Prologue

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Scarlett

    Je cherche de l’air, ma gorge me brûle, je ne peux pas ouvrir les yeux, du feu ! Partout un charnier infâme où les morts se mêlent au vivant, des corps meurtris et fumants qui rampent autour de moi en hurlant. Les rideaux s’enflamment puis tombent sur le sol dans une gerbe d’étincelles. Les flammèches finissent sur ma chevelure, les fenêtres explosent sous l’effet de la chaleur, la silhouette d’une femme, les habits en feu, tente inutilement de fuir. Les poutres du plafond s’écroulent sur des cadavres déjà carbonisés. À quelques mètres, j’aperçois l’ombre fantomatique d’un homme. Son visage flou, enveloppé dans un halo de brouillard m’empêche de distinguer ses traits, je n’entends que sa voix qui prononce des mots incompréhensibles. Je n’ai pas le temps de m’attarder. Le feu se rapproche, la chaleur devient insupportable. Je vois le brasier arriver sur moi, je tente de me protéger avec mes mains, mais...

Le corps recouvert de sueur, je sursaute, ma respiration est laborieuse, mes yeux piquent, je peine à reprendre pied dans la réalité. Je suis éveillée et pourtant mon cauchemar me colle encore à la peau. Brûler vive… Quand ce n’est pas ça, ce sont d’autres horreurs qui harcellent mes nuits. Je redoute chaque soir le moment où je vais m’endormir, mais la consommation de cannabis me pousse au sommeil. Et puis il y a cet homme, celui qui hante mes rêves depuis le décès de ma grand-mère. Je ne peux qu’imaginer sa beauté parce que je n’ai jamais réussi à saisir les traits de son visage. Pourtant il m’attire, il est toujours là, je ne sais pas qui il est, ni ce qu’il fait. Il me fascine même si nos rencontres se déroulent dans une ambiance de mort terrible.
Une fois ma respiration, redevenue normale, j’essaie de réfléchir correctement à ce qu’il vient de se passer, je regarde partout aux alentours comme pour vérifier que je suis bien dans mon petit studio. L’odeur de soufre a disparu, à la place celle du tabac froid se fait sentir. Rien d’ensanglanté autour de moi, pas de corps démembré, ni d’homme énigmatique non plus.

Ces rêves ne me lâchent pas au réveil. Ils se confondent avec la réalité, parfois même la journée. Je perçois de furtives images, trop rapidement pour en comprendre le sens. Pourtant ces hallucinations provoquent toujours un étrange malaise, une nausée, comme si pendant un millième de seconde je me retrouvais en enfer.
Je jette un œil sur le réveil, c’est le milieu de la nuit, je sors péniblement de mon lit et passe dans la salle de bain pour me passer de l’eau sur le visage. Dans le miroir, mes cheveux châtains sont emmêlés. Mes yeux bleus sont cernés si bien que j’ai l’air malade. Ma peau hâlée d’habitude est très pâle et couverte d’une sueur froide. Je retiens ma nausée difficilement. Je consulte mon téléphone portable, outre une dizaine de notifications j’ai deux messages de Lou, ma meilleure amie, elle me raconte sa soirée écourtée avec un mec décevant. Je ne prends pas la peine de répondre et file sous la douche.
En tirant le rideau, j’ai le flash de l’homme de mon cauchemar, il est couvert de sang. Je recule instinctivement en étouffant un cri. Je porte la main à mon cœur et mes doigts entrent en contact avec le rubis de mon collier, la seule chose de valeur que je possède, cadeau de ma grand-mère. Je secoue la tête et rentre dans la douche après avoir vérifié qu’elle est bien vide.
L’eau brûlante détend mes muscles tendus. J’essaye d’effacer de mes pensées les morbides souvenirs de mon rêve, mais l’homme énigmatique s’incruste dans mes réflexions. Même si je ne suis jamais parvenue à voir son visage, ses apparitions récurrentes hantent mes nuits, si bien que j’ai le sentiment que cet inconnu fait partie de moi, de mon vécu.
Il faut que je comprenne qui est cet homme.

Autant emporte le sang.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant