Chapitre 5

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— Hein ?

— Je hais ta mère, Chris.

— C... C... Comment ?

— Tu te rends compte de ce que tu dis dans le plus grand calme ? Qu'elle te ferait assassiner pour ne pas devoir te faire enfermer ? Juste parce que tes sentiments ne vont pas vers une personne qu'elle pense acceptable ?

L'adolescent posa son front sur ses genoux, pour dissimuler les larmes qui mouillaient ses cils noirs. Rémi n'osait plus le toucher. Il ne voulait pas renforcer l'affection que le jeune Alpha lui portait. Il était déjà sorti de son devoir de réserve bien trop de fois, et il ne savait plus comment s'en sortir autrement qu'en lui révélant des informations bien trop lourdes à porter.

— Je me rends compte, oui. Et tu sais très bien que c'est vrai. Pourquoi est-ce que c'est sur toi que c'est tombé, de m'accompagner ici ? Tu t'es porté volontaire ?

— Non. Je suis le seul de toute la Garde Présidentielle à avoir vécu aux USA. Le plus jeune aussi, donc théoriquement le plus influençable et le moins indispensable. Je pense que c'est le hasard. Il a juste... bien fait les choses ? Je crois ?

Christopher ne répondit pas, mais eût un mouvement qui pouvait passer pour un hochement de tête. Le silence s'éternisa. Rémi cherchait ses mots. L'adolescent ne semblait pas vraiment les attendre, il avait simplement l'air épuisé. Il n'avait pas relevé le visage, mais sa posture repliée, sur la défensive, le disait pour lui. Le garde du corps soupira.

— Tu n'es pas déviant, Chris.

— Je sais. J'ai lu tous les bouquins de...

— ... De la bibliothèque du lycée. Je ne sais même pas quand tu as trouvé le temps de faire ça avec tous les cours que tu as choisi de suivre. Il n'y a rien de mal à aimer les Alphas. Je sais que tu as grandi dans un monde où c'est impossible, mais...

— Te fatigue pas, Rémi. Je sais ça. J'ai lu. Et je... Je vois bien au lycée, aussi. Qu'ici c'est différent. Rare. Mais acceptable, au moins. Je... Je le sais. Mais c'est dur de l'admettre. De... De faire avec. De... savoir que je ne pourrais jamais rentrer chez moi. Que je n'ai absolument aucun avenir là où j'aurais dû en avoir un. Je...

— Ou alors, tu peux le changer.

— De quoi ?

— Ton avenir, en France. Tu peux aussi décider de le changer, Chris. Tu as le temps. Tu as des années devant toi. Ta mère sait très bien que tu ne « guériras » pas en trois mois, et si elle fanfaronne partout sur son fils qui est au lycée aux États-Unis pour intégrer une des meilleures universités au monde, crois-moi, c'est qu'elle espère que tu reviendras. Après l'université. Alors vraiment, tu as le temps. Le temps de savoir ce que tu veux vraiment faire. Et... le temps de tomber amoureux de quelqu'un de ton âge, aussi.

L'adolescent releva vivement le visage, dardant vers lui un regard noir, et blessé.

— Ne me dis pas que...

— Tu ne sais pas ce que tu ressens ? Je n'ai pas dit ça, Chris, soupira l'Alpha. Juste... Tu as quinze ans.

— Presque seize.

— J'en ai vingt-trois.

— Pas encore.

Rémi soupira. Il ne voulait pas blesser l'adolescent, il ne voulait pas nier ses sentiments même s'il n'arrivait pas à comprendre comment ils avaient pu naître alors qu'ils ne communiquaient plus depuis trois mois. Chris le fuyait. Tout le temps. Était-ce pour cela ? Parce qu'il luttait avec ses sentiments ? Parce qu'il préférait le détester ? Parce qu'il ne supportait pas de le voir arborer les marques de son passage entre des draps étrangers ? Le garde du corps était bien incapable de dire ce qui pouvait passer par la tête de l'adolescent dont il était responsable. Il passa une main dans ses cheveux, et formula posément, en essayant de se faire le plus rassurant possible :

Plus grand que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant