CHAPITRE DEUX

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Deux coups retentissent contre la porte de ma chambre d'hôpital. Je ne réponds rien. Deux visages familiers se présentent devant moi. Mon oncle, Adrian et ma cousine Carla sont face à moi. Le visage inexpressif, rempli de tristesse. Adrien est le frère de ma mère, il vit près de chez nous, à quelques pâtés de maisons. Je me rappelle, quand j'étais plus jeune, je passais beaucoup de temps chez lui, lorsque ma mère travaillait. Je l'ai même considéré à une époque comme mon père. C'est une très bonne personne. Il a toujours été présent pour ma part, mais en grandissant, j'ai compris qu'il ne pouvait pas assumer un rôle de père avec moi. Il partait souvent en voyage pour son travail, et notre relation s'est détériorée. J'ai fini par lui en vouloir.  Jusqu'à le détester. Ça fait longtemps que je ne l'avais pas vue. Il a pris quelques rides, toujours aussi grand. Ses cheveux ont blanchi. Le temps s'est emparé de son apparence. Lors de ces voyages, il ne pouvait pas non plus assumer sa propre fille. Carla. Qui est devenue ma meilleure amie. Elle vient habituellement vivre chez nous quand il est en voyage. Ces dernières semaines, il était rentré. Carla avait donc décidé d'aller passer du temps avec son père. Ils ont une drôle de relation, même s'ils ne se voient pas beaucoup, il semblerait qu'ils gardent toujours une certaine complicité. J'ai constamment envié leur relation sans pour autant leur dire.

À une époque, j'étais très jalouse de Carla. C'était au début de l'adolescence. Je devais avoir quatorze ans. Elle avait une super relation avec son père. Elle avait tout ce qu'elle voulait. Elle avait du succès avec les garçons. Il faut dire que Carla est super mignonne. Elle est mince, grande, des formes là où il faut. Une chevelure blonde et brillante. Des yeux magnifiquement bleus. Un nez fin et une douce mâchoire. Rien à voir avec moi. Personne ne pourrait deviner que nous sommes de la famille. Moi, je ne mesure qu'un mètre soixante-dix. Je suis brune. Les cheveux bien bouclés qui m'arrivent un peu en dessous des épaules. Je pèse un bon soixante-cinq kilos, je ne suis pas à plaindre au niveau de mes formes. J'ai bien grandi depuis le collège. J'ai énormément changé. Dans mes cheveux, j'ai des mèches violettes. Des tas de piercing aux oreilles. Un petit au nez. Des lèvres charnues. Le temps a fait de moi une belle jeune femme, mais personne n'aurait pu croire ça quand j'étais à collège.

Je n'ai pas réellement eu d'amis. J'ai toujours eu Carla à mes côtés. Notre relation est très soudée maintenant et on ne se quitte plus. On a été dans les mêmes écoles. On s'habille presque pareille. On a les mêmes goûts musicaux. Et normalement, on doit aller dans la même faculté. Dommage que l'on n'ait pas le droit de choisir notre colocataire de chambre, parce qu'on aurait forcément voulu être ensemble. Nous suivons différentes études. Elle s'oriente plus vers le droit et moi dans une faculté des beaux-arts. Je dessine depuis l'instant où j'ai pu tenir un crayon dans mes mains. L'art est une façon pour moi de m'exprimer. De libérer mes angoisses et mes peurs. De poser sur le papier tout ce qui me traverse l'esprit. De laisser libre cours à mon énergie artistique. C'était loin d'être l'avis de ma mère. Selon elle, je perdais mon temps, avec une orientation aussi floue. Mais, moi j'avais la conviction que depuis que je suis venue au monde, cette voix était la mienne. Elle a fini par y croire et me laisser faire mes propres choix. Maintenant, à moi d'y croire.

Carla me prend automatiquement dans ses bras. La douleur inonde ces joues. Je la serre à mon tour. Essayant de refouler ces larmes qui sont prêtes à se déverser de mes iris. Je sers les dents. Ça m'aide. Ça m'aide à oublier pendant quelques secondes la douleur que je peux ressentir à l'intérieur de ma poitrine. J'ignore comment l'expliquer, mais j'ai mal. J'ai mal à l'intérieur de moi. Mais, j'essaye de contenir cette tristesse dans mon for intérieur. Je mets en place une stratégie. Mon imagination prend place. Des murs encerclent mes sentiments. Mes émotions. Ils emprisonnent tout ce que je ne veux pas ressentir. Toutes ces choses que je veux garder en moi. Je dois être forte. Il le faut. Je suis une battante. Je dois me battre pour calmer toute cette colère qui s'installe en moi. Toutes ces nouvelles émotions me font peur. Je dois les canaliser. Je ne pleure pas. Je me contiens. Je suis forte.

Ceci n'est pas un conte de fées Où les histoires vivent. Découvrez maintenant