Éléa
Deux personnes s'agitent en moi. Toujours ce duel entre la fille en robe rouge et son miroir. Je me suis évanouie dans la voiture, je manquais d'air. La suite m'est vague, par petits flashs de souvenirs.
Je sens les bras de Jay me porter ; je me revois être déposée dans le lit que j'occupe maintenant, m'endormir de nouveau. À un moment, je me suis réveillée, j'ai discerné la silhouette de mon impossible ennemi, assis sur une chaise, les mains jointes devant lui... Je l'ai entendu déclarer, au moment où j'ouvrais les yeux :
— Tu m'as foutu dans la merde, Dola.
Il s'est levé pour quitter la pièce. Ensuite, j'ai de nouveau dormi. Beaucoup. Longtemps.
Jérémy Storm m'a apporté à manger, sans rien me dire. Sans me préciser pour combien de temps j'en avais. J'ai pu explorer l'étage où je me trouve, son couloir au parquet grinçant, ses fenêtres rondes aux carreaux colorés, naviguant de ma chambre de prisonnière à ma salle de bains, aux toilettes ; et me voici.
J'ignore depuis combien de temps je pleure. Parce que deux personnes se battent en moi, et que le combat m'épuise. Alors... voilà. Nous y sommes. J'ai trouvé l'assassin de mon père.
La première partie de moi, habitée par la haine, se réjouit de connaître enfin le visage du coupable, et de pouvoir le lacérer lentement. L'assassin de mon père... c'est Jay. La seconde, soumise à l'extase et aux envies de plus, se tord à l'idée de ne plus caresser ce visage-là. Tout tourne en moi avec la violence d'une tempête. Quand il agrippait ma nuque et ma hanche, sous la chaleur de notre fusion, quand il murmurait, la voix brisée par le plaisir : « Putain, Éléa... C'est meilleur que tout », il avait tué mon père.
Quand il me donnait plus de plaisir qu'un corps humain peut le supporter, il avait tué mon père.
Ses doigts, les longs doigts à la dextérité d'artiste, lorsqu'ils m'ont pénétrée, étaient aussi les mêmes doigts qui ont appuyé sur la gâchette. La même main que j'ai léchée. Les mêmes bras que j'ai serrés. Le même corps que j'ai vénéré.
Quand nous avons fait l'amour – car je crois, à un moment, que c'est ce que nous avons fait, réellement –, j'ai pensé, submergée par l'intensité de l'instant, que je ne pourrais jamais plus me passer de lui. Je ne l'ai pas pensé, en réalité, je l'ai constaté, je l'ai senti, je l'ai vécu. Ça s'est imposé à moi, de toute évidence.
Mon ventre, mon cœur, mes membres, tout m'a hurlé : « Jamais plus la vie sans lui. Jamais plus autre sensation que celle-là. Garde-le, gardez-vous » Puis, il a dit que j'étais faite pour lui, et je l'ai cru. Et j'ai ressenti la même révélation que la sienne, au bout de ses lèvres : nous étions faits pour ça. Nous étions faits, conçus, amenés ici, l'un pour l'autre.
Qu'il crève.
Les larmes me reviennent, violemment. Je me blottis contre mes propres bras, dans le lit deux places qu'on m'a assigné. Je plisse les yeux sous la douleur.
Ce n'est pas lui que je hais, c'est moi. Je me hais de ressentir ce que je ressens, je me hais de vouloir lui trouver une explication rationnelle, de chercher une échappatoire à ma vengeance. Je me hais de penser que tout ceci est peut-être faux, et qu'il serait possible, alors, de le retrouver un jour.
Et s'il apprenait qui je suis vraiment, est-ce qu'il parviendrait à me regarder en face ? Et s'il le savait déjà ?
Si c'était pour ça, précisément, qu'il avait tant lutté pour ne pas flancher contre ma peau ? Ça voudrait dire qu'il lui reste un peu d'humanité. Il n'aurait pas été sale au point de baiser la fille de sa victime. Arrête. Arrête de l'humaniser. Arrête de lui donner l'espoir de s'en sortir.
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Inside MAC, tome II
RomanceATTENTION : Ne lisez pas ces premiers chapitres si vous n'avez pas lu le tome 1 d'Inside MAC. Spoiler absolu ! Et si le désir dépassait la vengeance, la raison...la survie ? Faite prisonnière par le réseau de MAC, Eléa tente de tirer avantage de la...