Chapitre 1 : la désillusion

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En cette soirée de mai, l'air était agréable, les oiseaux chantaient et l'été semblait commencer à pointer le bout de son nez. En marchant vers le café près du Palais Garnier dans lequel je retrouvais une de mes amies les plus proches, Laura, comme tous les vendredis après le travail, je souriais. J'avais une grande annonce à lui annoncer. Après plusieurs mois à travailler d'arrache-pied, j'avais finalement réussi à obtenir le poste que je convoitais tant, celui de directrice marketing d'une grande entreprise de parfums. Le sentiment que rien ne pouvait me faire redescendre de mon petit nuage me rendait d'autant plus fière de moi. Pour l'occasion, j'avais prévu de faire une surprise à ma fiancée, Ambre, et de l'emmener dîner demain soir au restaurant pour fêter ma promotion. J'avais si hâte, d'autant plus que cela faisait une semaine qu'elle était en voyage d'affaires à Londres. Après avoir emprunté la rue qui menait au lieu de mon rendez-vous, j'aperçu Laura au loin, le téléphone à l'oreille. Je souris en la voyant et me dépêchai de la rejoindre. Lorsque nos regards se croisèrent, elle raccrocha immédiatement et vînt me saluer. En nous asseyant à la terrasse du café, elle resta inhabituellement silencieuse et je décelai immédiatement une espèce de gêne entre nous.

- Qu'est-ce qu'il se passe Laura ? Ça va ?

Je m'avançai vers elle pour poser ma main sur la sienne. Elle leva son regard vers moi. J'eu la désagréable impression qu'elle me cachait quelque chose.

- Oui, j'ai eu une journée assez mouvementée aujourd'hui, je suis super fatiguée, désolée. Elle se racla la gorge et reprit. Comment tu vas toi ?

Le serveur nous interrompit poliment pour prendre notre commande. Je vis Laura longuement hésiter sur ce qu'elle allait commander à boire. Je suis paranoïaque, elle est juste fatiguée, me chuchota la petite voix dans ma tête tandis que mon instinct me criait que quelque chose clochait. Après un court silence, elle se décida finalement de prendre un diabolo menthe et je pris la même chose.

- Dis-moi ce qu'il y a s'il te plaît, je te trouve vraiment bizarre ce soir ! Je l'interrogeai une fois le serveur parti.

- Désolée, je suis juste claquée. Elle souffla en sortant son paquet de cigarette de sa poche. L'école m'a appelé en début d'après-midi pour me dire que Julie était malade donc j'ai dû poser mon après-midi. Je te jure elle a vomi dans ma voiture, dans son lit, j'ai dû tout nettoyer, c'était un enfer.

- Mais Baptiste n'est pas de repos le vendredi d'habitude ?

- Si, elle alluma sa cigarette, mais il aidait un pote à déménager je crois donc j'ai pas réussi à l'avoir au téléphone jusqu'à tout à l'heure.

Mes doutes se dissipèrent et je décidai de ne pas l'assaillir de questions au risque de la braquer. De toute façon, si elle a besoin de parler et de se confier, elle sait que je suis là. La discussion fût plus fluide au fur et à mesure de la soirée et je lui annonçai finalement la grande nouvelle. Comme je m'y attendais, elle se leva pour venir m'enlacer et me féliciter. Nous commandâmes un verre de vin chacune et trinquâmes. Aux alentours de 23 heures, nous avions déjà bu trois verres et je lui proposai d'aller en boîte de nuit. À ma grande surprise, elle qui d'habitude me suppliait pour sortir semblait hésiter.

- Je sais pas, Julie est malade et je suis un peu fatiguée...

- Oh, allez, elle est avec Baptiste, je suis sûre qu'il s'occupe très bien d'elle ! Puis on n'est pas obligées de rentrer trop tard !

Elle finit par céder et nous quittâmes le café après avoir réglé l'addition. Je posai mon bras sur ses épaules et nous nous dirigeâmes vers le club Vendôme, une des plus belles boîtes de nuit de Paris située à deux pas du café. Lorsque nous étions encore étudiantes, nous avions pour habitude de venir tous les samedis soir. Mais depuis qu'elle était devenue maman, nos sorties se faisaient plus rares, même si, à chaque fois qu'elle en avait l'occasion, Laura me persuadait de sortir en boîte. C'est d'ailleurs au club Vendôme que j'ai rencontré la femme de ma vie, Ambre. Elle faisait des études de finances et était amie avec l'ex-copine de Baptiste, le copain actuel de Laura. Le monde est petit quand on y pense. Après s'être rencontrées, nous ne nous sommes plus lâchées et avions décidé de nous fiancer en octobre dernier, deux ans après notre rencontre. À chaque fois que Laura et moi sortions au club Vendôme, parfois accompagnées d'Ambre et du reste de notre groupe de copains, j'aimais me remémorer les souvenirs de notre première rencontre et de notre premier baiser. Le sourire qui s'était dessiné sur ma bouche s'estompa lorsque je vis une grande pancarte collée sur la devanture du club informant que celui-ci était momentanément fermé pour cause de travaux.

- Merde alors... Laura jura en me jetant un regard. On fait quoi du coup ?

Je restai silencieuse. J'eu une nouvelle fois une mauvaise impression, comme si le destin avait décidé de s'acharner sur moi ce soir. J'étais du genre à suivre mon instinct, à être réceptive aux évènements, comme si les choses n'arrivaient pas par hasard. Et ce soir, les évènements qui s'étaient produits n'étaient pas habituels. Je me tournai vers Laura et lui proposai de prendre un taxi pour rentrer chez elle. Je ferais ensuite le reste du trajet à pied, j'avais besoin de me dégourdir les jambes. Mais pour la première fois depuis nos six ans d'amitiés, elle refusa poliment, m'expliquant que ce ne serait pas possible car Julie est toujours apparemment très malade. Une excuse à la con, je me suis dit.

- D'accord, comme tu veux, mais laisse-moi au moins te raccompagner ! Je lui proposai en ne lui laissant pas véritablement le choix.

Une fois dans le taxi, l'impression de gêne qui m'avait engloutie en début de soirée refit surface. Je ne laissai rien paraître mais je me rendis rapidement compte que Laura avait l'air stressée, et qu'à ce stade de la soirée, avec l'alcool et la fatigue, il semblait qu'elle avait du mal à le dissimuler. Mais je ne dis rien et fis comme si de rien n'était.

Lorsque nous fûmes arrivées devant sa résidence, elle sortit rapidement de la voiture et referma la porte derrière elle pour que je ne puisse sortir.

- Rentre en taxi s'il te plaît, j'ai pas envie qu'il t'arrive quelque chose si tu rentres seule dans la nuit ! Elle me supplia.

Son attitude inhabituelle et presque louche commençait à me faire perdre patience, mais je tentai une fois de plus de rien dire et d'acquiescer. Je refermai la vitre de la voiture et demandai au chauffeur de me déposer au début la première rue sur la droite. Après avoir reçu la validation du taxi, je m'efforçai à esquisser un sourire et faire un signe de la main à mon amie. Une fois la voiture éloignée, Laura se hâta à entrer dans le hall de sa résidence. Je fis immédiatement signe au chauffeur de me déposer et paya le montant de la course. Une fois en dehors de la voiture, le chauffeur démarra et disparut rapidement. J'étais assez loin de la résidence pour qu'elle ne me voit pas, au cas où elle ne serait pas encore rentrée. J'eu l'impression de jouer dans un film d'action lorsque je me cachai aussi bien que possible derrière les haies, tout en me rapprochant de la résidence. Lorsque je ne fus qu'à quelques mètres de l'entrée de la résidence, celle-ci s'ouvrit et j'eu à peine le temps d'apercevoir Laura et une autre femme avant de me faufiler derrière un petit fourgon pour ne pas me faire repérer. Lorsque j'aperçus finalement le visage de ma fiancée, mon sang se glaça. Que faisait-elle là ? Elle était censée être en voyage d'affaires à Londres ? Je n'étais pas du genre à être jalouse, mais une question persistait tout de même dans ma tête : Laura et Ambre ne se sont jamais bien entendues, alors pourquoi Laura aurait invité Ambre chez elle sans m'en parler ? Je tendis l'oreille pour tenter d'entendre leur conversation.

- J'en ai rien à foutre que tu aies nulle part où dormir, tu te rends compte de ce que tu me demandes là ?  Laura s'agaçait d'un ton sec en pointant son index vers Ambre.

- C'était juste pour cette fois, arrête un peu ! Si j'avais pu faire autrement je l'aurais fait !

- Mais justement, fais autrement, porte tes couilles un peu et dis la vérité à Élo, c'est pas à moi de lui dire !

- Comment tu veux que je lui dise putain ! Elle va me quitter et je vais la faire souffrir !

- Bien sûr qu'elle te quittera et elle aura bien raison ! Tu...

- De toute façon, t'es comme Éloïse tu comprends jamais rien ! Ambre lui coupa la parole. Je savais que j'allais le regretter de t'avoir demandé ton aide !

- Mais tu croyais quoi ? Tu pensais que t'allais m'annoncer que tu trompais ma meilleure amie dans son dos et que j'allais rien te dire ! La seule raison pour laquelle j'ai accepté que tu dormes à l'appart ce soir c'est parce que je voulais te raisonner d'aller en parler à Élo dès demain ! Tu me dégoûtes !

- Mais si tu fermes ta gueule elle saura rien, faut pas en faire tout un drame !

Elles continuèrent à crier de plus en plus fort tandis que j'eu l'impression que mon cœur allait s'arrêter. Tant d'interrogations se bousculaient dans ma tête. Pourquoi ? Qu'avais-je fait ? Le sentiment que tout mon monde s'écroulait autour de moi m'était insupportable. J'avais envie de partir en courant. Pourtant, je restai figée, mes membres paralysés. Comment avait-elle pu ?

À toi qui m'a fait renaître /WLW/Où les histoires vivent. Découvrez maintenant