11. ELLE (partie 2)

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Je chausse à la hâte mes bottes vernies bordeaux, aux bouts carrés, celles que Noé surnomme pour plaisanter mes chaussures de Winx. Tout en fermant les tirettes, je trottine, en équilibre sur mes talons hauts, jusqu'à la patère. Même si les nuits sont froides, je revêtis mon perfecto métallisé et me dépêche de verrouiller ma porte d'entrée après avoir envoyé un baiser de la main à Salem. Depuis le canapé où il est niché, il me lance une œillade pleine de sens.

Il me boude car j'ai le toupet de le délaisser.

— Maman sort, aujourd'hui ! Ne veille pas trop tard, mon cœur.

Les garçons m'attendent déjà en bas de mon immeuble. Tout de suite, je repère sur le parking Furie grâce à sa forme particulière et allongée, vestige d'une autre époque. Maël se trouve derrière le volant de sa voiture alors que Finn occupe le siège passager et Noé la banquette arrière.

Le premier me gratifie, derrière son pare-brise, d'un long regard. Il détaille ma tenue, presque estivale, qui me fait regretter l'antre chaleureuse de mon appartement. J'ai enfilé ma robe noire dont le décolleté offre une vue vertigineuse sur ma chute de reins. Maël a sûrement reconnu la tenue que je portais à la Saint Sylvestre et qui m'a valu une main aux fesses de la part d'un connard - espérons qu'aucune esclandre de ce type ne se produise à nouveau.

Alors que j'accélère le rythme, le vent mord la peau de mes jambes nues. J'ai fait l'impasse sur les bas collants, et un bijou de corps drape ma silhouette d'une gigantesque toile d'araignée. La chaîne agrémentée de brillants se balance, d'ailleurs, au gré de mes pas et frôle le satin de mon vêtement. Sous la caresse du métal, mes tétons durcissent et pointent. Je ramène les pans de ma veste sur ma poitrine libre de tout carcan - impossible de porter un soutien-gorge avec une telle échancrure dans le dos.

Des coups de klaxon rompent soudain le silence de la nuit et me font sursauter. Je ris en apercevant la scène qui se déroule dans le véhicule. Maël éloigne Noé de son volant, après l'avoir assailli d'une claque derrière le crâne.

Je m'engouffre dans l'habitacle et me laisse choir sur le cuir de la banquette, happée par la chaleur et le parfum qui embaume l'air. Une odeur purement masculine qui me donne envie de me blottir contre un torse. Des notes de café noir, de tabac et de musc imprègnent l'intérieur de la voiture. Je clos les paupières et inspire profondément en bouclant ma ceinture.

— On t'a attendue, commente Finn sans me regarder.

— Bonsoir à toi aussi !

— L'écoute pas, se mêle Noé. Monsieur est ronchon. À croire qu'il n'a pas rattrapé ses heures de sommeil comme escompté !

Il dépose un bisou sur ma joue et me scanne de ses yeux aussi bruns que la terre d'une tombe fraîchement creusée - une comparaison funèbre en accord avec les envies de meurtre que me file Finn. Ce dernier ose enfin un coup d'œil dans ma direction. Il me mate d'un air approbateur alors que je hausse les sourcils, défiante.

Regarde-moi bien parce que, ce soir, tu n'auras droit qu'à l'image. Tu n'auras plus que tes yeux pour pleurer, et la veuve poignet pour te satisfaire.

— Tu as sorti le grand jeu pour me séduire ?! s'amuse mon voisin de banquette, mettant fin à mon échange meurtrier avec Finn.

— Je te plais ?

— Et comment !

Noé s'empare de mon poignet et porte ma main à sa bouche. Il m'embrasse les phalanges avec adoration, tout en citant de façon approximative Gomez Addams :

— Je mourrais pour toi. Je tuerais pour toi, cara mia !

Je ris et tente de le repousser, mais il ne me facilite pas la tâche. Sa prise sur mes doigts se raffermit au point de les broyer. Sous la douleur, j'ouvre la bouche mais ne libère pas un cri comme il s'y attendait. Je ne fais que pousser un soupir plaintif qui le ravit.

Le Diable au cœur (DARK ROMANCE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant