Chapitre 13

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Pour Derek, il était toujours aussi étrange de faire face à un Stiles tout sauf bavard. En cet instant, il était même on ne peut plus silencieux. Le regard fixé sur la route, il n'en accordait pas un seul à Derek, qui n'en avait pas démordu. Car malgré les refus de Stiles – nombreux – au fait qu'il l'accompagne à l'école, l'ancien alpha ne s'était pas démonté et avait suffisamment insisté pour que l'humain cède. Ce n'était pas une méthode qu'il affectionnait pour un sou, mais il s'agissait pour l'instant de la seule à pouvoir fonctionner sur lui. Lorsque Stiles commencerait à baisser sa garde – il l'espérait – et qu'il lui accorderait un semblant de confiance, les choses seraient sans doute plus faciles – les discussions aussi.

Parce que Derek avait différentes raisons qui le poussaient à accompagner son « mari » à ce rendez-vous improvisé avec la directrice de l'école. La principale rejoignait son objectif premier, à savoir comprendre ce qu'il se passait entre le père humain et le fils loup, ce qui avait rendu leur relation si... Conflictuelle et inégale. En tant qu'adulte, Stiles ne devrait pas être aussi passif et de laisser passer autant de choses. La raison suivante rejoignait ce point-là. En effet, Derek restait persuadé que laisser l'hyperactif seul à ce rendez-vous pousserait celui-ci à prendre la défense d'Eli ou simplement d'écouter la directrice de l'école pour ensuite, une fois de retour à la maison, ne pas prendre de mesures pour que le comportement du petit garçon cesse.

Il ne fallait pas que ce manège continue. Eli, aussi jeune soit-il, devait comprendre que ce qu'il faisait était loin d'être acceptable ou toléré, que la façon dont Stiles laissait tout passer n'était pas normale. Lui aussi avait besoin de revoir son comportement. Et même si l'humain lui avait rapidement expliqué l'origine de ce traitement assez laxiste qu'il réservait à Eli, Derek ne considérait pas ses dires comme une raison valable. En plus de créer un climat de soumission pour lui, il n'enseignait plus à son enfant la notion de limite : cette absence-là ne promettait que de mauvaises choses pour la suite. Et c'était à cela que pensait Derek, au futur de ce gosse qui, pour lui, avait toutes les clés pour s'en sortir... Mais qu'il fallait simplement remettre sur le droit chemin. Il ne fallait pas grand-chose... Juste de la fermeté et ce, sans tomber dans la méchanceté. Sauf que Derek savait qu'il ne pourrait pas compter sur Stiles pour mener la barque : ainsi, il allait s'en occuper. S'il fallait ça pour rentrer chez lui, retourner dans son monde... Il allait le faire. Le petit garnement qu'était Eli ne lui faisait pas peur, d'autant plus que d'après Stiles, il le respectait, lui. L'écoutait davantage. Si cette idée agaçait d'ores et déjà Derek parce que l'humain devrait avoir la même position que lui et non subir les caprices et assauts du petit, elle risquait néanmoins de lui servir. Peut-être qu'ainsi, les choses rentreraient dans l'ordre rapidement.

C'était sans côté sur le côté borné d'Eli... Que Derek n'avait pour l'instant fait qu'entrevoir.

- Je persiste à dire que tu aurais dû rester à la maison. Tu vas juste... T'ennuyer.

Entendre la voix de Stiles s'élever après de si longues minutes de silence surprit Derek, tant et si bien qu'il ne fut pas discret dans le regard qu'il lui lança... D'autant plus que la formulation « à la maison » résonna en lui – il fit de son mieux pour l'enterrer au plus vite. Concentré. Derek devait rester concentré sur son objectif.

- On sait tous les deux que ma présence est nécessaire, rétorqua-t-il de façon aussi ferme qu'il le put.

Stiles, lui, ne le regarda pas. Ses yeux ne quittèrent pas la route, pas même une seconde. Si Derek percevait toute sa tension grâce à son odeur et à sa posture, il ne pouvait rien y faire. Pourquoi ne voulait-il pas accepter qu'il puisse essayer de l'aider à arranger cette situation ? Certes, c'était surtout parce qu'il pensait qu'il n'y avait que de cette façon qu'il pourrait rentrer chez lui, mais bon. Il se disait que la motivation importait peu, que seuls les actes comptaient.

- Lorsqu'Eli se rendra compte que tu n'es pas celui qu'il admire, les choses risquent d'empirer, Derek. Ne sois pas surpris si les choses finissent par se dégrader.

L'ancien alpha n'aima pas du tout le ton que prit Stiles, ni même ses mots. Il pouvait comprendre sa tristesse, sa tension, son découragement : mais il percevait dans sa prise de parole un petit quelque chose de particulier, de mesquin. Une négativité propre à un homme qui avait abandonné la partie depuis le départ.

- Parce que tu trouves que tout va bien avec lui, toi ? Ne put s'empêcher de relever Derek, un poil agacé.

Il pouvait comprendre que la situation, qui durait, fatiguait quelque peu Stiles et l'empêchait de voir du réel positif. Simplement, il apprécierait qu'il y mette du sien. Derek, lui, désirait véritablement changer les choses et il prenait sur lui pour, justement, ne pas fuir en se terrant dans une maison qu'on disait être la sienne. Il essayait au mieux de prendre ses responsabilités – ou celles qui se retrouvaient collées sous son nez par la force des choses.

- Disons que c'est... Stable, finit par répondre Stiles sans se démonter. Ce n'est peut-être pas le mieux mais au moins... Ça ne bouge pas en ce moment.

Un souffle, une pause.

- On a une routine qui fait que les choses restent où elles sont et tendent à n'évoluer que lentement. C'est largement suffisant pour empêcher... Que ça n'aille plus du tout.

- Donc te laisser insulter et piétiner par ton propre gosse pour que les choses restent stables, pour toi, c'est la solution ?

La colère de Stiles, Derek la perçut instantanément. Si elle prit la forme d'une lueur hurlante dans son regard, elle épiça fortement son odeur.

Et pourtant, il ne la laissa pas s'exprimer comme il le devrait. Car si Derek lui répondait ainsi, en étant aussi sec, ce n'était pas juste par agacement quant à ce comportement si passif qui ne lui allait pas : c'était aussi pour le provoquer, essayer de le secouer, de le réveiller. Parce que l'ancien alpha continuait de se dire que le Stiles qu'il connaissait ne pouvait pas avoir complètement disparu. Il était forcément là, quelque part.

Dans cette colère muselée qui se traduisait – en plus de son regard et de son odeur – dans sa façon de conduire, un peu plus nerveuse, plus sèche. Mais pour Derek, ce n'était pas assez. Pourquoi Stiles s'entêtait-il à se contrôler à ce point ? N'avait-il pas envie – besoin – de s'exprimer en tant que tel ? De se laisser aller à déverser tout ce qu'il retenait ? Si Derek ne pouvait pas lui jeter la pierre dans la mesure où il lui arrivait souvent de faire la même chose, il trouvait néanmoins toujours un moyen de se défouler et de se vider. D'une manière ou d'une autre, c'était quelque chose qui lui permettait de retrouver son calme et de réfléchir de façon parfaitement logique et, dans la mesure du possible, objective.

Le problème, c'est que Stiles ne semblait pas voir le problème de son propre mode de fonctionnement. Dans le fond, il pensait bien faire et ça, Derek en était certain : mais l'hyperactif ne se rendait-il pas compte d'à quel point il en pâtissait de son côté ? Au vu de ce qu'il lui avait laissé entendre à plusieurs reprises, si.

Mais il n'essayait pas d'agir différemment pour autant. Derek s'interrogea. Était-ce parce que la suite lui faisait peur ? Parce qu'il était... Terrifié de ne pas être à la hauteur ? Parce qu'il ne savait que faire pour redresser la barre ?

Stiles savait-il seulement qu'il pouvait accepter l'aide qu'on lui proposait ?

- Mêle-toi de ce qui te regarde.

Derek lança un regard effaré à l'humain qui lui avait parlé avec une froideur si... Glaciale que c'en était perturbant. C'était quelque chose... Qui ne lui ressemblait pas. Qui ne collait pas à l'image qu'il se faisait de Stiles. Stiles, qui s'arrêta brutalement et actionna sans attendre le frein à main. C'est à ce moment précis que Derek, médusé et ne sachant pas quoi répondre, remarqua qu'ils étaient arrivés devant une petite école à l'allure tout à fait banale.

Le loup-garou n'eut pas le temps de rétorquer quoi que ce soit que l'humain était déjà sorti de la voiture.

I'm Just an Accident Waiting to HappenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant