POUR ELLE

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10 Avril 2044

Depuis quelques minutes, la foule massée sur les trottoirs de la rue de la Victoire grondait et tonnait.
Yannick peinait à empêcher ses compagnons de désespoir d'écraser sa fille de 8 ans, Jade, contre les barrières que la police avait installées pour contenir la horde de Juifs et de Chrétiens venus défendre leurs synagogues et leurs églises.
- Papa, qu'est-ce qui se passe ? Tu vois quelque chose ? demanda Jade.
Yannick leva la tête au-dessus de la foule pour comprendre ce qui avait provoqué ce regain de colère à proximité de la grande synagogue. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, il n'eut aucun mal à voir l'homme qui sortait de la voiture noire garée devant le bâtiment. L'homme qui était à l'origine de ce marasme, de ces cris et de ces pleurs était là, suivi par son essaim de drones et d'hommes en armes.
- Alors papa ? Qu'est-ce qui se passe ?
- Le président est là, on dirait qu'il va parler avec le rabbin.
- Tu crois qu'il nous a entendus et qu'il vient dire pardon ?
- Je pense pas, ma puce.

Alors que Yannick observait la conversation entre Youcef Slimani et le grand rabbin, un petit homme blanc portant une large croix autour du cou le bouscula pour s'approcher de la barrière.
- Hé mon frère, doucement, y a ma fille là !
L'homme ne répondit pas, préférant se pencher par-dessus la barrière pour tenter de voir ce qui se passait devant l'entrée de la synagogue. Yannick serra les poings, ce n'était pas le moment pour une altercation avec un coreligionnaire.

Il regarda sa petite fille et le chouchou violet avec lequel il avait attaché ses longs cheveux crépus ce matin là. Le chignon n'était pas centré, ce qui lui rappela que l'absence de sa femme n'avait jamais été aussi difficile à supporter qu'en ce jour de terreur. Anne était morte 2 ans auparavant, assassinée sans raison en allant acheter des croissants et des pains au chocolat pour le petit déjeuner. Des meurtres gratuits comme la France en connaissait des dizaines chaque jour depuis l'élection de 2042.

Le sursaut de son deuil impossible l'empêcha de voir son président enfoncer un couteau dans le ventre du grand rabbin, mais les hurlements qui suivirent vinrent le tirer de son tourbillon de tristesse.
- Papa ? Qu'est-ce qui se passe ? Demanda Jade apeurée.
- Viens ma puce, on s'en va, dit Yannick en soulevant sa fille pour la prendre dans ses bras.
Pendant qu'il essayait de fendre la foule pour rejoindre le coin de la rue, il entendit le premier coup de feu. Il sursauta et pressa le pas, poussant de ses larges épaules ceux qui étaient devenus un obstacle à la sécurité de sa fille.
Les tirs fusaient de toute part. La panique s'était mélangée à l'adrénaline, ce qui décuplait la force de Yannick. Lui qui était déjà un homme particulièrement impressionnant s'était mué en une machine inarrêtable dont le seul but était de mettre à l'abri l'unique personne qui avait plus d'importance à ses yeux que Jésus Christ.

En quelques secondes, ils atteignirent l'angle de la rue de la Victoire et continuèrent sur la rue Saint-Georges pour mettre le plus de distance possible entre le massacre et sa fille.
Il marchait et la serrait en essayant de l'empêcher de regarder par-dessus son épaule, puis il s'arrêta net, terrifié et confus face à deux policiers braquant leurs AK-47 dans sa direction et celle de sa fille tétanisée.

Il marchait et la serrait en essayant de l'empêcher de regarder par-dessus son épaule, puis il s'arrêta net, terrifié et confus face à deux policiers braquant leurs AK-47 dans sa direction et celle de sa fille tétanisée

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