LA RENCONTRE

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19 Septembre 2053

L'été touchait à sa fin. Zoubida savait qu'avec l'arrivée du froid, elle ne pourrait plus aussi facilement justifier ses escapades amoureuses interdites. Elle savait que Leïla, l'autre femme de son mari, la surveillait et n'hésiterait pas à la dénoncer si elle découvrait son secret. Ce jour-là, sur le trajet du bunker, l'air frais et les feuilles mortes tombant des arbres rappelaient sans cesse à Zoubida qu'elle ne pourrait bientôt plus retrouver Guillaume. Elle se demandait comment elle pourrait continuer à vivre sans ces petits bouts de bonheur éphémères.

En arrivant près du bunker, Zoubida fut surprise de voir que la trappe était déjà ouverte. Guillaume avait pourtant l'habitude de la refermer lorsqu'il l'attendait. Zoubida s'approcha doucement de la trappe, en essayant d'amoindrir le bruit des brindilles qui craquaient sous ses chaussures. Elle jeta un coup d'œil rapide et furtif à l'intérieur mais elle ne vit rien. Alors elle appela timidement :
- Guillaume? T'es là ? Aucune réponse.
Guillaume avait-il simplement oublié de refermer la trappe lors de leur dernière visite? Quelqu'un avait-il trouvé le bunker? Zoubida hésita quelques secondes puis se mit à descendre les escaliers poussiéreux. Elle ne voyait toujours rien. Alors que ses yeux commençaient à s'adapter à la faible luminosité, elle entendit une voix :
- N'aie pas peur, Zoubida.
La voix venait du fond du bunker, la voix d'un homme qui n'était pas celle de Guillaume mais qui lui semblait pourtant familière.
- Qui est là ? demanda Zoubida. Comme réponse, elle n'eut que le bruit des pas de l'homme sur le béton. Alors que la lumière extérieure laissait peu à peu apparaître la silhouette puis le visage de l'homme, Zoubida sentit son cœur s'arrêter net.

C'était le père de Guillaume! Monsieur Martin

Elle pensa aussitôt à ce qui allait lui arriver

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Elle pensa aussitôt à ce qui allait lui arriver. Elle s'imagina Kader découvrir sa relation avec Guillaume, elle s'imagina mourir sous les pierres d'une foule galvanisée par une soif de sang et de mort.
- Tu peux retirer ta burqa, je ne vais pas te faire de mal.
- Qu'est-ce que vous faites ici ? Pourquoi vous n'êtes pas directement aller voir mon mari ?
- Guillaume m'a beaucoup parlé de toi. Tu es une fille très courageuse, Zoubida. Nous pensons que tu mérites mieux qu'une vie d'esclave.

La voix de Monsieur Martin était douce et amicale. Mais Zoubida savait que certains hommes étaient très talentueux pour dissimuler leurs réelles intentions.
- C'est qui, ce "Nous" ? demanda Zoubida tout en restant sur la défensive.
- Cela dépend du point de vue, certains nous appellent "résistants", d'autres "terroristes". Personnellement, j'ai un petit faible pour le terme "rebelles". Zoubida resta figée un instant puis demanda :
- Vous allez me faire croire que vous, connu pour avoir aidé le président Slimani à prendre le pouvoir, faites partie de la résistance ?
- Ce que j'ai fait, contre mon pays, il n'y a pas un jour où je ne le regrette pas. Pendant la décennie 2030, j'étais perdu. Je voyais le monde sombrer. Je voyais la décadence à tous les coins de rue. Je voyais des hommes se transformer en femme, je voyais que les églises étaient vides alors que des gens faisaient la queue pour le dernier iPhone. J'étais perdu. J'ai cru que l'islam pouvait nous sauver et pouvait ramener un peu de spiritualité dans ce monde devenu fou. Comme je me suis trompé...
- Et qu'est-ce que vous attendez de moi ?
- Guillaume nous a raconté. L'enfer que tu vis avec ton mari et son autre femme, ta soif de liberté et les risques que tu es prête à prendre. Nous voulons que tu te joignes à nous. Plus nous serons nombreux, mieux ce sera.
- Mais vous êtes complètement dingue ! Qu'est-ce que vous voulez que je fasse pour vous ? Je risque déjà ma vie en venant ici quelques minutes dans la journée.
Monsieur Martin s'approcha encore de Zoubida, posa sa main sur son épaule puis lui dit :
- Il va falloir que tu te libères et pour ça, il faut que tu te débarrasses de ton mari.

Zoubida repoussa vivement la main posée sur son épaule et recula de trois pas.
- Mais vous êtes malades ? Je ne peux pas faire ça, impossible.
- Bien sûr que tu peux. Une fois que ça sera fait, nous serons là, nous ferons en sorte de te recueillir et tu viendras vivre chez nous. Avec Guillaume.
- Mais, la police ! Elle va me mettre en prison, et je serai pendue.
- La police islamique est totalement incompétente. Les meurtres gratuits et les cambriolages qui tournent mal sont légion. Tu n'auras qu'à accuser un sans-abri. Il y en a pas mal dans la région.
- Je ne pense pas que j'en serai capable. Je déteste Kader, j'ai déjà rêvé plein de fois de le tuer. Mais, je n'y arriverai pas.
- Écoute-moi, Guillaume m'a parlé des viols, des coups, des insultes. Tu peux mettre fin à tout ça.
- Vous ne pouvez pas m'aider ? Ou le faire vous-même ?
- Il faut que ça soit toi, seulement toi. Ni Guillaume, ni moi ne pouvons prendre le risque de se faire attraper. Il y a beaucoup trop de choses en jeu. Retourne chez toi, et réfléchis bien. Quand ça sera fait, je ferai de mon mieux pour t'aider.

Monsieur Martin se dirigea vers les escaliers du bunker, puis il jeta un dernier regard plein de compassion sur la jeune fille.
- Bon courage, Zoubida.
Puis il disparut dans la lumière éblouissante du soleil, laissant Zoubida seule parmis les ombres.

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