Chapitre 4

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Il avait choisi la chambre d'amis. Il le regretta amèrement. Cette dernière était bien plus proche de la chambre de Rémi, et son tuteur n'avait rien raté de tout ce qui avait pu s'y produire. Lui-même ne se souvenait pas de tout. Il savait juste que les deux Alphas qui étaient restés avec lui étaient adorables, et patients, et doux, que l'une s'appelait Charlene et l'autre Charlie et que c'était pour cela qu'ils s'étaient rapprochés, puis avaient commencé à travailler ensemble. Ils s'étaient peu à peu spécialisés dans l'accompagnement des premières chaleurs ou premiers ruts, et ils avaient tous les deux longuement insisté sur le fait que son rut ne l'obligeait en rien à avoir des relations sexuelles. Oui, c'est souvent plus facile à vivre lorsque l'on en a, mais si cela doit provoquer des émotions négatives alors il vaut mieux souffrir un peu plus pendant quelques jours et prendre des suppresseurs plutôt que de baiser et d'avoir des regrets.

C'était la première fois qu'on lui disait ça.

Depuis ses dix ans au moins, il s'entendait dire que son premier rut serait la date limite de sa virginité, s'il ne l'avait pas fièrement perdue avant. Comme si le sexe était un passage obligé, un moyen de prouver sa valeur. Sa valeur d'Alpha dominant. Depuis qu'il était aux USA, il avait l'impression d'évoluer dans un monde totalement différent. Il voyait des couples de même sexe, ou de même genre se former au lycée sans que cela ne choque personne. Et même si c'était assez rare malgré tout, les moqueries étaient sévèrement punies. Un de ses camarades du club d'athlétisme avait été exclu du lycée un mois pour s'être simplement moqué d'un couple d'Omégas femelles, plaisantant devant elles en se désignant comme le mâle alpha qui leur manquait. Un adulte passait dans le couloir non loin, l'avait immédiatement escorté dans le bureau du principal et le fautif rasait les murs depuis son retour.

En France, non seulement un couple d'Oméga était mal vu, mais en plus on les aurait obligées à se « soigner », comme si elles étaient malades. Ou bien elle se seraient cachées, et seraient passées pour de « très bonnes amies ».

En France, le fils Alpha dominant de la Présidente à Vie était sommé de s'envoyer en l'air avec des Omégas pour prouver qu'il pouvait donner des héritiers à la Nation. Qu'il était capable de gouverner. Qu'il devenait adulte. Qu'il était un homme. Un Alpha. Un dominant. L'élite de la société. Oui, pour ça, il fallait baiser.

C'était ridicule. Charlie avait ri à gorge déployée quand il l'avait raconté. Puis le jeune homme – il était à peine plus âgé que Rémi, et Charlene n'avait pas tout à fait trente ans, avait-elle confessé – avait diffusé des phéromones que Christopher trouvait tout à fait viriles en lui racontant ce que cela faisait de se faire prendre par un Oméga vigoureux, ou une Oméga vigoureuse et munie d'un sextoy adapté. Ils avaient gloussé comme des gamins. Puis les médicaments avaient commencé à perdre de leur efficacité et Christopher s'était rué à la salle de bain rendre le contenu de son estomac. Une large main lui avait frotté le dos, une autre lui avait épongé le front, et il avait soupiré de soulagement en sentant des phéromones mentholées emplir ses poumons. Rémi lui avait tendu un gant d'eau froide pour se débarbouiller, un verre pour se rincer la bouche, et l'avait renvoyé dans la chambre avec Charlie et Charlene. Il savait qu'il avait été nu à plusieurs reprises. Que le corps de Charlie s'était pressé contre le sien, suintant de phéromones, quand celles de Charlene étaient rapidement restées plus lointaines. Soutenantes, apaisantes, mais ils avaient vite compris, en discutant, que le corps de la jeune femme ne l'attirait pas, et si celui de son collègue était un peu plus au goût de l'adolescent, ce dernier n'avait absolument pas envie de faire plus que le serrer dans ses bras en humant ses phéromones. Puis de se ruer à la salle de bain vomir, et ne se calmer que lorsque Rémi le laissait se blottir contre lui quelques instants, avant de le repousser délicatement entre les bras de Charlie. Il se souvenait très vaguement s'être cramponné au t-shirt de son tuteur et d'avoir posé ses lèvres sur les siennes. Plusieurs fois ? Probablement. Charlie et Charlene refusaient de le lui dire. Ils lui avaient certifié qu'il n'avait baisé personne, comme il le voulait, mais Charlie l'avait laissé le caresser et se frotter contre lui. Il avait grimacé de dégoût, et c'était Charlene qui l'avait enlacé, dans une étreinte bien plus maternante que tout ce qu'il avait connu dans sa vie.

Plus grand que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant