11. ELLE (partie 1)

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— Prépare un ristretto, s'il te plaît, pour le monsieur de la table 7 ! lancé-je à Marlène.

Celle-ci s'affaire à la machine à café pendant que je termine mon nettoyage express. Je fais briller la vitrine et passe un coup de lavette sur les étagères réservées aux douceurs et autres gourmandises.

Il est encore tôt. Les rideaux métalliques des boutiques du centre-ville ne sont pas encore levés. D'ici deux heures, le centre-ville grouillera de badauds. Surtout à cette période de l'année. Le congé de Toussaint rime avec affluence. Les établissements scolaires sont fermés pour les deux prochaines semaines, et donc désertés par les ados qui oublient l'école et envahissent les magasins et les cinémas ; c'est un phénomène récurrent.

À cette heure-ci, par miracle, quelques personnes viennent parfois s'attabler au Shining pour prendre leur petit-déjeuner. C'est le cas d'un jeune homme qui doit avoir probablement pas plus de vingt-cinq, vingt-sept ans, bien qu'il en paraisse plus avec tous ses tatouages.

Je l'observe un instant. C'est un habitué. Il vient souvent et est plutôt mignon en son genre. Brun, avec une barbe entretenue et courte de quelques millimètres. Il ôte son bonnet et passe la main dans ses cheveux avant de jeter un coup d'œil dans ma direction.

L'impatience le guette sûrement. Il est notre seul client et a déjà commandé il y a près de cinq minutes.

J'arrange les pâtisseries : les verrines de mousse au chocolat, les merveilleux, les éclairs... dans l'espace réfrigéré, disposé le long de la vitrine, avant de me tourner vers Marlène et de la remercier. Comme espéré, elle a arrangé un plateau avec une serviette, une cuillère, du lait et du sucre. J'y ajoute un croissant dans une assiette et file apporter le petit-déjeuner à la table 7.

— Anaïs va arriver mais avec un peu en retard, me prévient-elle, son téléphone en main, quand je reviens à sa hauteur.

— Problème de métro, je suppose.

— C'est ça, elle est bloquée au niveau des Beaux-Arts.

— Pas de souci. Pour le moment, il n'y a pas grand monde. Rassure-la.

Marlène se charge de répondre aux messages de sa collègue.

Je ne suis pas une boss intransigeante. J'ai énormément de chance de compter sur elles deux. Elles sont encore à l'université et essaient de mettre de l'argent de côté grâce à leur emploi. Je ne peux que louer leur détermination et m'identifier à elles. Avant de me lancer à mon compte, j'étais à leur place.

Sauf que j'étais une étudiante, malheureuse à cause de ses études en compta, mais passionnée par son job étudiant dans un café.

Marlène travaille à mon service depuis près de cinq ans, c'est-à-dire depuis l'inauguration du Shining. À force de se côtoyer, nous nous sommes liées d'amitié. À vrai dire, c'est ma seule amie. Je n'ai gardé aucun contact avec mes copines de secondaires parce que nos chemins se sont séparés et parce que je n'avais pas envie d'entretenir des liens superficiels.

Il n'y a qu'avec les garçons que je me sens entière, vraiment moi. Finn, Noé et Maël ne m'ont jamais jugée pour mes faits et actes, ni mise de côté. Auprès d'eux, j'ai trouvé une famille. Ils me sont loyaux, et nous avons traversé bien des épreuves ensemble. La disparition de mon frère nous a indéniablement rapprochés, entre autres. Si nous étions soudés à l'époque, nous le sommes davantage à ce jour.

Même si plus d'un secret se sont, tout de même, immiscés entre nous au fil des ans.

Je sors du frigo le gâteau au chocolat que j'ai préparé hier dans la nuit alors que je n'arrivais pas à fermer l'œil. J'étais si énervée, jalouse et déçue après avoir reçu la photo envoyée par mon stalker que tous mes membres tremblaient. Je ne tenais plus en place dans mon canapé et pleurais par-dessus le marché, donc afin d'apaiser mes nerfs, j'ai enfilé mon tablier.

Le Diable au cœur (DARK ROMANCE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant