[ C i r c é ]
Je grimace alors qu'une vive douleur irradie derrière mon oreille. Mes doigts se portent instinctivement à l'endroit où la puce de géolocalisation vient d'être injectée. La minuscule bille roule sous ma peau.
— Ne touche pas.
La gardienne me tape le dos de la main, puis repose le pistolet injecteur sur la table de métal. Je remue la nuque avec désagrément.
Devant moi se tiennent les autres détenus. Comme eux, j'ai revêtu la combinaison de mon secteur. Elle est d'un rose délavé. Des bandes réfléchissantes sont cousues le long des coutures, et une large fermeture éclair scinde le devant du tissu synthétique en deux. Cette couleur me place au niveau deux sur quatre de surveillance à Webgrid, le niveau un étant les Blancs.
Ceux dont on ne croisera jamais la route.
Ceux dont Lazarus fait désormais partie.
Le désespoir s'abat sur moi. L'image de Lazarus, nu sur le sol, le visage crispé de souffrance et les pupilles tourbillonnantes de détresse, me brûle l'esprit.
Allons-nous seulement nous revoir ?
Je repousse l'angoisse lancinante qui m'étreint. Je refuse d'accepter que ce soit la dernière fois qu'on se parlait, se touchait, se voyait. Bon sang, sa présence me colle toujours à la peau. La peur, la souffrance qui se dégageait de lui en vague d'ondes.... Elles vibrent toujours en moi. Son amour, aussi. Il me traverse encore, palpite sous mon épiderme, comme un courant électrique qui nous reliait au-delà des mots et des gestes.
Un courant faiblissant.
Son absence me laisse déjà dans une solitude glaçante.
Les gardes de Webgrid nous font traverser les secteurs Vert et Orange, où mes camarades découvrent leur cellule. Lorsque nous atteignons enfin le quartier Rose, il ne reste plus que moi. Les cellules s'alignent de part et d'autres du couloir exigu, délimitées par des panneaux de verre renforcé. L'intérieur est aussi étroit qu'une cage d'ascenseur et ne contient que le nécessaire : une couche dépliable, un lavabo et des toilettes, pouvant eux aussi se replier dans le mur, et une étagère encastrée dans la paroi.
Seuls quelques compartiments sont occupés. Tous les autres sont vides.
— Où sont les détenus ? demandé-je à l'une des gardienne qui m'escorte.
— Ils travaillent.
Chacun de mes pas est ponctué par le claquement sourd de ma canne en plastique contre le sol. Je ralentis, une douleur me tiraille la hanche. Malgré les opérations que j'ai subies et ma condition d'Araknide, les séquelles de mon accident ne se sont pas encore dissipées.
— Quel genre de travail ?
Elle ne répond pas, s'arrête devant une cellule, et fais un signe à la caméra. Le panneau de verre s'ouvre en glissant dans les rainures du plafond.
— Ta cellule, m'informe-t-elle.
Un frisson incontrôlable parcourt mon corps lorsque je franchis le seuil. Je me sens aussitôt pris au piège dans ce cocon de béton et de métal. Les murs sont si étroits que j'ai l'impression qu'ils vont se refermer sur moi, m'écraser, m'étouffer. Une terreur absurde me serre le cœur de sa poigne de fer.
Dans mon dos, la paroi transparente se referme avec un chuintement. Je fais volte face, la bouche entrouverte. Je dois faire appel à toute ma volonté pour ne pas me précipiter contre la vitre.
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Araknides
Science FictionLazarus et Circé sont des Araknides, des humains dont le génome a été illégalement mélangé à celui d'araignées. Depuis des années, ils vendent leur talent de voleurs au monde de la criminalité, mais tout bascule lorsqu'un braquage tourne au fiasco e...