Chapitre 15

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Alexandra Argent ressemblait à tout le monde... Et à personne à la fois. Elle avait les yeux de Chris Argent, l'air sévère de Victoria, la mâchoire d'Allison, la couleur de cheveux de Scott McCall et l'élégance de Lydia Martin.

La directrice de cette école aussi grande qu'aseptisée ne devait pas avoir plus de trente-cinq ans et sa froide beauté ne toucha pas le moins du monde Derek, qui s'y savait pourtant fort sensible. S'il n'irait jamais aborder toute femme qu'il trouvait jolie, il n'empêche qu'il avait des yeux et reconnaissait tout type de beauté. Celle de cette Alexandra... Lui faisait froid dans le dos. L'on aurait dit un androïde tant son expression était fermée, ou une tueuse à gage prête à lui coller une balle entre les deux yeux. Et c'est à cet instant qu'un détail pas si futile que cela se rappela à lui.

Elle portait le doux nom d'Argent. Ce fait l'avait très brièvement frappé lorsqu'il était arrivé devant son bureau... Mais sitôt passée la porte, il l'avait oublié.

Et maintenant, il s'en rappelait... N'arrivait pas à savoir comment l'oublier.

- Messieurs, asseyez-vous, les invita la maîtresse des lieux.

Derek attendit que Stiles s'exécute pour faire de même tant il se sentait peu à l'aise. La preuve en était que sa gorge s'était asséchée et son cœur battait légèrement plus vite qu'à l'accoutumée. Dans ce monde-ci... Les chasseurs voulaient-ils toujours la mort de tous les loups-garous ? Les Argent étaient-ils toujours les ennemis jurés des Hale ? Ce n'était certainement pas une chose que le loup-garou allait se risquer à demander... Pas maintenant, en tout cas. Pas avec Stiles à côté, un humain à qui il n'aimerait tout de même pas qu'il arrive malheur. Le pauvre n'avait rien fait dans l'histoire... Est-ce que le fait d'être son mari était une faute ? Derek avait tendance à penser que oui. Il portait malheur, alors mieux valait ne pas partager sa vie. Dans ce monde, Stiles était-il réellement aussi bête pour avoir désiré s'unir avec le mouton noir qu'il était ? Qu'importe la nature du Derek qu'il remplaçait à l'heure actuelle, ce... Choix, si l'on pouvait le considérait comme tel, ne serait jamais le bon pour personne.

- D'ordinaire, j'apprécie le fait de recevoir les deux parents lorsqu'un élève décide de semer le trouble dans mon établissement, mais je ne sais pas si je dois me réjouir de vous avoir tous les deux, dans la mesure où... Vous êtes ce que vous êtes, lâcha la directrice en se saisissant d'un dossier parmi une montagne d'autres.

Elle avait la voix qui claquait d'une façon si sèche que Derek sentit un léger frisson le parcourir. Il reconnaissait bien là la fibre Argent, quoique Chris constituait une belle exception à la règle. Qui était-elle pour lui, d'ailleurs ? Une fille qu'il ne lui connaissait pas ? Au niveau de l'âge, c'était ce qui lui paraissait le plus cohérent. Néanmoins, il eut du mal à se positionner par rapport à ce qu'elle disait. Que cherchait-elle à insinuer ? Parlait-elle de sa nature lupine, de ce côté animal qui motivait la plupart des chasseurs à détruire la vie de familles entières ? Le profond soupir que poussa Stiles, assis à côté de lui, détourna un instant son attention de la directrice.

- Nous sommes ici pour Eli, rappela-t-il avec une froideur qui surprit Derek, nous sommes là et c'est l'essentiel.

- On verra si cela servira à quelque chose, répondit-elle en haussant un sourcil, le nez dans son dossier.

- Venons-en au fait, la recadra l'hyperactif sans sourciller. Qu'est-ce qu'il a encore fait ?

- Le même genre de choses que d'ordinaire. Monsieur Hale, il va falloir commencer à réfléchir à une solution concrète pour que cela cesse. Votre fils dépasse les bornes... Le seul fait qu'il se trouve encore dans mon établissement relève du miracle.

Et si Derek, toujours aussi peu accoutumé au fait que l'on utilise son nom de famille pour désigner quelqu'un d'autre que lui, trouvait son ton particulièrement condescendant, garda ses remarques pour lui. En cela, il écoutait Stiles : c'était lui qui tenait les rênes de la discussion, lui qui connaissait cette femme, qui était familier avec les bêtises d'Eli... Il avait l'habitude. Sa présence à lui, Derek Hale, ne servait qu'à le soutenir et à intervenir si besoin est. S'il voulait aider Eli à redevenir un petit garçon aimant et respectueux envers ses deux parents, il fallait qu'il commence par s'intéresser à ses bêtises à l'école et qu'il participe à son éducation.

A ses yeux, il n'y avait que de cette façon qu'il retrouverait sa vie à lui, loin de cette famille qui n'était pas vraiment la sienne.

Réparer pour mieux repartir.

Enfin, il désirait aussi que les efforts du Stiles de ce monde soient reconnus par ce petit ingrat : de ce qu'il en avait vu, Derek trouvait son « mari » très investi. Peut-être un peu trop, dans la mesure où il se laissait écraser dans l'unique but qu'Eli se sente bien avec le père qu'il aimait. Et il était bien là le problème.

Pour Derek, le sacrifice allait trop loin.

- Cette fois, pas de violence physique en tant que telle à part une gifle portée à l'un de ses camarades, mais de la casse. Bien sûr, ce sera à vos frais. Que ce soit du mobilier ou du matériel scolaire, ce n'est pas gratuit.

- Bien sûr, acquiesça Stiles d'une froideur telle qu'il en serra la mâchoire.

Et si Derek comprenait tout à fait le fait que les frais des actes de leur fils leur revenaient, il fallait avouer que le ton de cette femme l'agaçait de plus en plus. En cela, il comprenait l'attitude fort distante et à la limite de la colère. Être directrice d'une école ne signifiait pas qu'elle avait le droit de se considérer supérieure aux parents qu'ils étaient... Et pourtant, c'était exactement ce qu'elle laissait comprendre. Mais Derek fronça soudainement les sourcils. Lorsque Stiles avait reçu cet appel de l'école, ne lui avait-on pas dit qu'Eli s'était battu ? Une gifle, ça restait violent, mais... A ses yeux, cela ne correspondait pas vraiment à la définition d'une bagarre.

Pour lui, il y avait anguille sous roche.

Alexandra Argent tendit une feuille à Stiles, qui s'en saisit. Son expression ne changea pas mais son odeur, elle, oui. Colère et inquiétude s'y mélangeaient. Derek jeta un coup d'œil sur le feuillet et comprit partiellement ce qu'il ressentait. La facture était salée.

La directrice se cala un peu plus confortablement dans son siège, de façon détendue... Comme si elle se sentait désormais parfaitement à l'aise.

- Comme je vous le disais, il va falloir réfléchir à une solution pour qu'Eli commence à adopter un comportement un peu moins belliqueux, un peu plus... Sage. Mais pour régler convenablement un problème, il faut en connaître l'origine. Fort heureusement, c'est le cas.

- Je vous en prie, étalez votre science.

Derek faillit rire tant la pique que venait de lancer Stiles lui plaisait et lui rappelait celui qu'il connaissait, mais il ne laissa rien transparaître. Il ne savait pas si la femme face à eux pouvait être dangereuse ou juste... Antipathique ? En tout cas, il apprécia grandement la répartie de son « mari », qui semblait enfin commencer à se montrer tel qu'il était réellement, sans s'écraser complètement.

Et ça, ça lui plaisait.

Derek apprécia tant l'expression courroucée qui se peignit sur le visage de la directrice qu'il ne fit même pas attention à la pensée qui l'avait un instant traversé. Il savait Stiles doué pour manier les mots et remettre les gens à leur place par la même occasion. Derek savait également le faire, mais... D'une façon un peu plus radicale. Sans mots. Avec des gestes. La parlotte, ça n'avait jamais été son fort.

Mais à la colère contenue succéda un sourire léger, mais étrange. De l'ordre du malin. Le regard gris acier se posa sur Derek, puis sur Stiles. Jeta un bref coup d'œil aux alliances, avant de revenir vers les deux hommes.

- Le problème d'Eli, déclama-t-elle un semblant de fierté dans la voix, c'est vous.

I'm Just an Accident Waiting to HappenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant