Voix florale

7- Chrysanthème

Le visage terreaux, les mains teintées d'éclate, Cyno entreprit d'ouvrir la nouvelle lettre qu'il venait de recevoir. Pourquoi était-il si sale ? Parce qu'aujourd'hui, il avait tué et ce n'était pas vraiment dans ses principes. Il avait achevé des Érémites et n'avait rien ressenti. C'était pour sa mission et même cette excuse n'expliquait pas son indifférence face à sa lance plantée dans le corps robuste de ces hommes.
  Il sourit ironiquement à la vue des chrysanthèmes presque fanées qui accompagnaient la lettre: le destin faisait bien les choses.
  C'est en lisant les lignes joliment écrite que son envie de se confier à l'Amoureux des Fleurs prit possession de tout son être. C'était frustrant: il voulait parler à un inconnu, se déverser de ses maux par les mots à celui qu'il ne connaissait que par ses phrases.
Quand il déplia le papier, d'un regard détaché, Cyno observait ses doigts laisser leur empreinte d'une belle teinte rouge. Il était avide des phrases qu'il savait douces qu'abritaient ces lignes, en avait besoin... Surtout face à cette folie inhumaine d'achever son semblable.

« Effectivement Cyno, j'ai souri en lisant ta première ligne. Je ne sais pas si je suis beau. Je ne suis pas laid en tout cas... Mais la beauté est subjective, n'est-ce pas ?
Tu te trouves beau toi ?
Tu es charmé par mon jeu littéraire et j'en suis ravi. Il me tarde de relever le défi que tu me lances lors de notre prochaine rencontre.
Pour te répondre, elle aura lieu quand tu seras de retour dans les forêts denses de Sumeru.
D'ailleurs, je mettrai ma timidité de côté pour te séduire... Yeux dans les yeux.
Le regard est pour moi quelque chose d'important. Qu'est-ce qu'est le vrai nous ? Les yeux donnent cette réponse. Comme les fleurs, les yeux ont leur langage. Me laisserais-tu lire ton regard Cyno ? Lirais-tu le mien ?

Je reçois tes juliennes des dames en frissonnant. Les attentes que tu places en moi sont légitimes, je ne te décevrai pas. Et puis je suis moi-même dans l'attente de te revoir, il me tarde de débuter cette traque sensuelle. Il me tarde de jongler entre L'Amoureux des Fleurs, les lettres et moi, celui que je dois être devant toi. Il me tarde de te faire devenir ton propre traître Cyno, que tu te sentes déchiré entre tes sentiments pour l'Amoureux des fleurs et moi, pour nous.
Rentre vite.

Archontes, Cyno, sais-tu l'effet que tes supplications ont sur mon être ? Sur mon coeur ? Tes mots pourraient me faire défaillir.
Je continuerai de déverser mes mots, Ô grand général Mahamatra. Ma parole, ma plume ploie le genou devant toi depuis que tu as dérobé mon coeur et ma raison.

Oui, je fabrique mes charmes à partir de champignons, hallucinogènes ou non. Tu ne sais pas comme la flore de Sumeru peut faire des merveilles. Pour tout te dire, durant mon adolescence, il m'est arrivé de confectionner des stupéfiants pour les vendre à Dori... Je n'en suis pas forcément fière...
Est-ce un péché pour vous, général Mahamatra ?

  Je te donne ici une chrysanthème et vais t'expliquer mon amour pour ces fleurs.
  Ces fleurs sont le symbole même des différents points de vue. À Fontaine, elles sont la fleur du deuil, c'est d'ailleurs leur signification la plus répandue. »

  Cyno sourit: si l'Amoureux des Fleurs savait dans quel état il lisait ces associations de mots...

  « Pourtant, à Inazuma, elles symbolisent le plaisir et le bonheur. À Liyue, elles offrent la longévité et la joie. Comment une simple variété de fleurs peut se montrer si complexe ? Archontes, j'aime la complexité !
  Regarde-la, cet assemblage de pétales si doux porteurs de tant de sens. Leurs pétales recourbés comme si elles se protégeaient, comme si elles savaient ce qu'elles représentaient... Qu'elle est Belle !

  Quelle est ta fleur favorite Cyno ? Puisque je dois te les faire aimer, choisi pour laquelle tu veux te passionner.

L'Amoureux des fleurs »

  — C'est pour toi que je veux me passionner...

  Sur ses mains, le sang avait séché. Sur la feuille, le sang avait séché. Sur son visage, leur sang avait séché. Sur le papier, sa mission était achevée. Dans leurs corps inertes, leur sang avait nourri le sable. Et pourtant Cyno ne ressentait pas la Belle laideur de ses gestes. Non, il ressentait juste le souffle de vie de ses mots.
  Si son destin était d'accomplir des missions académiques tantôt officielles, tantôt douteuses, la voix florale lui donnait envie de sortir de ce chemin dicté par l'Ordre Divin.
  Après tout, si l'Amoureux des Fleurs devenait son péché, ne deviendrait-il pas son Dieu ? Et puis, les mots des Archons pouvaient-ils prétendre à la Beauté des siens ?
Non, sûrement pas.

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Sha'