Buenos Aires, 2015
— Alizya ! Ouvre-moi, putain. Vite !
Je n'ai pas répondu, j'étais terrorisée. Elle venait de me gifler. C'était la première fois qu'elle levait la main sur moi. Elle m'engueulait parce que j'étais arrivée en retard à l'école. Juste une fois, une seule. Elle m'engueulait simplement, comme elle en avait l'habitude. Mais cette fois-ci, elle était allée trop loin. Sa main était partie toute seule. J'avais vu, pendant deux secondes, passer du regret dans son regard.
— Je te jure que si tu en parles à ton père ou à qui que ce soit d'autre, je te tuerais. Putain, tu ne verras plus jamais la lumière du jour.
Elle me terrifiait. J'avais conscience qu'elle ne mentait pas. Je savais aussi qu'elle était capable de faire tout ce qu'elle m'avait promis.
— Je... je ne dirais rien, je vous le promets.
Milan, 2023
Je me suis réveiller assez tard et en plus de ça, cet après midi, j'ai décidé de faire une sieste. Je me lève difficilement à cause du cauchemar que je fais cette nuit et de la soirée d'hier. Le début était bien, mais après l'altercation, j'ai appelé un taxi et je suis rentré chez moi en pleurant. J'ai bien compris qu'Ayden ne m'aime pas, mais, ces derniers temps, il semblait avoir changé et était plus gentil. Mais hier soir, je ne sais pas pourquoi, il est devenu froid après m'avoir aidé.
Mon reflet dans le miroir me dégoûte. J'ai d'énormes cernes et pas mal de bourrelets sur le ventre. J'ai beaucoup maigri à cause des séances d'entraînement – que Gabriele m'oblige à faire, pour soi-disant garder la forme – et de mon manque de nourriture. En me voyant dans cet état, les larmes coulent sans que je puisse les retenir. Plus le temps passe, et plus je me déteste. Mon corps, mon mental, mes émotions, je me hais tout simplement.
J'ouvre le tiroir en dessous de mon miroir et prends la boîte cachée au fond. Je l'ouvre et attrape les petites lames à rasoir que j'ai laissées dedans. J'en attrape une, puis jette un dernier coup d'œil à mon reflet, pour me convaincre de le faire. J'ai l'habitude de me faire du mal quand je ne vais pas bien, car je n'arrive pas à en parler à mon entourage. La lame se pose sur mon avant et j'effectue une légère pression dessus, afin d'entailler ma peau. J'ai mal et cette simple douleur suffit à oublier les pensées non désirées qui me viennent à l'esprit. Je m'arrête pour la première et commence à entamer la deuxième griffure, mais je suis interrompu par la porte de ma chambre qui s'ouvre dans un fracas.
— Tu viens manger, Alizya ? Fait la voix de Gabriele.
— Tu ne peux pas juste frapper Gabriele ? À travers la porte de la salle de bain. Je n'ai pas faim, mangez sans moi.
— Encore, tu ne manges plus en ce moment. Il dit en essayant d'ouvrir la porte qui me sépare de lui, mais je l'avais fermée à clé. S'il te plaît, viens.
— Ok, c'est bon, je m'habille et j'arrive.
Le soulagement m'envahit quand j'entends ses pas s'éloigner. Depuis quelques jours, je réfléchis à une proposition pour Gabriele, mais je ne suis pas sûr qu'il va accepter.
J'essuie mes dernières larmes en vitesse, mais d'autres coulent par-dessus. Je n'arrive plus à les arrêter, trop de questions viennent envahir mes pensées. Est-ce que j'ai vraiment envie de faire cette proposition à Gabriele ? Si j'arrête tout, comment vont me regarder les membres du gang ? Mais, suis-je à la hauteur pour continuer ? Papa, sera-t-il fier de moi ? Ou sera-t-il déçu que j'abandonne tout ce qu'il a construit ? Vais-je le regretter ? Ou est-ce le bon choix ? Toutes ces questions me donnent mal à la tête, si bien que je me dirige vers la salle de bain pour prendre des médicaments.
Lorsque j'entre, je vois la boîte ouverte, la lame posée sur le rebord du lavabo et du sang partout. Quand Gabriele est arrivé, j'ai rabattu la manche de mon pull sur mon bras, sans prêter attention au sang qui a, désormais, formé une tache. Je dépose la lame dans sa boîte, que je range dans le tiroir et nettoie le reste de sang qui a séché. Je change de pull et quitte ma chambre afin de les rejoindre.
Quand j'arrive, Mirella est en train de faire la vaisselle. J'ai vraiment pleuré au point de louper tout le repas ? Elle sourit en m'apercevant et se remet à la tâche.
- Où est Gabriele ? Je lui demande.
— Dans sa chambre. Elle me répond, essoufflée. Madame Alizya, vous savez, il aurait vraiment voulu que vous soyez là pour ce repas. Il m'a informé vouloir vous annoncer quelque chose.
Je hoche la tête, pour acquiescer et quitte la cuisine. Je me dirige vers la chambre de Gabriele pour lui parler. Je toque délicatement et il m'incite à entrer.
— Salut, tu voulais vraiment que je sois là pour le repas ?
- Oui, je, je voulais te dire quelque chose.
— Moi aussi... Tu sais, je voudrais te laisser le gang, enfin, je n'arrive plus à gérer et puis je suis jeune, enfin tu comprends, c'est compliqué, je-
- Alizya, il me coupe, respire ok, c'est aussi ce que j'allais te proposer. Depuis quelque temps, je vois bien que tu ne vas pas bien. Tu ne manges plus, tu te tues dans le sport, et tes cauchemars et tes crises de paniques sont de plus en plus fréquentes. Alors, je te propose quelque chose. Si tu es d'accord, je serai à la tête du gang, pour les papiers, les petites décisions, telles que l'envoi des hommes pour des affaires, mais toi, tu t'occuperas de toutes les affaires qui concernent ta famille, et les négociations, tu sais très bien que tu es forte pour ça.
- Je, enfin oui, ok, c'est d'accord.
— Alizya, réfléchis avant de prendre cette décision, elle est très importante, assure-toi de ne pas la regretter.
— Non, je ne regretterais pas, promis.
— Je veux que tu réfléchisses quand même et que tu me donnes la réponse demain, et si tu n'as pas assez de temps, dans deux jours.
Il prend sa veste, posée jusqu'ici sur une chaise, et quitte sa chambre.
