Chapitre 1

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C'était la fin de l'été quand elle décida de se faire couper les cheveux chez le coiffeur. Il paraissait que c'était la mode, alors elle suivit le mouvement pour ne pas se distinguer, car dans son monde, la différence était la chose la moins bien vue. Pourtant, elle aimait ses longs cheveux, mais elle n'avait pas vraiment eu le choix.

Cette journée-là était différente des autres. La veille, le maire avait envoyé un courrier à tout le quartier, annonçant de nouvelles réformes pour la rentrée scolaire, prévue dans deux semaines.

« Quartier sud de Tonya's Town,
Si je vous écris aujourd'hui, c'est pour vous exposer une idée que nous avons eue avec notre assemblée. Il y a 60 ans, jour pour jour, un mur a été érigé au milieu de notre petite ville afin de nous protéger des infectés.
Après de longues discussions avec le représentant du quartier nord, nous avons conclu un accord. Bien que les pourparlers aient été difficiles, nous avons finalement trouvé un compromis :
À partir de la prochaine rentrée, les infectés pourront rejoindre notre école pour étudier aux côtés de nos enfants et ainsi contribuer à l'économie de notre quartier. Bien sûr, ils seront tous équipés d'un bracelet de cheville capable d'absorber leurs pouvoirs et donc de nous protéger. Je vous rassure, même les plus puissants d'entre eux seront incapables d'utiliser leurs facultés.
Ces bracelets ont été conçus par le meilleur scientifique de l'État. Si l'un d'eux venait à le briser, il serait immédiatement neutralisé.
Lors de la rentrée, ils seront placés dans une section de l'école qui leur est réservée. Les contacts avec eux sont strictement déconseillés jusqu'à ce que nous soyons sûrs que nos enfants ne courent aucun risque en les côtoyant. Des tests ont été menés avec des délinquants, qui n'ont subi aucun effet secondaire en s'approchant trop près des infectés. Il n'y a donc aucune raison que cette expérience tourne mal.
Vous comprendrez que l'assemblée et moi-même n'avons pas eu d'autre choix que d'accepter les revendications du quartier nord, face à des menaces que nous ne pouvions plus supporter. Ne pensez pas que nous sommes faibles, bien au contraire, prouvons-leur qu'ils n'ont pas leur place de notre côté.
Je suis désolé de devoir vous adresser cette lettre. Mais n'ayez crainte, tout se passera bien tant que vous respectez les règles données.
Veuillez agréer, quartier sud, l'expression de mes salutations distinguées.
Maire Peterson. »

Au salon de coiffure, où elle se faisait couper les cheveux, tout le monde parlait de cette nouvelle désastreuse. Certains disaient que le maire venait de signer leur arrêt de mort. D'autres étaient plus préoccupés par l'avenir de leurs enfants que par leur propre sécurité, désormais remise en question. Ils craignaient que les cours avancent plus lentement, que leur petit dernier ne maîtrise pas toutes ses tables de multiplication à quatre ans.

Il est vrai que personne n'aime le changement. Hier, aujourd'hui, demain, ou même dans un an, tout le monde aurait réagi de la même manière. Le changement peut faire peur. Dans le dictionnaire, on le décrit comme une modification profonde, une rupture de rythme, quelque chose qui bouleverse les habitudes et l'ordre établi. Il peut être accueilli de manière positive ou négative, ce qui conduit souvent à des conflits.

Alors que tout le monde débattait de l'annonce du maire, elle se sentait de plus en plus mal à l'idée de se retrouver au milieu de disputes sur lesquelles elle n'avait aucun avis. Elle était cette fille trop différente pour vouloir faire partie des pom-pom girls. Celle dont le niveau était en dessous de la moyenne du quartier. Celle qui allait dans cette école prestigieuse uniquement grâce à l'argent de ses parents, et surtout parce que son père était le maire.

Élevée par le maire de la ville, celui qui détestait plus que tout les infectés, elle connaissait bien son point de vue. Autrefois, il prenait un malin plaisir à tuer ceux qui tentaient de franchir la barrière, et aujourd'hui, il les autorisait à entrer dans la ville.

Elle n'a jamais été la meilleure de sa classe. Elle n'a jamais su répondre aux attentes de tout le monde, malgré ses nombreux efforts pour se fondre dans la masse et paraître normale aux yeux du quartier sud. Elle avait été la première à connaître la nouvelle et avait surtout eu droit à un discours de plus d'une heure de ses parents sur les règles à suivre lorsque les infectés arriveraient dans son école. Papa et maman Peterson avaient très peur pour leur petite fille, du moins c'est ce qu'ils laissaient entendre. En vérité, ils avaient bien plus peur pour leur réputation.

Règle numéro 1 : « Tu n'auras en aucun cas le droit de t'approcher à moins d'un mètre de l'un d'entre eux. »
Règle numéro 2 : « Tu devras toujours porter cette bombe lacrymogène au cas où l'un des infectés ne respecterait pas la règle numéro 1. »
Règle numéro 3 : « À partir de la rentrée, tu auras un couvre-feu à 18h00. »
Règle numéro 4 : « Interdiction de parler avec eux. »
Règle numéro 5 : « Respecte la règle numéro 4. »

Elle, elle se fichait des infectés. Elle en avait peur, mais pas au point de les haïr comme des bêtes dangereuses. Ils restaient des humains, après tout. Des humains différents, mais des humains quand même. Elle savait au fond d'elle que ce n'était pas de leur faute. Qui aurait voulu être aussi différent ?

Il était 18h quand elle quitta le coiffeur. Forcée par ses parents à être cheerleader comme toutes les autres, elle avait l'obligation d'aller à son entraînement, qui ne se terminait pas avant 21h. Et, comme vous pouvez l'imaginer, pour les entraînements, le couvre-feu était levé. On aurait dit que ses parents préféraient la voir morte plutôt qu'elle manque le concours de l'État. Que se passerait-il si leur petite fille adorée ne terminait pas sur le podium ?

L'entraînement, comme vous pouvez vous en douter, dura longtemps. Trop longtemps pour un simple entraînement. À la fin, épuisée par toutes ces figures acrobatiques, elle se résigna à demander à ses parents de venir la chercher. De plus, avec la rentrée qui approchait, le soleil commençait déjà à se coucher. Malheureusement, ils refusèrent, car ils étaient « trop occupés ». Occupés à faire des choses plus importantes que de s'occuper de leur enfant.

En rentrant chez elle, elle décida de faire un détour pour passer à côté de la barrière qui la séparait de l'autre côté. Une haute grille, faisant au moins quatre fois sa taille, la coupait du monde qu'elle voulait tant découvrir.

Elle écrivait beaucoup, souvent. À travers ses mots, elle imaginait comment étaient les gens de l'autre côté. Étaient-ils dangereux comme ses parents le prétendaient ? Ou était-ce simplement une excuse pour qu'elle ne s'intéresse pas à leur vie ? Tant de questions sans réponse...

Le monde qui l'entourait ressemblait à ce qu'elle écrivait. Un monde désastreux que l'on ne peut voir qu'entre les pages d'un livre. Des pages brûlées par son père. Des pages qu'elle ne retrouvera jamais.

Lorsqu'elle essayait d'en parler à son entourage, tout le monde lui répétait qu'elle exagérait. C'est vrai, elle n'avait qu'à ignorer cette grille, et sa vie deviendrait « normale ». Mais non, notre deuxième protagoniste n'était pas comme ça. Les mystères étaient sa raison de vivre.

Ce soir-là, en rentrant chez elle, elle s'arrêta devant la grille abîmée par le temps. En passant ses doigts sur celle-ci, elle comprit que jamais elle ne pourrait passer de l'autre côté, mais que l'autre côté viendrait à elle.

Dans la pénombre, elle parvint tout de même à distinguer quelques bâtiments sans éclairage. Il n'était pas tard, et pourtant le quartier semblait mort. Aucune lumière, seulement le bruit du vent.

Elle décida alors de rapprocher un peu plus sa tête pour essayer de mieux voir à quoi ressemblait ce quartier. Il est vrai qu'en plein jour, elle ne pouvait se permettre de s'approcher de la barrière. Tout le monde l'aurait vue et l'aurait prise pour une folle avant d'aller prévenir ses parents du danger dans lequel elle se mettait.

Alors chaque soir, après son entraînement, elle venait ici, espérant qu'un jour elle pourrait entrer.

Bien sûr qu'elle avait peur. Mais la curiosité d'une adolescente dans un monde comme le sien pouvait être dangereuse, même si elle ne se rendait pas encore compte du danger dans lequel elle se mettait en s'approchant aussi près de la barrière.

Elle passa alors son doigt à travers les barreaux pour sentir l'air de l'autre côté. Le même. La même vitesse, la même température. Rien ne changeait. Elle savait, bien sûr, que rien ne changerait, mais en sentant l'air de « l'autre côté », elle se rappela que les infectés étaient des êtres humains, eux aussi capables de respirer, de vivre,

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 15 ⏰

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