CHAPITRE UN

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Et, si je vous disais qu'une fraction de seconde, toute votre vie peut basculer. C'est ce qu'il s'est passé pour moi, il y a seulement quelques secondes...

Nous sommes dans la cuisine avec ma mère. Je prends le petit déjeuner. Ma mère prend son café, avant d'aller travailler. Moi, j'ai absolument tout mon temps, ce sont les vacances d'été, alors compter sur moi pour en profiter un maximum avant mon entrée à l'université. Le lycée est derrière moi. J'ai fêté pleinement mes dix-neuf ans, il y a quelques semaines maintenant. Aujourd'hui, place à la détente, loin du stress des examens et des lettres d'acceptation ou de refus des facs. Tout. Tout semblait paisible avant qu'un événement brutal ne vienne tout remettre en question.

Depuis quelques secondes à peine, ma mère avait la main posée sur sa poitrine. Le souffle court. Elle peinait à respirer normalement. Le visage rougit. Sa tasse de café est tombée sur le carrelage de la cuisine, se brisant net et répandant le liquide encore chaud. Ma mère a chuté sur ses genoux avant de s'étaler de tout son long sur le sol glacé de cette cuisine. Je me suis jeté immédiatement auprès d'elle. J'ai pris sa main dans la mienne. Le téléphone dans l'autre. Le 911 en cours d'appel. Elle serrait ma main si fort que j'ai crue qu'elle allait me l'arracher.

-       Oui, le 911, j'écoute ? Quelle est l'urgence de votre appel ?

-       C'est... C'est ma mère... Elle est...Tomber... dis-je entre deux sanglots.

Je n'écoutais déjà plus la personne qui était au bout du fil. Préoccupé par ma mère. Ses doigts, c'était détendu de mon emprise. Elle ne me serrait plus la main. Le téléphone est tombé aussitôt que j'ai compris ce qu'il se passait. Ce qu'il venait d'arriver. Je me suis laissé tomber sur elle. Les larmes se déversant sur son t-shirt. Les sanglots m'étouffèrent. Ma mère venait de laisser s'échapper son dernier souffle. Sa poitrine ne se levait plus. Elle ne bougeait plus. Elle ne respirait plus. Son âme venait de quitter son corps pour rejoindre le ciel. Le 911, toujours en appel, auquel je n'y prêtais guère attention. Mon cœur lui battait si fort qu'il aurait pu réanimer le sien si cela avait été possible.

Ma mère venait de mourir sous mes yeux et je n'avais rien pu faire contre cela. En une fraction de seconde, j'avais perdu la seule personne que j'aimais le plus au monde. Celle pour qui j'aurais tout donné. Celle pour qui j'aurais offert ma vie tout entière.

Après ça, des personnes sont apparues dans la cuisine, me forçant à quitter le corps inerte de ma mère. Je hurlais pour que l'on puisse me laisser auprès d'elle. Je refusais de la voir partir. Je refusais cette situation. Je refusais cette réalité. Je refusais. Des bras m'enroulèrent la taille, ne me laissant pas le choix. Ne me laissant aucune chance d'être auprès d'elle. Elle avait besoin de moi. Elle avait besoin que je sois là au cas-où, ou elle rouvrirait les yeux. Au cas-où, ou elle aurait décidé de rester un peu plus longtemps avec moi. Au cas-où.

-       MAMAN ! Maman ! Je t'en supplie, ne me laisse pas ! MAMAN supplie-ai-je

Je hurlais ces mots. Ils me déchiraient la gorge. Me déchiraient le cœur. Me déchiraient mon âme. Ils me faisaient mal. Cette scène me faisait mal. Je ne pouvais plus respirer. Je manquais d'air. Ma gorge me brûlait, ma bouche était sèche. Des nausées étaient présentes. Des frissons me parcouraient, le long de mon corps, hérissant chacun de mes poils. Mes yeux tentaient de se fermer. Mais, je tenais fermement à les garder ouverts pour elle. Je me forçai à les ouvrir. Je me forçais. Mais les nausées reprirent. Tout mon corps entier se ramollissait. Et, malgré toute ma conviction. Malgré toute ma force. Mes yeux se sont clos, me laissant dans l'obscurité de ma crise d'angoisse.

Mes yeux s'ouvrirent progressivement. Je clignais des yeux plusieurs fois. Un masque était accroché à ma bouche et à mon nez. Me donnant un peu d'oxygène frais. J'étais attachée sur un brancard. La sirène de l'ambulance retentit dans mes oreilles. Pourquoi était-ce moi que l'on avait mis dans cette ambulance et non ma mère ? Pourquoi c'était moi qui me trouvais là où elle aurait dû être ? Moi, tenant sa main pour la maintenir en vie. Mais non. C'était moi. Accompagner d'un ambulancier. Ma mère était absente. Je commençais à m'agiter. Je voulais sortir d'ici. Je voulais qu'elle soit à mes côtés. Là.
Face à mon agitation soudaine, l'ambulancier me fit une perfusion. Ma vue se troublait. Je me retrouvais transporté vers un autre monde. Loin de la souffrance. Loin de la vie réelle. Loin de toute cette agitation. Loin de tout ce foutoir. Loin.

Ceci n'est pas un conte de fées Où les histoires vivent. Découvrez maintenant