Chapitre 4

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Monsieur Kid avait vu juste. Durant les jours qui suivirent, Maël fut chamboulé comme il ne l'avait jamais été. S’être fait berner par ses émotions était une chose inimaginable pour lui. Accepter la perte du contrôle de ses sentiments n'était en rien accepté dans sa famille et cela, il l'avait bien compris étant plus jeune.
Alors, pourquoi avoir acquiescé afin d’effectuer cet exercice complément saugrenu ?

C’était une bonne question et le jeune homme n’avait pas la réponse. Peut-être, au fond de lui, avait-il eu envie d’essayer ? D’essayer le piège que lui tendait monsieur Kid ? Celui pour dépasser ses limites ? Sûrement, pourtant, il ne l'acceptait pas.

Le lendemain, il n'avait fait attention à personne, n’ayant pas le courage de montrer sa faiblesse et qu’on lui demande le pourquoi du comment. Monsieur Kid, sachant que l’exercice avait tourmenté son élève, ne lui parlait plus, s'intéressait à d’autres étudiants mais gardait tout de même un œil sur Maël, le regardant de loin, voir si sa concentration était toujours optimale sans trop s’attarder sur lui.

Un matin, le professeur arriva en salle des enseignants afin de se faire un thé et d’y récupérer des copies de la part d’un de ses collègues. Il tomba nez à nez avec madame Melvil, une professeure d’histoire géographie. Ayant sympathisé quelques fois avec elle, ce dernier la salua et ils échangèrent de simples mots.

– Bring est ton élève ? lui demanda-t-elle.

– Tout à fait, je dirais même un des meilleurs.

– Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais..

– Que se passe-t-il, Clara ?

La jeune enseignante détourna le regard et reprit son passage.

– Il a l’air perturbé depuis quelque temps et je t’avoue qu'avec d'autres de nos collègues l’avons remarqué.

Monsieur Kid avait vu juste. Son élève avait été perturbé par cet exercice. Il lui avait autorisé à dépasser ses limites, était-ce cela le problème ? Laisser les émotions prendre le contrôle de son esprit était donc impossible.

– John ? l’appela-t-elle.

Monsieur Kid, le regard perdu dont nous connaissions le prénom, releva la tête et soupira.

– Bring n'est pas dans son état classique. Je pense connaître la raison.

– Tente de lui parler John, lui conseilla Clara. Je ne pense pas que tu sois dans son cœur mais il t'écoutera car tu es le seul à pouvoir le déchiffrer.

Sur ces mots, la jeune professeure partit et laissa son collègue perdu au sein de ses pensées. Était-il véritablement le seul à pouvoir aider Maël ? Il n’y avait qu’un seul moyen pour le savoir. Au prochain cours, l’acharnement de ses questions recommencerait.

*****

L'après-midi venait à peine de commencer. Monsieur Kid s’en alla vers sa salle afin d’accueillir sa classe principale. Il était urgent de parler au plus jeune sans plus attendre. Seulement, si Maël ne souhaitait pas coopérer, le professeur n’aurait pas le choix que de le laisser en paix. Pourtant, un pressentiment lui disait que tout allait bien se passer, en tout cas, il l’espérait.

Ouvrant la porte de sa classe, il déposa ses affaires et attendit que la sonnerie retentisse. Sans grande surprise, Maël fut le dernier à pénétrer au sein de la salle, toujours le regard perturbé mais moins que depuis quelques jours.

– Installez-vous dans le calme, ordonna Monsieur Kid. Bien, reprenons notre analyse sur le texte de Balzac. Regardant de loin, si son élève était attentif, il se dirigea vers lui et sourit. Monsieur Bring, pouvez-vous me dire ce que la dernière phrase présente au sein de ce texte signifie ?

Le principal concerné releva la tête, les sourcils froncés et répondit froidement par quelques mots.

– Raphaël de Valentin n’est qu’un idiot de cette société que décrit Balzac.

– À moins que je ne sois pas attentif, je ne crois pas vous avoir entendu répondre à ma question. Pouvez-vous argumenter votre réponse ?

– Ce n’est qu’un crétin ne comprenant rien aux règles de vie. Il se plonge dans une pauvre peau de Chagrin afin d’y combler un quelconque désespoir qui, cependant, n’est rien comparé à la souffrance humaine. Donc, pour répondre à votre question, le désespoir de ce cher personnage est un simple prétexte pour nous faire croire que la mort est une solution valable et non une faiblesse.

Tout le monde fut ahuri devant le discours de ce cher Maël. Peut-être que le groupe entier fut ébloui face à ce vocabulaire soutenu, pourtant, monsieur Kid comprenait parfaitement ce que cela signifiait. Un pic, comme on pourrait l’appeler dans le langage courant, une attaque, une souffrance ou bien… un appel à la discussion. Il était évident que l’exercice demandé par John avait été compliqué pour son élève. Jamais n’aurait-il pensé que cette demande, ce dévouement envers l'amour de la littérature pouvait lui faire révéler de telles choses.

Ce dernier fut inquiet mais sut que le plus jeune n’en resterait pas là et qu’à la fin de l'heure, celui-ci aurait une discussion.

The Enchantment (SOUS AUTO ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant