L'étreinte des Abysses

Les regards croisés

La vie à Poudlard continuait pour Esmée, mais chaque jour apportait son lot de troubles. Les regards inquisiteurs des autres élèves semblaient la suivre partout, faisant naître en elle une gêne grandissante, comme s'ils savaient sans qu'elle ne s'en rende compte. Ou peut-être était-ce sa paranoïa qui finirait par la trahir. Ses transformations devenaient de plus en plus fréquentes, chaque cycle rapprochant un peu plus la prochaine. Les nuits sans sommeil, les rêves tourmentés, tout contribuait à la détérioration de son état mental.

La nuit tombée, alors que Poudlard était plongé dans le silence, Esmée, se sentant plus anxieuse que jamais, rejoignit sa salle commune, tentant de masquer le trouble qui marquait son visage. Se retrouver au milieu des élèves, d'abord dans la Grande Salle, plus tôt à partager un repas sans avoir pu se préparer à l'éventualité qu'Aquaphonie allait apparaître lui avait coupé tout appétit. Après le repas, elle s'était installé devant la cheminée fixant les flammes vertes dansantes, essayant tout de même de penser à autre chose tout en discutant avec Grace, qui depuis sa première année, l'accompagnait. Et la soirée avança sans encombre. Esmée, ne ressentant aucun effet particulier, se dirigea vers sa chambre, espérant une nuit paisible.

Cependant, au cœur de la nuit, l'éclat de la lune éveilla en elle une transformation inattendue. Le réveil soudain brisa le silence de la nuit. Esmée ouvrit les yeux, son cœur battant la chamade. Une étrange sensation de tiraillement la parcourait, signe annonciateur d'une métamorphose imminente. Les sensations familières d'une métamorphose commencèrent à la submerger, laissant place à une détresse qu'elle connaissait trop bien. La chambre était plongée dans l'obscurité, seul le faible éclat de la lune filtrant à travers les rideaux.

Paniquée, elle s'efforça de rester silencieuse, consciente que chaque cri, chaque bruit, pouvait trahir son secret. La transformation, jusqu'alors maîtrisée dans l'ombre, semblait cette fois-ci réclamer davantage d'attention.

Vêtue d'une chemise de nuit, elle traversa les couloirs déserts du château, ses pas feutrés résonnant faiblement dans le silence de la nuit. Malgré l'urgence de la situation, Esmée n'oublia pas d'attraper sa baguette qui était posée sur sa table de nuit. L'anxiété la saisit à chaque intersection, craignant de croiser un autre élève, un membre du personnel ou un professeur. Les ombres des couloirs semblaient se moquer d'elle, intensifiant sa peur d'être découverte. Heureusement, les tableaux l'ignoraient, plongés eux-même dans un profond sommeil, alors elle n'y prêta pas non plus d'attention. Elle invoqua Lumos que lorsqu'elle avait besoin de se repérer, mais fit de son mieux pour marcher dans le noir, parfois guidée par la lueur de la lune à travers les vitraux.

À mesure qu'elle s'approchait de l'extérieur du château, le tiraillement dans son être se faisait plus pressant. Sa respiration s'accéléra, et des frissons parcoururent sa peau. Esmée avait le sentiment que chaque fibre de son être était liée au cycle inexorable de la malédiction. Les portes en bois du passage qu'elle avait pour habitude d'empreinter s'ouvrirent avec un grincement léger, révélant ensuite le chemin à prendre pour rejoindre le sombre corridor menant au Lac Noir. La clarté de la lune semblait guider ses pas, tout en soulignant les contours inquiétants de sa silhouette et des éclats d'une lueur argentée dansaient sur sa peau, comme si la lueur de la lune était emprisonnée sous son épiderme.

Au plus elle s'approchait du rivage, au plus la transformation atteignit son paroxysme. La douleur, familière mais toujours déchirante, la traversa de part en part. Ses doigts se crispaient, ses jambes tremblaient, et ses yeux bleus reflétaient la lutte intérieure. Pourtant, l'appel du lac était irrésistible. Ses derniers pas la menèrent au bord de l'eau. Les reflets argentés de la lune dansaient à la surface du Lac Noir, un spectacle enchanteur qui contrastait avec la douleur brûlante de la métamorphose. D'une démarche hésitante, elle s'avança dans l'eau froide, frissonnant à chaque pas. Ses dernières forces servirent à retirer sa chemise de nuit qu'elle laissa tomber à quelques mètres de l'eau, suivie de sa baguette, sachant qu'il fallait qu'elle porte quelque chose pour rentrer ensuite. Les vagues douces l'accueillirent, comme si le lac lui-même reconnaissait sa présence. L'obscurité sous la surface la dévorait, mais au lieu d'avoir peur, elle ressentit une étrange familiarité. Ses yeux, autrefois d'un bleu profond, s'illuminaient d'une lueur aquatique, comme si l'océan lui-même résidait dans son regard. Ses oreilles s'affinaient légèrement, prenant une forme plus hydrodynamique, tandis que des nageoires délicates émergeaient gracieusement de chaque côté de sa tête.

Ses cheveux, d'un blond doré lorsqu'elle est humaine, prenaient une teinte éthérée et semblaient flotter librement autour d'elle, évoquant les algues marines ondulant au gré du courant. Alors que l'eau montait lentement autour d'elle, enveloppant son corps transformé, la douleur commença à s'apaiser. La métamorphose atteignit son apogée, et Esmée s'abandonna à la quiétude des profondeurs du lac. Ses bras subissaient une transformation subtile, ses doigts fusionnant légèrement pour former des membranes délicates, évoquaient la structure d'une nageoire. Sa silhouette s'allongeait, adoptant une forme plus profilée et élégante, tandis que sa queue prenait une apparence ondoyante et scintillante, évoquant la grâce d'une créature marine.

Sous la surface, elle découvrit un monde insoupçonné, un royaume aquatique éclairé par des lueurs mystiques. Des créatures aquatiques curieuses nageaient autour d'elle, comme si elles avaient compris la dualité de son existence. Sa peau semble irradier une lueur douce et argentée, révélant une connexion intime avec le monde aquatique. La peur initiale fut remplacée par une fascination émerveillée. Esmée, malgré sa condition, se sentait étrangement chez elle dans cet univers sous-marin. C'était un secret, un refuge, un lieu où elle pouvait être elle-même, loin des regards accusateurs et des mystères non résolus qui entouraient sa vie à Poudlard.

Ainsi immergée dans les eaux profondes du Lac Noir, Esmée ressentit une étrange paix. Son esprit se mêlait aux mystères du lac, explorant les profondeurs de sa propre existence en quête de réponses et de résolutions. La froideur de l'eau la saisit, mais elle s'y abandonna, laissant les eaux sombres dissimuler son secret. Durant ces longues heures sous la surface, Esmée en profita pour explorer le lac et découvrit des recoins mystérieux qu'elle n'avait jamais soupçonnés. Ces moments, bien que douloureux, lui offraient une opportunité unique de comprendre les mystères qui l'entouraient.

Même après deux ans à explorer le lac, elle découvrait toujours des endroits aux côtés desquels elle n'était jamais passée. Parfois, elle tombait sur d'anciennes reliques, des vases avec des dessins dont elle ne pouvait définir l'origine. Pourtant, rien sur l'origine de sa propre histoire. En jetant un coup d'oeil vers la surface, elle remarqua que le soleil commençait à se lever. À ce moment, elle tomba quasi nez à nez et manquant presque de le percuter : un mur, comportant d'étranges inscriptions. Sa curiosité prenait le dessus sur l'urgence de remonter et regagner au plus vite son lit. Contournant ce mur, Esmée comprit rapidement qu'il s'agissait plus de vestiges ou de ruines de ce qui avait dû être autrefois une forteresse, mais comment avait-elle pu atterrir ici ? Mais à peine pouvait-elle observer plus en détail, qu'elle eut la sensation d'être observée. Sa vue très bien habituée à l'eau et même en profondeur, elle vit le bout d'une nageoire disparaître parmi les algues.

Pendant ce temps, dans la salle commune de Serpentard, Sebastian, lui aussi confronté à ses propres soucis, se trouvait discrètement à l'écart, plongé dans un livre. Il remarqua Esmée, trempée et pâle, lorsqu'elle regagna la salle commune au petit matin, éveillant sa curiosité. De son côté, un frémissement la parcourut. Elle sentait une présence, une aura familière dans l'air nocturne. Le regard d'Esmée se posa sur la silhouette de Sebastian, plongé dans un livre.

Le jeune homme leva les yeux du grimoire, captant l'entrée discrète d'Esmée. Leurs regards se croisèrent dans l'obscurité de la salle commune. Un instant de silence enveloppa la pièce, où l'échange de regards transcenda les mots. Les yeux de Sebastian exprimaient une compréhension tacite, comme s'il percevait les mystères qui entouraient Esmée.

Cet échange furtif, éclairé par la lueur des flammes des cheminées, laissait entrevoir une connexion muette entre les deux élèves. Il y avait plus à découvrir, des secrets qui s'entrelaçaient dans les recoins de Poudlard. Les yeux de Sebastian étaient empreints de curiosité et peut-être même d'une promesse silencieuse d'entraide dans la quête de vérité, même si pour le moment, ils restaient des étrangers l'un pour l'autre, portant secrètement le poids de leurs propres tourments.

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