Chapitre 3

11 2 0
                                    


En pleine après-midi, je rentre chez moi, le soleil battant sur ma tête comme s'il voulait m'assommer. J'occupe un appartement dans un immeuble paisible du quartier de Glendale, partagé avec ma grand-mère. À quelques semaines de ses quatre-vingts ans, je prévois de lui offrir un cadeau malgré mes maigres économies. Rien ne me rend plus heureuse que de voir son sourire s'illuminer un peu plus chaque jour.

À dix-huit ans, j'ai quitté San Diego il y a quatre ans de cela, laissant derrière moi le poids de mon passé pour poursuivre mes études de psychologie à Phoenix. Mais la vérité, c'est que j'ai fui lâchement la source même de mon mal-être : le harcèlement que j'ai subi durant toute ma scolarité. Pourtant, cette épreuve a façonné l'essence même de mon caractère, devenant indissociable de ma personne, et désormais, je ne peux plus m'en défaire.

Mes parents m'ont laissé partir sans beaucoup d'objections. Ils prennent parfois de mes nouvelles lorsque l'idée leur traverse l'esprit, mais nos rencontres se font rares. Ils se sont séparés l'année dernière à cause de disputes incessantes. Mon père a refait sa vie avec une femme bien plus jeune que lui, ma mère prétend qu'il cherche à retrouver sa jeunesse. Peut-être a-t-elle raison.

Je monte les marches de l'immeuble jusqu'au deuxième étage, m'assurant de ne pas en rater une cette fois-ci. Enfin chez moi, une agréable odeur de café et de biscuits chatouille mes narines, m'accueillant chaleureusement. Un sourire étire mes lèvres de manière incontrôlable. C'est là que je me sens vraiment chez moi, entourée des petits fauteuils au motif fleuri, de la grande horloge mécanique rétro et de toutes les photos de mon défunt grand-père soigneusement encadrées, comme s'il était toujours parmi nous.

- mamie je suis rentrée !

- je suis dans la chambre cherie !

Alors que je m'apprêtais à la rejoindre pour la serrer dans mes bras, je remarque la tasse sous la machine à café déborder de tous les côtés, le liquide encore chaud dégoulinant sur le parquet. Je soupire profondément, pose mon sac par terre et me précipite pour arrêter la machine, limitant ainsi les dégâts déjà causés. Un rapide coup d'œil à la chambre de ma grand-mère, et je passe une main sur mon visage, désemparée.

- mamie tu a oublié ta tasse de café.

- de quelle café tu me parles ?

Ce n'est pas la première fois que ça lui arrive. La dernière fois, elle avait oublié d'éteindre l'eau de la douche et l'avait laissée couler pendant des heures, jusqu'à ce que j'arrive.


***


"Est-ce vraiment nécessaire ? Je ne me sens pas très bien, je pense que j'ai attrapé froid..."

"Emma, il fait grand soleil dehors, tu ne vas pas t'en tirer comme ça. Et puis de toute façon, les billets sont déjà achetés."

"Impossible de se faire rembourser ?" tenté je, le téléphone collé à l'oreille.

"Non, impossible."

Je soupire, et j'entends son rire à travers le combiné. Un rire qui semble dire clairement : "Tu es piégée, Emma Bennett."

"enfile ta plus belle tenue et prépare toi à éblouir Utmost en personne !"

"Dans tes rêves."

"Tiens toi prête, j'arrive dans trente minutes."


Elle n'avait pas tort, car trente minutes plus tard, j'entends le klaxon de sa voiture à travers le silence que j'ai instauré. Je regarde les murs blancs de ma chambre, me levant finalement avec des mains moites, en appréhendant la soirée.

Carpe DiemWhere stories live. Discover now