Chapitre 1

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Je me réveille en sursaut dans le noir complet, la respiration haletante, les battements du cœur accélérés, couverte de transpiration. Je me tourne et entrevois mes draps transparents de sueur. Une larme coule sur ma joue, je ne cherche même plus à l'essuyer, je farfouille dans l'obscurité jusqu'à trouver Twix, le fameux ourson qui me suis depuis mes sept ans, il a épongé bien des larmes et est à ce jour mon plus grand réconfort. Rien que le tenir entre mes doigts m'aide à récupérer un rythme de cœur normal et une respiration calme. J'essaie de me remémorer des bons souvenirs, mais une angoisse surgit et mon rêve s'imprime dans ma mémoire. Le même depuis une semaine. Cela ne m'arrive que rarement, et durant de grandes périodes de stress. Mes mains se mettent à trembler fort jusqu'à être obligée de lâcher Twix tant la douleur grandit. C'est la première fois qu'un souvenir est si flou, je n'ai que des bribes de prédiction. Je sais que ma vie va radicalement changer...mais j'ignore comment. Je ne vois que tristesse et destruction dans mon futur. Je me raisonne, me tourne dans tous les sens et ferme les yeux mais le sommeil ne vient pas. J'essaie encore, même si je sais pertinemment que je ne me rendormirai pas. Un souffle chaud s'échappe de mes lèvres, j'allume ma lampe de chevet, pousse ma couverture et mon cousin hors de mon matelas pour en attraper des propres. J'ai pris l'habitude de toujours en avoir à proximité pour ce genre de situation. Je me redresse sur mon lit, attrape un livre et le pose sur mes genoux : « Alice au pays des merveilles ». Un classique, une jeune fille naïve et folle. Toutes les filles dans les contes sont présentées comme des idiotes insouciantes. Je lis quelques pages mais rapidement lassée, je me rabats sur mon ordinateur portable et lance La Casa De Papel. Six épisodes plus tard j'entrevois un rayon de soleil à travers mes vieux volets en bois. Je soupire et referme mon écran.

Au petit matin mon réveil sonne, je l'éteins maladroitement et descends de mon lit sans motivation, les yeux mi-clos et légèrement contourés de bleu par mes cernes. Je passe ma main sur mon visage et me masse machinalement les tempes. Bizarrement le manque de sommeil ne m'a jamais impacté, mais pour une fois je me sens lourde. Je traine jusqu'à la salle de bains, j'enfile un jean bleu et un débardeur vert pomme. J'attrape mon sac, une barre de céréales et sors en direction de mon arrêt de bus. Comme à mon habitude, sur le chemin, je tiens mon miroir de poche à la hauteur de mes yeux pour y mettre quelques paillettes avec mon doigt. J'entre dans mon bus, trouve une place à l'avant et m'y effondre. Je jette un coup d'œil à mon téléphone et déglutis en voyant une notification de mon petit frère Arthur disant que mes parents auront un truc important à me dire à mon retour, accompagnée d'un émoji compatissant et d'un autre inquiet. J'adore mon frère, j'ai eu mes plus grands fous rires avec lui, mais je ne sais jamais quand il rigole ou parle sérieuse­ment. Je fais mine d'ignorer son message et regarde la route dans mes pensées, un air de guitare dans les oreilles, m'imaginant le milliard de choses qu'auraient pu découvrir mes parents. Heureusement qu'Arthur n'est pas aussi complexe que Pâris, un des nombreux frères de l'antique Cassandre. Il fut abandonné à un berger à sa naissance par ses parents roi et reine de Troie, en raison de nombreux devins et pythie (prophétesse) qui lui aurait prédit que le bébé allait causer la chute de Troie, Hécube (Mère de Pâris et Cassandre, reine de Troie) aurait même rêvé qu'elle accouchait d'une torche enflammée. Sa propre fille lui fit aussi part de ses grandes inquiétudes. Des années après, Pâris revient à Troie, sa famille ne mit pas longtemps à comprendre qu'il s'agissait de leur fils maudit.

Après une vingtaine de minutes le bus stoppe, je descends dans le froid de fin d'hiver, marche sur le verglas encore résistant, les mains dans les poches et le souffle formant de la vapeur.

J'ai dix-sept ans, je passe le bac dans trois mois, option histoire, biologie et géologie. Je souhaite devenir archéologue et faire mes études en Grèce dans le pays de la mythologie. J'aimerais analyser le passé plutôt que de me focaliser sur le futur. Néanmoins la perspective de vivre loin de ma famille et de Lucilia me rassure et me terrifie à la fois. Je n'aurai plus à m'inquiéter chaque matin du déroulement de mes journées, mais en même temps je ne serai pas présente en cas d'accident ou d'imprévu. Je chasse cette pensée noire et arrive dans la cour. Je n'ai même pas le temps de me poser que Lucilia me saute dessus pour me prendre dans ses bras.

Presque la même vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant