Ch. 2 - Saveur amère

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Apolline

Trois semaines se sont écoulées après ma proposition, ou plutôt, ma mise en garde. Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de passer en revue ces instants d'une nuit.

Insensibilité.
Homme meurtri.

En perdition.

Bref, le mélange parfait qui dénote de ses habitudes. Du moins, je l'imagine comme ça.

Comme promis, j'ai contribué à soigner ses blessures. Et, autant dire que j'ai dû jeter mon plaid après cet acte charitable. Je ne voulais pas prendre de risques à le laver. Il était hors de question que mes parents tombent dessus.

Quand j'y repense, c'est un comble d'avoir apporté de l'aide à une crapule de ce type. De base, cette bande d'abrutis comptait foutre un sacré bordel dans mon nouvel air.

Et ça, j'ai vraiment du mal à m'y faire.

J'ai donc pris mes précautions pour lui filer ce coup de main. Même si d'apparence ce chantage peut paraître fou, je ne suis pas suicidaire pour autant. De toute façon, il était trop faible pour faire quoi que ce soit tout seul.

Le brun tatoué a réussi à tenir sur ses jambes, mais, seulement par fierté. J'ai dû le maintenir pour qu'il ne s'écroule pas à nouveau sur le bitume. Pourtant, lorsque nous nous sommes retrouvé bras-dessus et bras-dessous, son regard noir parlait à sa place. Moi, j'ai préféré jouer la carte de l'ignorance.

Je l'ai embarqué dans ma cabane de jardin qui sert d'atelier d'art pour ma mère. Je me revois retirer le bazar qui traînait sur le grand fauteuil orange. Une fois l'espace libre, le principal suspect n'a pas hésité à s'affaler dedans. Le tout, avec nonchalance et grimaces en bonus.

Et puis, j'ai décidé d'allumer la lumière.

Un véritable éclairage qui n'est pas un flash de téléphone. Mais, plutôt celle qui montre les dégâts d'une nuit sombre. Celle qui met en évidence les marques de la vie lorsque le karma frappe.

Une onde de choc me traverse dès l'instant où je revois ses iris plantés dans les miennes. L'inquiétude de nos identités perdues. Un anonymat qui n'est plus.

— Si tu penses que tes beaux yeux vont me soigner, tu te goures. Alors, va me chercher ce dont j'ai besoin pour qu'on en finisse et que je me tire d'ici.

Je me rappelle de mon rire nerveux qui éclate.

Ses mots.

Ses ordres.

Ses pensées.

C'est un moyen de se rassurer comme un autre, sans être en position de force. Et ça, il en avait plus que conscience.

— Tu devrais plutôt te contenter d'avoir une bonne étoile au-dessus de la tête. Au lieu de te la jouer caïd.

Je réentends ses quelques gémissements de douleur. Il a tenté de les étouffer au mieux, seulement pour une question d'égo. Je le revois redresser son dos contre le dossier du fauteuil. Juste pour montrer qu'il n'est pas quelqu'un qui se laisse abattre.

— Une fille de bourge... T'appelles ça une bonne étoile, toi ?

Je me souviens de son air hautain et froid. De l'utilisation classique de l'attaque pour la défense. Moi, j'ai préféré adopter une autre stratégie. Mais, ça, il n'en avait pas conscience.

— Tu ferais bien de garder ta salive, Exton.

— Comment tu —.

Je suis sortie de la cabane sans lui céder le droit de réponse. J'étais contente de lui montrer que moi, je connaissais son identité. Du moins, son nom de code. Bien entendu, je n'ai pas oublié de l'enfermer à clé. Juste le temps de rentrer chez moi pour récupérer la trousse de secours.

Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant