Chapitre 2

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Le lendemain, j'arrivai au toit un peu en retard ; entre la cohue dans les couloirs et le prof qui ne parvenait pas à terminer son cours...

Après m'être hissé sur mon refuge et son calme, je fermai la trappe derrière moi. Je pris une grande inspiration et soufflai. Je m'avançai vers ma place habituelle et y découvris le garçon de la veille. Il ne manquait pas d'air celui-là ! Il tourna la tête et me remarqua, pourtant, il ne bougea pas. Il se contenta d'allumer une cigarette et de m'en tendre une en compagnie d'un sourire si large qu'il plissa ses yeux. Je soupirai en grimaçant.

— Je t'ai dit que je ne fumais pas.

Il haussa les épaules et rangea le bâton de nicotine dans son paquet tandis que je scrutai le toit. Puisque la place était prise, je devais en dénicher une autre. Je tournai les talons, pas enclin à converser, mais il me rappela.

— Tu ne t'assois pas ? C'est parce que je t'ai volé ta place ? En même temps, elle est cool. Donc t'avais qu'à arriver à l'heure, ricana-t-il

Je fis la moue. Qu'est-ce qu'il cherchait à faire ? Il plaisantait ou il se moquait juste de moi ?

— Allez, renchérit-il. Viens, c'est chiant d'être seul.

— Non merci.

Sans un mot de plus, je me trouvai un coin tranquille. J'y étais moins bien, mais seul.

À la pause du midi, je sortis de l'établissement pour aller m'acheter un sandwich. Je m'installai dans le parc voisin, bien plus calme que la cantine surpeuplée. À force, je connaissais les habitués ; il y avait cette jeune maman qui se baladait avec son bébé, en lui parlant comme s'il était la personne la plus précieuse au monde. Cet homme aussi qui courrait ; ses débuts avaient été difficiles, mais maintenant, il trottinait avec joie. Et puis cette vieille femme, qui prenait souvent le banc à côté du mien. Elle lisait, faisait des mots fléchés ou profitait simplement de la vue.

Je mordis dans mon sandwich en me délectant du calme environnant. Je l'avais presque terminé lorsque des cris m'interpellèrent. Il n'était pas rare de croiser des lycéens ou des étudiants de la fac venir manger ici en bandes quand le soleil réapparaissait. De loin, ils formaient une masse informe qui gesticulait et dont je me détachai, concentrant la totalité de mon attention sur mon repas.

Il se sembla reconnaître une voix dans le méli-mélo qu'elles constituaient toutes et je portai de nouveau mon regard sur le groupe, par réflexe. Cette fois, le bombeur canari de mon coloc de toit me sauta aux yeux. Il paraissait se chamailler avec ses amis. Je pris une nouvelle bouchée de mon déjeuner en m'obligeant à les ignorer ; je ne voulais pas lui donner la moindre excuse qui lui servirait à entamer la conversation.

À travers ma musique, j'entendis des cris. Je leur tournai le dos délibérément, mais après quelques instants, je jetai un coup d'œil, curieux. J'aperçus alors le blond à califourchon sur un autre et avant que j'aie pu réfléchir au pourquoi de leur position, il administra un coup de poing violent au second. Je restai en suspens au-dessus de mon sandwich, la bouche entrouverte. Comment la situation avait pu dégénérer si vite ? Deux gars se précipitèrent pour le soulever et le maintenir en bloquant ses bras.

Autour, les gens s'écartaient et désertaient le parc. Ils ne voulaient pas s'immiscer dans la bagarre. Pourtant, à bien y regarder, personne ne semblait se positionner du côté de mon coloc... Il était seul et en mauvaise posture. Je le fixai pendant qu'il donnait de grands coups de pied dans le vide, tentant d'atteindre son adversaire qui riait, à l'instar de ses camarades.

Est-ce que je devais l'aider ? Après tout, il était peut-être en tort... Mais j'avais du mal à laisser des gens se faire tabasser à trois contre un. Je pouvais tout aussi bien attendre et le récupérer une fois qu'ils seront partis ? Lorsque je m'y intéressai de nouveau, il recevait plusieurs coups au ventre et au visage. Ça me faisait de la peine pour lui.

La quatrième corde [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant