Elisa
Je me réveille en sursaut, haletante et dégoulinante de sueur. Je m'attends à ce que William se précipite dans ma chambre, alerté par mes cris ; mais la porte reste fermée. J'avais oublié ce qu'était une nuit sans hurler dans mon sommeil. Je regarde l'heure sur mon téléphone : 3h du matin. Je pousse un soupire. Je n'ose pas me rendormir, de peur que mes cauchemars ne résonnent à nouveau dans tout l'immeuble.
J'ai passé les derniers mois, soit dans le coma, soit avec l'esprit brouillé par les analgésiques. « Ne me pardonne pas ». Ses mots ne cessaient de résonner dans ma tête. J'avais mal, je me sentais stupide, honteuse, trahie... Je n'ai même pas pu assister aux examens. Je suis obligée de refaire ma première mais comme j'ai tout réussi en janvier, avec beaucoup trop de temps libre... Je me lève d'un bond, si je ne dors pas, autant être productive. Je vais faire disparaitre toutes trace du passage de Jeremy dans cet appartement.
* * *
Dans des grandes boites en cartons, je jette tout ce qui concerne Jeremy de près ou de loin : les photos ; un parapluie oublié ; ce crayon qu'il a utilisé une fois; un pull que je ne comptais pas lui rendre ; les livres qu'il m'a offert, qu'on s'est échangés ou empruntés... Pourquoi est-ce lui qui m'a fait découvrir Osamu Dazai ? Dans un élan de colère, je lance un livre. Celui-ci bouscule une pile qui me tombe dessus. Génial...
Le bruit alerte William qui se précipite dans ma chambre. Je m'en veux de l'avoir réveillé. Je lui explique la cause du bruit.
– Tu t'es fait mal ? Demande-il inquiet.
– Ça va...
Son regard dévie sur les boites en cartons.
– Je ne suis pas fatiguée alors autant être productive, je me justifie avant même qu'il ne me pose la question.
– Tu ne vas quand même pas te débarrasser de toutes tes affaires sous prétexte que Jeremy les a touché.
Je me mords les lèvres.
– Comme tu sembles avoir toute la nuit devant toi, on peut discuter ?
– C'est bon, je vais dormir.
J'échange ma chambre avec le salon, je n'y arriverai pas dans cette pièce infestée de souvenirs...
* * *
Dès que le soleil se lève, j'accours réveiller William pour qu'il m'accompagne faire les courses. Cette nuit, j'ai réalisé qu'on avait montagne de choses à acheter.
– Plus tard, grogne-t-il.
– Non, je veux y aller pour l'ouverture.
Je n'ai plus fait de caprice depuis si longtemps que je ne me rappelle même plus pourquoi c'était.
Ne pouvant rien me refuser, William pousse un grognement avant de s'étirer. Il attrape le réveil et découvre avec stupeur qu'il est sept heures du matin.
– Les magasins ne sont pas encore ouvert !
– Je sais mais il te faut 3h pour te préparer.
– Les commerçants penseront qu'on a campé devant leurs boutiques... soupire-t-il.
* * *
En arrivant dans le salon, William découvre les caisses remplies des affaires de Jeremy, parfaitement empilées dans un coin de la pièce nettoyée de fond en comble. Même quand Enzo vivait avec nous, elle n'était pas aussi propre. J'en ai également profité pour changer de déco. C'est fou tout ce qu'on peut faire en une nuit.
– Tu vas vraiment tout jeter ? S'étonne-t-il.
– Non, je vais les donner à des associations.
Désespéré, il ouvre un carton et en en sort tout ce qui pourrait soi-disant être encore utile. Je ne vois pas l'intérêt de garder de vielles photos, des livres qu'il ne lira jamais ou encore un capuchon de stylo... Mais ma journée est trop chargée pour que je gaspille mon énergie à débattre. Je prends donc sur moi, le laissant retirer ce qui lui chante, des cartons parfaitement triés selon les raisons qui font que je m'en débarrasse.
– Ah non ! S'exclame-t-il pour la cinquième fois. (Je lève les yeux au ciel, qu'est-ce qui ne lui va pas, cette fois ?) Tu ne peux pas te débarrasser de Fifi!
Pourquoi pas ? Je ne vois pas en quoi pourrait servir un lapin en peluche, troué comme un gruyère et tellement usé qu'il est impossible d'identifier sa couleur d'origine. Jeremy me l'avait donné pour me consoler, après que j'aille perdu mon foulard dans le bac à sable.
– Tu ne savais plus dormir sans lui. Tu te rappelles dans quel état tu étais quand tu l'as oublié dans le bus ? (J'essaye justement d'effacer ce souvenir de ma mémoire.) J'ai dû me rendre au dépôt et fouiller chaque bus pour le retrouver !
Pas besoin d'en remettre une couche...
– Garde-le, si tu en as envie ! Je craque. Mais je ne veux plus jamais le revoir.
– Elisa, j'aimerais vraiment qu'on parl...
– Après avoir acheté un rideau de douche, je le coupe.
– D'accord...
* * *
Je croyais que faire les courses m'aideraient à me changer les idées mais malheureusement, mon plan a échoué. Je ne peux pas faire un pas sans penser à Jeremy. On a emprunté cette rue ensemble tellement de fois, et ce magasin, on n'y avait jamais mis les pieds mais c'était prévu...
– Tu veux qu'on aille acheter des livres ? Me propose William, me sortant de mes pensées.
Je m'apprête à accepter lorsque je me rappelle que je suis déjà allée au moins une fois dans toutes les librairies du coin avec Jeremy.
– Peut-être une prochaine fois, je n'ai pas encore lu tous ceux que j'ai acheté.
– Dans ce cas, tu veux qu'on aille manger ?
Je n'ai pas très faim, je préférerais rentrer à l'appartement.
– Elisa...
– Je vais bien !
* * *
De retour à l'appartement, je commence à ranger nos achats quand William me propose de s'en charger.
Je suis plutôt surprise, d'habitude, il fait tout pour éviter les corvées.
– Vraiment ? Je demande septique.
Il m'assure qu'il rangera bien tout selon mon classement et insiste pour que j'aille regarder la télé. Après tout pourquoi pas. Au pire, cette nuit, je réarrangerai tout. Je m'installe dans le divan et appuie sur le bouton de la télécommande.
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Elisas 2: Le Projet X
ParanormalAprès le suicide de l'Homme au bandeau vert, Elisa n'arrive pas à gérer la perte de Jeremy tandis que Roxy ne peut supporter la pression de protéger la ville seule. Mais les deux héroines n'ont pas le temps de déprimer, à peine une menace disparue...