Essenti'elles - Floyd Geable

Sibylle #7.3

— Bon, Jeanne, tu trouveras un titre accrocheur au calme de ton côté, je te fais confiance, tranché-je finalement. Niveau témoignages, tu en as assez pour étayer l'article ?

— Oh oui, pas de soucis.
— Mais encore ? insisté-je en piochant quelques bonbons.
— J'ai réussi à isoler toutes les décennies. Nous avons donc Hugo, dix-neuf ans, étudiant et geek, Aïssa, vingt-trois ans, infirmière et joueuse de guitare dans un groupe, Sibylle, trente-cinq ans, psychothérapeute et qui adore courir les vide-greniers...

Je sursaute, manque de m'étouffer avec un Skittles tout en faisant aussi tomber mon stylo. Sous les rires de l'assemblée, je me redresse avec une solide quinte de toux. Jamais de ma vie je n'avais entendu un tel prénom avant la séance collective avec mon père. Se pourrait-il qu'en quelques jours, deux Sibylle différentes, qui plus est psychologues, pointent le bout de leurs nez ?

— Désolée, fausse route, m'excusé-je après être parvenue à me calmer. Tu peux répéter ce que tu viens de dire, s'il te plaît, Jeanne ?

— Tu veux que je te redonne toute la liste ?
— Non, juste le dernier, avant que je tousse.
— Sibylle, trente-cinq ans, psychothérapeute et qui adore courir les vide-greniers.

Une telle coïncidence, je n'y crois pas une seule seconde. Je me réinstalle au fond de ma chaise et tente de me montrer la plus détendue possible.

— Sibylle ? C'est un blaze de bourge, ça, non ? raillé-je en feignant la moquerie. Elle ressemble à quoi, madame la comtesse ? Tailleur strict, coupe au carré et lunettes ?

— Oh non, tout l'inverse, me contredit Jeanne. Robe bohème, longs cheveux blonds bouclés et pas de lunettes !

Cette fois, plus de doute, c'est bien ma psy super canon, celle-là même que je rêvais d'avoir rencontrée autre part que dans son bureau ! J'enrage soudain de ne pas avoir fait ce foutu speed dating ! Je m'efforce de contenir mon excitation, si je me mets à poser trop de questions dans cet état, je risque d'éveiller des soupçons chez mes collègues et je préfère l'éviter.

— Bien, tu sembles avoir tout ce qu'il te faut, c'est cool, lancé-je, la tête ailleurs.

— Attends, il y a encore le quarantenaire dont je n'ai pas parlé, me reprend Jeanne.
— Ah... euh, oui, vas-y.

En train de digérer ce que je viens d'apprendre, je n'entends strictement rien de sa dernière description. Au vu de sa présence à cet évènement, j'en déduis que Sibylle est célibataire. Un sourire se dessine sur mes lèvres, si le destin n'a pas fait en sorte que je sois à cette soirée, il a néanmoins mis sur ma route une info intéressante que je compte bien utiliser. Franchement, combien de chance y avait-il pour que tout se goupille ainsi ? 

Ça ne peut être qu'un signe !Je clôture la réunion et me précipite sans attendre dans mon bureau ; j'ai vraiment besoin de réfléchir. Mains derrière la tête, je me penche en arrière tout en me remémorant les deux rencontres avec Sibylle. Très pro et concentrée lors du groupe de parole, elle a eu beaucoup plus de mal à se maîtriser pendant l'entretien individuel, malgré ses efforts pour dissimuler son trouble.

À maintes reprises, ses yeux ont balayé mon visage et mon corps. La simple vision de ses pupilles dilatées et de ses joues légèrement rosies a encore amplifié la chair de poule causée par la climatisation. 

Je me félicite d'avoir opté pour un haut serré, ce jour-là, il m'a permis de déceler son intérêt pour les formes féminines. D'autres n'auraient sans doute rien remarqué, mais pas de bol, madame Hastier, je suis une spécialiste dans le domaine. J'ignore quoi en penser, peut-être que je me plante en beauté, mais je me dois de tenter le coup.C'est un fait, cette nana me plaît.

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