Chapitre 40 : David

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Le soleil était couchant, il dépassait à peine de la cime des arbres, c'était une fraîche journée de février. Le ciel était pleinement dégagé, David portait sa veste en cuir noir fétiche, il tenait dans sa main un pack de bière fraiche. Il avait déjà bu une canette en arrivant pour se préparer à ce qu'il voulait faire. Il marchait sur le Bellefontaine Bridge, allant et venant. Il se parlait à lui-même.

« Ça ne sert plus à rien. Il n'a pas mérité ça. Personne ne mérite ça. La vie est une chienne. »

Il s'approchait du vide, faisait tourner le reste de bière dans le fond de la cannette.

« Je vais sauter, s'exclama-t-il. Tout ça ne sert à rien, répéta David. »

Il s'avança au bord du vide, et il regarda l'eau qui s'écoulait sous le pont. Il enjamba la rambarde. Il se trouvait au bord du précipice, il n'avait pas peur, il n'avait plus de sentiment, il était certain que son seul espoir dans la vie, la seule lueur allait s'éteindre. Son petit frère était tout pour lui. Il déversa le reste de sa boisson dans le Missouri, il visualisa sa chute, il se demanda si comme dans les films, il verrait sa vie défiler devant ses yeux. Il était prêt, mais dans sa tête la voix de Georges trottait. Et si Georges se réveillait, et si ce soir de février n'était pas son dernier jour.

« Tu n'as pas les couilles de sauter ! hurla-t-il. Tu es un raté ! Tu vas finir seul ! Personne ne sera là pour toi ! »

Il se parlait pour se donner la force de mettre fin à ses jours, mais sa raison et la pensée de son frère l'en empêchait. Il voulait s'échapper des difficultés de la vie, ne plus se soucier de la santé de son frère, il voulait fuir le stresse de le voir faire ses allers retours incessant à l'hôpital. Encore et toujours les mots chaleureux et plein d'espoir de Georges raisonnait en lui. Il voyait toujours, le bon côté des choses, il répétait sans cesse à David que la vie était belle et pleine d'espoir, que même si lui n'aurait pas le temps de faire tout ce qu'il voulait sur terre, David le pourrait, qu'il n'avait de limite que celles qu'il s'imposait. David enviait son frère d'être si optimiste, lui qui ne voyait que la souffrance et le malheur après la perte de son père et le diagnostic de son frère. David lâcha la rambarde et la seconde d'après il était au milieu du pont, il y avait sans doute encore de l'espoir. Il décida de descendre du pont et d'aller au bord du fleuve. Il avait toujours son pack de bière. Il en but une nouvelle, puis une seconde. Il resta la un certain temps en pleurant, la nuit était tombée, une brise légère rafraîchissait l'air, une pleine lune illuminait le pont. « Je veux être libre » dit une faible voix, David ne l'entendit pas. David pensait toujours à remonter sur le pont pour sauter.

« De toute façon, t'as pas les couilles de sauter, si tu veux le faire, fais le bien, dit-il à haute voix.

-Qui parle ? Je vais le faire, je vais sauter, dit une voix féminine. »

David fut surpris, il ne s'attendait pas à trouver quelqu'un ici.

« Saute princesse, tu ne manqueras à personne, répondit David éméché et triste.

-Je vais le faire, tu auras ma mort sur la conscience, rétorqua-t-elle.

-Je ferais avec, ne te trouve pas d'excuse. »

David projetait son incapacité à se suicider sur cette inconnue, il voulait qu'elle fasse ce qu'il n'avait pas su faire.

« Je vais vraiment sauter, reprit la voix. »

David se rendit compte que cette fille et lui vivait une chose similaire, mais que tous les deux étaient dans l'incapacité de mettre fin à leurs jours, il ne savait pas ses motivations, quel trauma elle avait vécu mais il se dit qu'ils pouvaient peut-être s'aider. Il repensa à Georges et son éternel optimisme, l'espoir était permis, une chaleur traversa son corps. Il décida qu'il voulait parler avec cette fille sans trop savoir pourquoi.

Je suis là  [ Sois une étoile ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant