Le harcèlement créé des monstres

1 0 0
                                    

Le harcèlement est un véritable fléau qui a longtemps été silencieux. J'en ai moi même été victime. Je suis professeure aujourd'hui, dans un collège réputé pour ses élèves turbulents. En tant que professeur, c'est parfois une véritable torture d'y enseigner. La plupart des élèves n'écoutent pas, soit parce qu'ils dorment, ou qu'ils discutent entre eux, mais le pire, c'est quand un meneur décide de foutre le bordel pour me rendre totalement folle. Voyez-vous, être une "racaille", un "gangster", c'est cool selon les élèves. Les observations dans le carnet, ce sont des trophées et je ne parle même pas des avertissements et des blâmes. Les parents ne font plus peur aux élèves. Et dans cette école, c'est à croire que plus tu embête le monde, plus tu es acclamé et plus tu as de chances d'être meneur. C'est un enfer pour les professeurs. Quant aux élèves studieux, ils s'effacent. Soit en se faisant tout petit, prenant soin de faire semblant de rire aux bêtises des camarades, soit parce que les autres élèves se moquent d'eux et les rabaissent constamment. Je croyais au début que cette élève était dans ce cas. Maddison ne parlait pas et les autres passaient leur temps à se moquer d'elle. Elle ne semblait pas y faire attention et passait son temps à dessiner, attendant que les cours passent. Maddison semblait très déconnectée du monde. On aurait dit qu'elle s'abritait dans une coquille où aucun mot ne pouvait l'atteindre. Les élèves ont donc finit par en arriver aux mains avec elle, et sans la moindre émotion, elle a brisé le poignet d'un des meneurs, en un seul geste. En apprenant la nouvelle, j'étais à la fois surprise et horrifiée. Elle était si calme, si discrète. Après trois ans de harcèlement constant, Maddison avait enfin réagi, mais de manière violente et choquante. Pour éviter que les parents ne lui attirent des problèmes, l'école a dû lui mettre un avertissement, et le jour où on le lui a mis, quelque chose a changé en elle. D'abord, son regard devenait très sombre, elle se mettait à fixer les murs en serrant les dents quand les camarades l'insultaient de "folle", "intellotte", "sans amis", "no life", "mocheté", "horreure", "bizarre" et encore bien d'autres mots. Un jour, ce que je craignais de pire est arrivé ; dans la cour, les élèves avaient mis Madison au sol et avait détruit ses affaires, dont son précieux carnet. Mais Maddison ne s'est pas montré violente. Elle a regardé la meneuse, sombrement et s'est mise à rire de façon très sinistre, comme si elle imaginait la torturer pour se venger. Malheureusement, pour répondre à la peur que Maddison éveillait, les élèves n'ont rien trouvé de mieux que de la persécuter de plus belle. Les jours suivants ont été très inquiètants. Maddison avait des bandages autour des mains et des poignées, parfois on pouvait y entrevoir son sang. Elle était parfois très pâle et faible. J'ai appris que ses parents la dispensaient de sport car la jeune fille faisait de l'anémie à force de se mutiler et de passer des nuits blanches à dessiner. Ils semblaient désemparés face à elle. Le pire, je crois, c'était son regard et son sourire quand les élèves la tourmentaient. Elle regardait le mur d'en face, le sourire en coin et les yeux grands ouverts, comme si elle imaginait quelque chose. Quand un élève un jour lui a demandé pourquoi elle souriait, elle lui a murmuré quelque chose à l'oreille et il s'est stoppé net, devenant blanc comme un linge. Ce jour là, cet élève est venu me voir à la fin du cour. Alors que je ne l'appréciait pas particulièrement, il m'inquiétait car il avait l'air effrayé. Il m'a dit que Maddison lui faisait peur, et qu'elle allait faire quelque chose de mal. Agacée, j'ai dû lui dire quelque chose comme "tu aurais dû t'en douter". Il m'a regardé, comme pour m'alarmer et j'ai compris qu'il y avait quelque chose d'autre. "Quoi ?" ai-je soupiré pour qu'il me dise enfin ce qu'il n'allait pas. "Elle m'a dit qu'un jour, on allait tous le payer" a-t-il dit avec une voix affaiblie par la peur. Je suis restée muette, ne sachant pas trop comment réagir alors que l'élève partait d'un pas peu assuré. Je ne comprenais pas ; Maddison semblait avoir un comportement suicidaire alors pourquoi disait-elle que c'était les élèves qui allaient payer ? Ça n'avait aucun sens.
La réponse, je n'allais pas tarder à l'avoir et je vous préviens, ce que je vais raconter est particulièrement horrible, alors si vous êtes sensible, ne lisez pas la suite.
Ce fameux jour, c'était moi qui donnait le premier cours à cette classe. Et alors que je croyais que cette heure interminable allait être comme toutes les autres, j'ai vu du coin de l'œil, Maddison prendre un étrange cachet. Elle n'avait pas l'air bien. Elle était pâle, comme d'habitude depuis certains jours, mais elle se balançait aussi étrangement avec un sourire aux lèvres. Maintenant que j'y pense, son sourire était vraiment effrayant. Alors qu'elle regardait le vide avec cette étrange expression, elle s'est soudainement levée, toujours en souriant et sans croiser le moindre regard. Quand je lui ai prié de se rasseoir, elle m'a regardée, me coupant la voix. Ses yeux étaient rouges, injectés de sang. Elle est montée sur les tables, sous les moqueries de ses camarades, et ce fut la première fois qu'elle riait avec eux, glaçant le sang de tout le monde. Puis, elle a sorti son couteau, et, sans que je puisse réagir, s'est tranché violemment la gorge, éclaboussant tous les élèves de son sang. Tout le monde a hurlé de terreur et de dégoût. Certains se sont enfuis de la salle, d'autres ont vomis tout le contenu de leur estomac. Moi, j'étais figée, encore paralysée par ce dernier regard. C'est un surveillant qui a appelé les secours alors que la terreur nous avait fait perdre tous nos moyens.J'ai appris plus tard que les cachets que Maddison avait pris avant de se donner la mort étaient des accélérateurs de rythme cardiaque et des fluidifieurs de sang. Ainsi, elle avait veillé à bien éclabousser tous les élèves quand elle s'est tranché la gorge. Des psychologues se sont mobilisés pour les élèves et les professeurs. J'ai été mise en arrêt quelques jours. Mais les suivis, les rendez-vous avec les médecins et les psychologues n'a préparé aucun élève, aucun professeur, aucun surveillant, aucun membre du personnel de l'école à ce qui allait arriver ensuite. Parce que Maddison n'avait pas dit son dernier mot. Alors que tous commençaient à se remettre de cette tragédie, nous avons tous, professeurs, élèves, surveillants, directeur, dames de cantine, etc... , nous avons tous reçu un mail de Maddison. L'objet était le suivant "Vous êtes tous responsables". Il y avait aussi une pièce jointe, une vidéo. J'avais la nausée à l'idée de la visionner. J'avais déjà vue assez d'horreurs. J'ai fini par stupidement trouver le courage d'ouvrir la vidéo. C'était elle, rayant les têtes de la photo de classe avec des punaises, des aiguilles, des couteaux, un briquet... Elle semblait se défouler contre ses persécuteurs, mais aussi contre... Moi. Puis, dans sa folie, la vidéo la montrait dessiner de manière très réaliste la mort de chaque élève. Elle avait imaginé une manière de tuer pour chacun d'entre eux, toutes aussi horribles et créatives les unes que les autres. Je me souviens aussi de flashs dans la vidéo. Madison prenait des cachets et s'ouvrait les poignets pour éclabousser les photos, sans épargner les dessins. La fin de la vidéo était la plus mémorable. La jeune fille fixait la caméra, plongeant dans mon regard avec un sourire en coin et une haine sans nom cachée dans sa malice. Quand j'ai arrêté la vidéo, j'ai lu les seules phrases du mail "Je n'avais pas à souffrir de vous et la mort n'est que trop douce pour vous punir. Ce sont alors mes souffrances que j'ai stoppé, et ainsi, je vous met tous à l'agonie, Mad". J'ai vomi toute la soirée après ça.Et si vous pensez que ça s'est arrêté là, c'était sans compter sur la créativité de l'esprit malade de cette élève. D'abord, elle a envoyé chacun de ses horribles dessins aux élèves concernés. Et encore aujourd'hui, les photos de profils des élèves sur les réseaux sociaux sont les dessins de leur mort, imaginées par Maddison. Ils ont beau essayer de les changer, la photo reste toujours la même. Beaucoup d'entre eux se sont suicidés, ne supportant plus les tourments de ces images horribles. Les autres ont simplement arrêté les réseaux sociaux et se sont débarrassés des dessins. Aujourd'hui, ils devront arrêter les écrans. Car aujourd'hui, c'est leurs fonds d'écrans qui se sont décorées de ces affreuses images. Les téléphones, les tablettes, les ordinateurs, tous semblent s'entêter à leur montrer ces horreurs. Et je ne suis pas épargnée... Car à l'heure où j'écris ceci, en arrière plan, je vois le dessin très détaillé de Maddison, la gorge ouverte, me regardant avec son inoubliable sourire sadique et macabre.

Don't SpeakOù les histoires vivent. Découvrez maintenant