je peux presque l'imaginer en train de s'étouffer de rire de l'autre côté du fil.
— Putain, mais c'est magique ! Ah, Lysie, j'te jure, tu me fais ma soirée !
— Contente que mon exclusion sociale te divertisse autant.
— Bah ouais, faut bien que tu serves à quelque chose. Sinon, vas chez Mario ou Gaël.
— Oh bien sûr, quelle merveilleuse idée ! Chez Mario, le gars qui oublie qu'on est pote et veut me baiser, ou Gaël, celui qui me regarde comme si j'étais une entité extraterrestre à chaque fois qu'il est en colère pour un rien ? Trop de choix !
— T'as qu'à demander à un passant de t'adopter, aussi.
— Et toi, t'as qu'à essayer d'être un frère fonctionnel, juste pour voir ce que ça fait.
— Ah ouais, trop d'efforts... Ouais ?! J'arrive tout de suite !
Sa voix s'éloigne un instant, avant qu'il ne revienne vers moi, toujours hilare.
— Désolé, Lysie, j'ai des trucs de gens qui ont une vie à faire. Bonne nuit dans la rue !
Et il raccroche. Juste comme ça. Pas un au revoir, pas une once de remords.
Je fixe mon téléphone, incrédule, avant de souffler un rire amer.
— Quel frère exemplaire, vraiment. La palme d'or du soutien familial.
Puis, levant les yeux vers la porte close, je soupire profondément.
— Pourquoi ce genre de merde n'arrive qu'à moi ?
Soudain, le grondement sourd d'un moteur me fait tourner la tête. Une voiture se gare brusquement sur le bas-côté, un crissement sec résonnant dans la nuit. Mon cœur rate un battement en reconnaissant le véhicule.
L'abruti.
La portière claque violemment, et il en sort d'un pas lourd, sa capuche rabattue sur la tête, une cigarette coincée entre ses lèvres. L'éclairage blafard du réverbère projette une ombre menaçante sur son visage, rendant son regard encore plus froid, encore plus vide.
Il s'arrête devant moi, me toisant de haut en bas.
— Monte.
Son ton est tranchant, glacial, comme si tout ça l'ennuyait profondément.
Je croise les bras, levant un sourcil.
— Oh, désolée, mais je suis pas dispo pour rejoindre ton lit ce soir. Ni maintenant, ni jamais, d'ailleurs. Pas comme ces filles que tu trouves à chaque coin de rue.
Il soupire, long et exaspéré, comme s'il s'attendait exactement à cette réponse. Sans un mot, il sort son téléphone de la poche de son jogging, tapote rapidement sur l'écran, puis me le tend.
Je baisse les yeux, lis la conversation et laisse échapper un petit rire sarcastique.
— Donc, si je résume... Ma chère grande sœur, qui est visiblement en plein génie stratégique ce soir, dis-je en me désignant, veut que je dorme chez toi, continuai-je en le désignant à son tour, mon regard teinté de mépris. Toi.
— Ouais.
— Super plan. Vraiment, elle mérite un prix. Mais tu sais quoi ? Je préfère encore dormir chez Maxence.
Je tente de le contourner, mais il ne bouge pas, bloquant mon passage sans le moindre effort. Son regard est impassible, tranchant comme une lame.
— Arrête tes conneries et viens avec moi.
Sa voix est plus ferme, plus basse. Une menace sourde s'y glisse, à peine perceptible, mais bien présente.
Je souffle bruyamment et tente de l'ignorer en passant de l'autre côté. Erreur.
Sa main se referme brusquement autour de mon bras, son étreinte glaciale et brutale m'arrache une grimace.
— Lâche-moi, espèce de taré ! crachai-je, me débattant aussitôt.
— Pourquoi ?
Sa voix est d'un calme irritant, presque moqueur. Il n'est même pas affecté par ma colère.
Je le fusille du regard.
— Tu oses vraiment me demander pourquoi ? T'es con ou tu fais semblant ?
Il ne répond pas. Son regard est fixe, inexpressif, comme s'il attendait patiemment que j'abandonne.
Puis, sans prévenir, il me soulève.
— Putain, t'es sérieux, là ?!
Je hurle, je me débats, mes poings s'abattent sur son dos avec toute la force que j'ai en réserve. Mais lui ? Rien. Pas une réaction. Il avance d'un pas tranquille jusqu'à la voiture, comme si je n'étais qu'un vulgaire sac à jeter à l'arrière.
Et c'est exactement ce qu'il fait.
Il ouvre la portière arrière et me balance sur la banquette avec une facilité déconcertante. Un choc sec me coupe le souffle un instant. Avant même que je puisse réagir, il claque la porte et s'installe au volant.
J'arrache ma capuche, le regard assassin.
— T'es complètement malade, enfoiré !
Aucune réponse. Il sort une autre cigarette de son paquet, l'allume d'un geste mécanique, ses yeux braqués sur la route.
J'attrape la poignée et tente d'ouvrir la porte. Verrouillée.
— Tu crois que c'est comme ça que t'obtiens ce que tu veux ? Sérieusement, t'as quel putain de problème ?!
Il inspire une bouffée de nicotine, souffle lentement par la fenêtre entrouverte, puis glisse enfin un regard vers moi, indifférent.
— T'as fini ?
Je serre les dents.
— Oh, pas encore. T'inquiète pas, j'ai tout le trajet pour t'expliquer à quel point t'es un déchet humain.
Il esquisse un sourire en coin. Pas amusé. Agacé.
— Ferme-la, Lysiane.
— Va te faire foutre.
Il ne répond plus. La voiture file dans la nuit.
— ♠ —Dès que la voiture s'arrête devant chez lui, je bondis hors de l'habitacle sans attendre une seule seconde. L'air automnal s'engouffre sous mon sweat, me glaçant jusqu'aux os. Fuir. C'est la seule chose qui compte.
Mes pieds touchent à peine le sol couvert de feuilles mortes que je m'élance aussi vite que possible. Mais la nature semble conspirer contre moi : les feuilles détrempées glissent sous mes baskets, rendant chaque pas plus précaire que le précédent.
Je jette un coup d'œil derrière moi. L'abruti marche tranquillement, impassible, comme s'il savourait ma lutte avec un plaisir non dissimulé. Un sourire narquois étire ses lèvres. Il ne court même pas.
— Sérieusement ? C'est tout ce que t'as ? lance-t-il, moqueur.
Je serre les dents et tente d'accélérer, sautant par-dessus un amas de feuilles orangées, mais mon pied ripe sur un tapis humide, et je m'écrase lamentablement au sol.
Putain.
L'odeur de terre mouillée et de feuilles en décomposition m'envahit les narines alors que je tente de me redresser, mais une ombre vient me recouvrir.
Je lève les yeux. Il est là.
Son regard froid me toise de haut, ni moqueur, ni colérique. Juste supérieur. Comme s'il avait su, depuis le début, que cette course était perdue d'avance.
Et ça m'énerve.
Dans un ultime élan de provocation, je ramasse une poignée de feuilles détrempées et les lui balance en pleine poitrine.
Il ne bronche même pas.
Aucun sursaut. Aucune réaction. Juste un silence écrasant.
Game over, Lysiane.
Puis, lentement, il s'accroupit devant moi, un sourire à peine visible au coin des lèvres.
— Eh bien, petit poussin... d'une voix basse et amusée. Tu ne cours pas assez vite. C'est dangereux, ça. L'automne, c'est la saison des prédateurs.
Oh, il veut jouer ? Très bien.
Dans un geste dramatique, je lève les mains en l'air en signe de reddition.
— Bon, d'accord. Tu m'as eue.
Son sourire s'élargit légèrement.
— C'était évident.
— Mais... continuai-je en inclinant la tête, faussement innocente. Je suis tombée et... je ne peux plus bouger.
Il arque un sourcil.
— Ah ouais ? Paralysée sur commande ?
— Exactement, soupirai-je exagérément. Il va donc falloir que tu me portes.
Il éclate d'un rire bref et sans joie, secouant la tête.
— T'es insupportable.
— Merci, je fais de mon mieux.
Sans prévenir, il glisse un bras sous mes jambes et l'autre dans mon dos, me soulevant comme si je ne pesais rien.
Putain.
Je m'agrippe aussitôt à lui, mes bras s'enroulant instinctivement autour de son cou, mes jambes autour de sa taille. La chaleur de son corps contraste violemment avec l'air froid de l'automne.
Je refuse de reconnaître à quel point c'est agréable.
Lentement, il se redresse et commence à marcher vers la maison, ses pas écrasant les feuilles mortes sous nos poids.
Je glisse un regard vers son visage. Aucune émotion. Comme si tout ça n'était qu'un détail, une simple corvée.
Je penche la tête, un sourire ironique aux lèvres.
— Alors, le prédateur... commençai-je en resserrant légèrement ma prise sur lui. Tu comptes me dévorer toute crue ou me protéger ?
Il baisse les yeux vers moi, et un sourire à peine perceptible effleure ses lèvres.
— Pourquoi pas les deux ?
Putain.
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If you knew [ EN CORRECTION ]
Romance« DEUX ÂMES PERDUES » C'est ainsi que certains résument les histoires d'amour : deux êtres égarés, dérivant dans l'immensité de leur solitude, jusqu'à ce que leurs errances se croisent. Elle aussi était perdue. Mais contrairement à ces récits enjoli...