Pêche à l'information

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     Matthew admire le paysage d'un air lointain. Après avoir passé un peu de temps avec la famille Chastain, il n'est pas du tout surpris de découvrir que leur petit coin tranquille pour pêcher est une marre géante un peu éloignée de la civilisation. Il est évident que les gens ne viennent pas souvent ici, malgré le ponton et le semblant de piste créé par les traces des roues de voiture qui viennent ici. Les herbes très hautes et tout l'écosystème qui foissonnent autour de lui comfirment ce qu'il pense. Il peut au-moins reconnaître une chose, c'est très calme et ça fait du bien de respirer de l'air frais sous cette chaleur.

     Derrière lui, Ruben et Fabrice se disputent pour savoir qui va donner les cours de pêche au jeune américain. Le grand-père préfère que Ruben passe plus de temps avec le jeune homme bien élevé, tandis que Ruben, pousse son grand-père avec sa béquille pour qu'il le fasse en tant que homme d'expériences. Le concerné se tourne vers eux, les observant avec une pointe de jalousie.

     Il soupire en se demandant comment il arrive à pouvoir supporter tout cela. Il savait déjà qu'accepter la proposition de Monsieur Chastain serait une tâche ardue, mais il ne peut tout simplement pas s'empêcher d'éprouver cette jalousie au fur et à mesure que les jours passent. Durant leurs bouffonneries, Ruben se met à éclater de rire pendant que son grand-père fait une drôle de grimace, la scène pourrait attendrir n'importe quel iceberg. Matt esquisse un pauvre sourire, mais l'efface immédiatement. Parfois il se sent tout simplement illégitime de pouvoir profiter du bonheur de quelqu'un dautre. Ruben a droit à l'amour, l'attention et la protection de son grand-père, il a énormément de chance.

     — On a tiré à la courte paille, j'ai perdu. C'est moi qui serait ton instructeur aujourd'hui, mon garçon.

     Revenant à lui, il n'a même pas remarqué qu'ils avaient arrêté de se chamailler. Monsieur Chastain lui offre un sourire très révélateur de sa frustration d'avoir perdu. Ruben fait un clin d'œil et lève un pouce de vainqueur vers son complice de fortune. Matt sourit à nouveau.

     Qui ne voudrait pas prendre soin de ce garçon ?

     — Suis moi jusqu'au ponton. Attrape cette chaise, s'il-te-plaît, l'autre gorille va s'asseoir dessus pendant que nous nous amuserons.

     — J'suis pas un gorille ! boude-t-il.

     Monsieur Chastain est déjà loin. Ruben lui lance un regard noir. Matt rigole de l'enfantillage.

     — Arrête de faire cette grimace, sinon tu finiras ainsi pour toujours.

     — Ne me dis pas que tu crois à cette superstition de vieille dame pour empêcher les enfants de grimacer, glousse-t-il moqueur. On a passé l'âge.

     Le plus grand regarde de chaque côté, d'un air curieux, puis il revient vers son ami.

     — Il y a un adulte dans le coin ? Tout ce que je vois c'est un petit garçon boudeur à la frimousse so adorable, roule-t-il ses mots dans un chuchotement séducteur près de son oreille.

     Ruben est choqué. Choqué par l'insulte, mais surtout choqué d'avoir trouvé cela trop sexy ! Matt est juste un enfoiré d'américain ! Aucune pudeur !

     Il cache ses rougeurs en faisant mine de rejoindre son Papy. Ce Serial Flirteur ne l'aura pas une seconde fois !

     Enfin bien installé dans le silence, perturbé ci et là par les bruissements des herbes caressés par la brise et le gazouillis des oiseaux qui voltigent au-dessus de leurs têtes, Matthew se demande si cette forme de paix est vraiment possible. Monsieur Chastain est calme et ne chuchote que pour lui montrer ce qu'il doit faire pour appâter les poissons. Ruben, lui, raconte des anecdotes de leurs anciennes parties de pêche qui ont souvent fini en cacahuètes. L'instant est très agréable. Si agréable que l'américain a failli oublier les raisons de leur présence ici.

Adieu, souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant