Malgré la lourde charge de travail qui pesait sur ses épaules, Ali s'attela à ses tâches avec détermination, nettoyant chaque recoin de la maison avec une diligence infatigable. Ses mains rugueuses et calleuses se faisaient les instruments de sa rédemption, frottant sans relâche les surfaces ternies par la saleté et le temps. Au fil des heures qui s'écoulaient, la crasse s'accumulait sur son visage et ses vêtements, formant une couche épaisse qui semblait fusionner avec sa peau et ses haillons déchirés. Abdel et Salim, les bourreaux d'Ali, se délectaient de sa misère, lançant des remarques cruelles et des insultes acerbes à chaque occasion.
« Regardez-le, c'est le prince des mendiants ! » ricanaient-ils, se moquant ouvertement de son apparence pitoyable.
Mais Ali ne fléchissait pas, même face à leur mépris dédaigneux. Il continuait à vaquer à ses tâches avec une dignité silencieuse, refusant de laisser leur cruauté briser son esprit. Lorsque vint enfin le moment pour Abdel et Salim de se préparer pour le bal royal, Ali dut les aider à s'habiller, comme s'il était leur serviteur personnel. Ils se pavanaient devant lui, vêtus de tuniques somptueuses, leurs turbans chatoyants et leurs babouches ornées ajoutant à leur aura de grandeur factice. Pendant ce temps, Ali restait dans l'ombre, cachant sa tristesse derrière un masque d'indifférence. Il nettoyait leurs babouches avec une ardeur renouvelée, même si chaque coup de chiffon semblait lui rappeler sa propre condition de servitude et d'oppression.
Le moment fatidique arriva enfin. Le beau-père, suivi de près par Abdel et Salim, descendit majestueusement l'escalier principal, revêtus de leurs habits somptueux, comme des rois prêts à conquérir leur royaume. Leur hypocrisie n'avait d'égale que leur arrogance, et ils affichaient des airs étonnés et faussement préoccupés en constatant qu'Ali ne les rejoignait pas, comme s'ils ne s'attendaient pas à ce qu'il puisse oser espérer assister au bal.
Ali, resté en retrait, observait leur procession avec un mélange de tristesse et de détermination. Mais alors qu'ils s'apprêtaient à partir, un éclair d'inspiration traversa son esprit tourmenté. Il se souvint d'une ceinture et d'un fez qu'Abdel et Salim avaient négligemment jetés et piétinés la veille. Sans perdre un instant, il se précipita pour les récupérer, les époussetant avec soin malgré leur état lamentable.
De retour dans la cuisine, Ali fit face à son reflet dans un miroir poussiéreux, son cœur battant la chamade. Il enfila son sarouel usé mais réparé avec amour, puis glissa ses pieds sales et crottés dans des sandales usées mais encore utilisables. Même si sa tenue était loin du faste et de la grandeur de ceux qui se pavanaient dans le salon, elle portait en elle l'espoir et la dignité d'un homme qui refusait d'être vaincu par les circonstances.
Alors que le bruit des pas des trois hommes résonnait dans le hall, prêts à partir vers la gloire et les festivités, Ali s'avança avec résolution, sa silhouette mince et humble se dressant fièrement dans l'encadrement de la porte.
« Je suis prêt », déclara-t-il d'une voix ferme, sa détermination brûlant comme un feu sacré dans ses yeux sombres.
Un silence chargé d'étonnement s'abattit sur la pièce, brisant le flot régulier des conversations. Les regards incrédules des trois hommes se posèrent sur Ali, mais il tint bon, défiant leur mépris avec une dignité inflexible.
Car en cet instant, Ali savait que même s'il ne pouvait pas changer sa condition de serviteur, il pouvait changer la manière dont il se percevait lui-même. Il n'était peut-être pas un prince par le sang ou la richesse, mais il était prince par la force de son esprit, la noblesse de son cœur et la beauté de son âme. Et rien ni personne ne pourrait jamais lui enlever cela.
YOU ARE READING
Deux princes amoureux
RomanceL'histoire d'Ali, serviteur au sort ingrat et celle du prince Ahmed, beau jeune homme qui croit au prince charmant. Son père, le sultan, organise un grand bal pour trouver une épouse au prince Ahmed. Ali a tant envie d'y aller, mais ses méchants dem...