Chapitre 1

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   C'était l'un des jours où j'aurais dû rester sous la couette. A titre gracieux, j'aurais dû m'offrir, à mon réveil, un aller simple à travers ma fenêtre et passer la journée devant la télé en m'empiffrant de crème glacée.

   Et j'aurais pu avoir, si cela avait été possible, le corps chaud et viril d'un homme à mes côtés. Mais non, comme ma mère me le prédisait malheureusement depuis ma puberté, j'étais toujours célibataire. Pas parce que, comme vous le supposez, je ne sortais jamais de chez moi, faites-moi confiance, mais les hommes se font rares à Los Angeles. Oh, il y en a pas mal de libres, mais ils sont scotchés à leur miroir, à leur portable où ils parlent à leurs psys et leurs entraîneurs personnels sur touche rapide.

   Je pourrais déménager loin d'ici, bien sûr, mais où pourrais-je aller pour qu'on me paye à faire des fresques murales sur les façades des buildings? Où pourrais-je porter des tongs toute l'année et où ma plus grande décision serait de savoir si je peins une nuit étoilée ou un panorama de la ville ?

   Oui, honte sur moi, la vie à L.A me convient parfaitement : prends la vie comme elle vient et carpe diem.

   D'habitude, je me lève le matin, je me fais griller la moitié d'un bagel aux graines de sésame et je bois un grand verre de thé glacé au citron plein de sucre. Je prends ma douche, j'enfile un tee-shirt et je vais au travail, où, comme mon père avant moi, je peins sur des façades des buildings, au gré de mes envies et du contenu de mon book.

   Au moins, j'adore mon boulot non ?

   Le soir, je sors dîner avec mes amis et on se répète inlassablement que l'on est entrain de vivre la meilleure année de nos vies de célibataires. On s'offre des desserts - même si dans mon cas, mon short commence à être un peu serré à la taille ) puis je rentre chez moi, je nourris mon poisson, je me mets au lit et je rêve du mec de FedEx qui ne sait toujours pas que j'existe.

   Après, je me lève et je recommence tout pareil.

   Enfin, c'est ce que j'avais toujours fait, avec quelques variations, avant que mon arrière-grand-tante, Gertrude, ne décède et change ma vie.

   Elle ne m'a pas léguée de fortune cachée, ni même de rivière de diamants, ce qui aurait été plutôt sympa. Non, ce que cette chère arrière-grand-tante Gertrude m'a laissée, c'est un Bed&Breakfast au beau milieu de l'Alaska - plus précisément au bord de la réserve du parc national de Katmai.

   Moi, Elaïa Abberline, propriétaire d'un B&B au bord d'une réserve - on croit rêver !

   Mais pourquoi tante Gertrude possédait un tel truc au milieu de nulle part ? Probablement parce qu'elle était mesquine et préférait vivre loin de toute sa famille. Mais c'est une autre histoire. Dans cette histoire-ci, me voilà : une muraliste de vingt-sept ans avec un B&B en Alaska.

   Qu'est-ce que j'avais d'autre à faire, sinon d'aller y jeter un oeil ?

   Ce qui signifiait que ce matin-là, au lieu de prendre mes pinceaux, j'ai préparé ma valise (bon, d'accord, deux valises) et je suis partie en avion vers le Nord.

   Et je veux dire trèèèèèèèèèèès au Nord !

   Une fois dans les airs, avec une certaine appréhension, je fis face à ma peur du vide et jetai un oeil à travail le hublot. Vite étourdie, je m'agrippai aux accoudoirs.

   Waaaaaaaahhhh, c'était énorme l'Alaska. Et vert.

   Et énorme.

   Aussi loin que pouvaient voir mes yeux, je distinguais des cimes dentelées aux sommets enneigés, on était en août. Août. C'était bien au-delà de mon imagination sud californienne.

Seuls au monde (Calum Hood)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant