II

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« J'étais assise dans un parc, sur un banc. Tout semblait artificiel, la pelouse tondue comme dans les golfs, les buissons et les arbres taillés en boule, les petits chemins de gravier blanc impeccablement ratissés. Tout, dans Ascote était parfait.

Presque toutes les maisons se ressemblaient. Elle étaient blanches avec un toit rouge et ornées de volets verts. Devant chacune d'elles se trouvait un petit jardin encadré par une haie idéalement taillée. Ces maisons étaient joliment alignés dans un quartier qui lui-même était rangé à côté d'un autre.

Pour se retrouver dans cette ville il fallait se servir d'une boussole, car chaque quartier, parc... portait le nom des points cardinaux. Pour ma part, j'habitais dans le quartier Nord-Est, dans la première maison en partant du quartier Est. Je regardais ce magnifique paysage, pourtant superficiel et sans horizon. Quiconque aurait visité Ascote aurait cru au paradis sur terre. Malheureusement, « visité » n'était pas possible, car tout le monde sans exception, naissait à Ascote, y vivait et y mourait. La ville irréelle était encerclée par d'imposantes murailles de béton. Personne n'avait le droit de les traverser, et aucun être vivant n'avaient le droit de parler, ou même de songer à ce qu'il y avait derrière ces enceintes.

Innocente, sûrement heureuse, j'étais assisse sur ce banc blanc. Soudain je vit de la fumée envahir peu à peu mon ciel azure. Le monde s'arrêta de tourner, les humains de vivre. Chaque personne fut tirée de l'illusion qu'on nous faisait subir, quelqu'un ou quelque chose avait eu l'audace de nous réveiller de notre rêve qui durait depuis des décennies, de briser notre bulle rose. Cette fumée, fut pour moi le premier nuage noir dans ma vie, le début de la fin d'Ascote.

La nouvelle se répandit comme une trainée de poudre : deux jeunes avaient mit délibérément le feu à une maison pour une raison que tout le monde ignorait. Les jours qui suivirent ne furent que plus entachés par la torture que cette nouvelle bande, prénommé P.V.A., infligeait à notre ville.

Les traditions ne changeaient pourtant pas, chaque individu devait passer le teste de Reconnaissance. Ce teste, tout le monde le passait, sans restriction. Il était passé à l'âge de quinze ans et était composé par un examen médical, physique et mental.

Mon deuxième nuage funèbre fut la mort de mon père. Ma maman se trouva donc contrainte de travailler dans les immenses usines grises des bords de la ville. L'utopique Ascote disparaissait de jour en jour, et ressemblait davantage à un enclos de ruines et de rues sombres abritant des bêtes terrorisées. L'éclat de la ville avait complètement disparue, les parcs étaient délaissés et ils perdaient leurs couleurs vives, les maisons n'étaient plus repeintes chaque année comme auparavant. Le centre-ville n'était plus éclairé par d'immenses panneaux publicitaires. La métropole ne possédait plus cet air enchanteur, elle n'était à présent qu'épouvante, humiliation et oppression. Les Tests qui tournaient au désastre, se rajoutèrent à tout le malheur déjà accumulé. Oui, la totalité des enfants qui avait l'âge de passer l'examen disparaissaient. On aurait dit qu'un énorme orage se préparait et que la foudre allait bientôt tomber.

Mon troisième nuage fut l'anniversaire de Rebecca. Elle avait quinze ans. Rebecca était ma meilleure amie ou comme certaines personnes disent "une sœur de cœur", c'est réellement ainsi qu'on se traitait, comme des sœurs. Elle était mon unique amie, mon unique famille, hormis ma mère. Et le vingt février Rebecca eut quinze ans. Cela voulait dire qu'elle allait disparaître de même que tous les autres avant, et que moi, dans un mois, trois semaines et un jour j'allais me volatiliser à mon tour.

C'est bien ce qui se passa, Rebecca disparut un jour après son anniversaire.

Voilà l'histoire d'une ville prison, de ma ville. Je ne connais pas la suite car je suis assise en face de vous, je ne sais pas ce que vous aller faire de moi, je ne vois pas le futur »

Un nouveau silence s'installa dans le bureau coloré de la directrice, puis elle me demanda :

-De quoi est mort ton père ?

-Par votre faute, dis-je d'un voix emplie de haine.

Elle savait exactement de quoi je parlais.

Je sors du bureau de la directrice, pensant à ce que j'avais raconté. C'est triste, mais vrai. Mon monde s'écroule peu à peu autour de moi, et personne ne réagit. Et demain, le jour redouté depuis si longtemps. Le Test. Où serais-je demain ? Loin de mère. Mais peut-être près de Rebecca. Morte ? J'aurais pu m'enfuir. Mais où ? Traverser les murailles est impossible.

J'entre chez moi, ma mère boit un thé, assise à la petite table en bois, dans la cuisine. Elle sait pourquoi je suis accablée, et elle l'est aussi. J'enlève mon sweat mouillé, l'accroche sur un crochet inventé par mon père, puis ôte mes chaussures. La petite maison est triste, silencieuse, et presque vide. Il n'y a qu'une table, trois chaises ; deux petits lits et une armoire à l'étage. Tout le reste nous avons été contrainte de vendre pour pouvoir vivre, le seul meuble qui n'était pas destiné à être vendu, étais la troisième chaise. C'est celle de Papa. Ni moi, ni même maman ne s'assied dessus, personne n'a cet honneur. Elle reste donc jour et nuit, vide. Je commence à mettre la table et à faire à manger: des petits pois avec des pâtes. Quand tout fut prêt je m'assis à ma chaise.

-Alors ? demanda ma mère inquiète.

-Rien maman, c'est demain que tu poseras cette question, si je reviens, lui répondis-je désolé.

Nous mangeons en silence. Maman range la cuisine, m'embrasse sur le front et monte se coucher, tout comme moi. Cette nuit est sans rêve, dépourvue de vie.

Le réveille sonne à cinq heure trente. La salle de test est loin, au font de la ville. Le soleil se lève, et moi avec lui. Je descends les escaliers grinçant. Quand je suis dans la cuisine je souris. Ma chère maman a préparé mon petit-déjeuner, les larmes me montent aux yeux. Je l'aime tellement !

-Bonjour ma chérie.

-Bonjour maman.

Je mange rapidement mon petit-déjeuner. C'est l'heure de partir. Ce silence est accablant, je ne vais pas résister longtemps à pleurer. J'enfile mon sweat et mets mes chaussures. Je me retourne vers ma mère et la serre contre mon cœur.

-Fais attention à toi, me dit-elle tendrement.

Et là je fond en larmes.

-Je reviendrais maman, je te le promets !

-Il faut que tu y ailles, tu vas rater ton bus.

-Au revoir maman.

Je sèche mes joues humides. Je ne veux pas dire « Adieu », j'ai promis de revenir.

-Au revoir Isis.

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En fait j'ai méga de temps, donc je peux publier le chapitre trois aussi!

Bisous! Et merci à ceux qui me lisent!

Le Début de la Fin (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant