Chapitre 5

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L'intérieur de ce château était aussi somptueux et lumineux qu'il paraissait de l'extérieur. Cela se voyait qu'il n'avait subi aucune attaque, ce n'était pas son but. Il avait dû être édifié après les combats pour montrer à tous la grandeur, la puissance et la richesse de la race humaine.

La guerre de Milleadh, quatre cents ans auparavant, avait été la pire que le continent ait connue. Il semblait même qu'une île entière avait été détruite à cause de la colère des faes. Le monde avait été remanié et la mise en place d'un Conseil fut la solution pour sauvegarder la paix entre les régions et les espèces. En revanche, la plupart des informations n'étaient que des rumeurs, peu d'écrits avaient subsisté.

Nous n'avions pas plié, nous avions perdu tellement d'hommes que le nombre de victimes était indéterminé. Les trois territoires humains avaient dû être totalement reconstruits, celui d'Ogilvie ayant le moins réussi à se remettre.

Le territoire d'Hanley, lui, avait prospéré à la suite de cette guerre, comme le prouvait ce château. Dans le hall, des lustres en cristal descendaient du plafond, une profusion de compositions florales dans toute la pièce. Au fond de la salle, un escalier se séparait en deux après quelques marches pour mener aux étages.

Lord Duncan me montra le chemin jusqu'à nos appartements, une main posée dans mon dos. Je sentis sa chaleur à travers l'étoffe, je n'osais pas respirer, je me contentais de fixer le sol en marbre. J'en étais presque à compter le nombre de marches jusqu'au deuxième étage pour éviter de me concentrer sur cette main, je ne voulais pas rougir devant lui.

Il ouvrit la lourde porte en bois et me laissa passer devant lui, je fus bouche bée par cette profusion de luxe. Je n'étais qu'une fille de commerçante, et j'avais le privilège d'une chambre digne d'une princesse. Une cheminée était placée face au lit, entre les deux se trouvait un divan qui avait l'air terriblement confortable. Une bibliothèque trônait sur le pan de mur à ma droite. Au fond de la pièce, une porte ouverte indiquait la salle de bain. Le lit à baldaquin vert d'eau était recouvert de coussins ivoire. Je n'osais imaginer les appartements destinés à la haute noblesse.

— J'espère que votre chambre vous conviendra, votre frère Gilmer logera dans celle juste à gauche de la vôtre. Je me suis dit que séjourner à proximité vous rassurerait.

— La chambre est parfaite, je vous remercie pour cette charmante attention.

— Je vous laisse vous installer. Les domestiques apporteront vos bagages sans tarder. À bientôt, Lady Eira.

Je m'allongeai de tout mon long sur l'épais matelas. Le lit était tellement moelleux que j'allais dormir comme un bébé sous les couvertures, je pensais même que j'y resterais cachée jusqu'à la fin des festivités. Quand on toqua à la porte, je me redressai vivement, histoire de ressembler à une dame avec un tant soit peu d'éducation.

— Entrez.

Deux valets s'introduisirent dans la pièce, apportant avec eux les bagages lourds de mes habits. Une domestique les accompagna en se présentant comme ma femme de chambre pour le séjour, elle était à ma disposition pour m'aider à me préparer pour chaque occasion. Elle partit me faire couler un bain, ce qui n'était pas de refus après ces trois longs jours de transport. Je fouillai dans mon coffre pour trouver une légère chemise de nuit en coton pour dormir après m'être lavée. Je ne comptais pas descendre manger, j'étais bien trop épuisée pour faire preuve de gentillesse et d'intérêt envers autant de monde. Je n'avais pas la force de me sentir épiée dans tous mes faits et gestes.

Dans la salle de bain, une charmante baignoire avec des pieds en or formant des griffes de lion trônait en plein milieu. De la vapeur s'échappait, remplissant la pièce d'une chaleur agréable. Je remerciai la femme de chambre qui me laissa profiter de ce bain seule. J'y restai jusqu'au refroidissement de l'eau, mes doigts en étaient devenus fripés. Habillée de ma chemise, je sortis regagner mon lit quand je vis Gilmer étendu négligemment sur le divan devant le feu que la femme de chambre avait allumé avant de partir.

Je le rejoignis et m'allongeai à côté de lui. Il grogna quand je le poussai pour me faire davantage de place. Il me serra malgré tout dans ses bras, posant sa tête sur la mienne.

J'observai les flammes lécher les bûches, un spectacle saisissant, hypnotisant. Le feu grandit encore et encore, s'approchant de nous ; étrangement, je n'avais pas peur. Je me penchai vers lui, prête à le toucher. Je me sentis tirée vers l'arrière, mes fesses heurtant brusquement le sol.

— Eira ! Arrête ça, tu recommences.

Je fixai Gilmer, incrédule. Je n'avais absolument rien fait à part admirer la cheminée. Il avait l'air en colère contre moi, je le vis faire les cent pas à travers la chambre.

— Tu ne t'en es pas rendu compte ? Le feu répond à ton appel, maintenant que ton attention envers lui s'est dissipée, il est comme avant, regarde. Sois prudente, on ne sait pas ce qu'il se passe, imagine que tu te perdes dans tes émotions de la même façon que cet après-midi ?

Je mis du temps à intégrer ce qu'il essayait de me dire, j'avais du mal à accepter toute cette histoire. J'étais encore dans le déni, contrairement à lui, qui prenait plutôt bien cette nouvelle.

— Je suis désolée, Gil. Je n'y pensais pas, cet après-midi si c'était vraiment moi, je m'excuse. J'ai toujours eu des difficultés à maîtriser mes sentiments, je suis un livre ouvert, que veux-tu ?

En dépit de ma tentative pour le faire rire, je le sentis réservé, fermé. Il était le plus sérieux de nous deux. J'étais la sœur joyeuse, quoique colérique, celle qui se laissait facilement contrôler par ses émotions. Au contraire de Gilmer, que je n'avais encore jamais vu sortir de ses gonds.

Celui-ci s'approcha de la cheminée, je l'observai se concentrer. Je hoquetai de surprise quand les flammes lui répondirent en s'avançant vers sa main. Ses bras n'étaient plus que feu, d'un mouvement, il renvoya les flammes sur les bûches. J'étais stupéfaite et impressionnée par ses capacités.

— Tu peux faire pareil avec l'air ?

Il me regarda en souriant, quelques instants plus tard, mes cheveux se soulevèrent dans une brise fine. Je rigolai, c'était improbable.

— Je devrais y aller, il se fait tard. Ne t'amuse pas, j'ai peur que tu ne te contrôles pas.

— Oui, maman, bonne nuit.

Une fois seule, je me tournai instantanément vers le feu, je voulais réussir à être aussi douée que lui. Je fis quelques pas dans sa direction avant de me raviser et fis demi-tour vers mon lit.

À peine la tête posée sur l'oreiller, je m'assoupis profondément.  

L'embrasement de l'OpaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant