02. Rendez-vous

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  Milan, 2023

  Mardi, le jour où j'avais reçu ce colis.

  Samedi, le jour de rendez-vous.

  Vendredi, aujourd'hui.

  Je stresse parce que je n'ai aucune idée de ce dont le gang me veut. Ils savent que mon père est mort. Ce sont même eux qui l'ont tué ! Mais alors, pourquoi s'adresser à lui ? Pourquoi pas à moi ? J'ai besoin de réponses et elles se trouvent au rendez-vous qui m'attend.

  On a tout organisé, notre plan est infaillible. Gabriele me surveillerait tout du long de notre entrevue. Je porterai un micro, caché sous mes vêtements et un traceur. Juste au cas où... Et enfin, une dizaine d'hommes seraient aux aguets d'une certaine tentative pour me tuer ou que sais-je d'autre.

  Tout est prêt, mais pour je ne sais quelle raison, une boule s'est formée dans mon ventre.

***

  Samedi

  — Bon, tu dois juste le rejoindre et faire comme si nous n'étions pas là, d'accord ? Explique un de mes hommes, tout en marchant, alors que je ne l'écoute qu'à moitié, absente.

  — Alizya, tu nous écoute ? Tu dois absolument rester concentré. Intervint Gabriele. Bordel, ce plan est foireux, on ne devrait pas le...

  - Non ! On va poursuivre ce plan. J'étais seulement dans mes pensées.

  — Dans tes pensées ?! Tu te fous de moi, Alizya ? Putain, mais pourquoi il faut toujours que tu nous écoute qu'à moitié quand on parle de quelque chose d'important?!

  Ma tête est lourde. Je me sens lourde. J'ai l'impression de tomber à chaque pas que je fais. Ma respiration est pesante et saccadée. Je n'arrive plus à penser normalement, mon esprit tourne dans tous les sens. Les voix qui m'entourent sont lointaines, je ne les entends que partiellement.

  - Arrête... stop... je... je t'en supplie.

  - Respire... sens bien ?

  - Je... Je halète

  J'entends les gens autour de moi, mais je ne les vois pas. Ma vision est floue. Le monde bouge, j'ai la tête qui tourne. Je la revois. Elle est là, plantée devant moi, son torchon en mains, comme à son habitude. Elle me fixe. J'ai l'impression qu'elle va recommencer. Encore et encore. Comme elle l'a toujours fait. Putain, pourquoi ça doit arriver en pleine rue.

  — Alizya putain, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

  — Je... je n'en sais rien.

  - Tu vas mieux ?

  — Oui, ça va, ne vous inquiétez pas, nous pouvons reprendre la mission.

  — Tu en es sûre ?

  - Oui, on y va.

***

  Un homme, d'une vingtaine d'années, assis sur la terrasse, non loin de moi, m'attend. Il est assez grand et musclé. Des mèches brunes lui tombent sur le visage. Il lève la tête dans ma direction, sûrement car il se sent épié. Il a de merveilleux yeux bleus, je le remarque en m'approchant. Une seconde. Non, il a les yeux vairons. Un bleu, un vert. Putain, je n'avais jamais vu ça. Je m'y perds dedans.

  Réalisant que je suis arrivée à la table, mais, que je ne bouge plus, perdue dans mes pensées, encore une fois... , je me redresse afin de paraître sereine.

  - Bonjour.

  - Bonjour. Je me présente, j'ai 24 ans et je m'appelle Ayden... Carruso. Ayden Carruso, je suis...

Carruso. Bordel de merde, je connais ce nom. Putain, mais oui, c'est lui !

  — Le fils de Vito Carruso. Tu es le fils du chien qui a tué mon père ! Je le coupe.

  — Eh, eh, eh, parle autrement de ma famille. Et puis, à ce que je sache, je ne t'ai pas insulté.

  - Putain, j'ai en face de moi le fils de celui qui, il y a trois ans, m'a kidnappé et au passage tué mon père, le seul parent qui me restait, et tu me demandes de parler autrement ?! Non, mais je dois être en train de rêver là !

  - C'est pour ça que je suis là. Pour tout te dire, je n'ai pas non plus vraiment envie d'être ici, avec une conne comme toi, qui en plus de tout me parle mal, mais j'ai une histoire à te raconter.

  Une histoire à me raconter, c'est une blague ? Si, un jour, on m'avait dit que le fils du tueur de mon père me donnerait rendez-vous dans un café pour me raconter une histoire, je lui aurais rigolé à la gueule. Désolé, mais cette situation est complètement irréelle.

  — Il en est hors de question. Je le coupe en me levant, sans qu'il puisse dire autre chose. Non, mais tu as cru que j'avais cinq ans pour me raconter des histoires.

  — Attends, écoute-moi. Je ne t'aime pas réellement et visiblement toi non plus, mais cette histoire te concerne autant que moi et, à mon avis, tu regretteras de ne pas me laisser continuer. Alors rassied toi et écoute-moi.

  Je ne réponds rien, assez gêné qu'il ait autant de pouvoir pour me faire taire, je l'avoue.

  — Il s'avère que nos pères, en s'entre tuant, ont causé pas mal de dégâts, comme l'abandon des gangs. Mais ils nous ont aussi cachés que cette guerre qu'ils mènent depuis notre naissance n'est pas venue de nulle part. En fait... mon père aurait en quelque sorte... volé ta mère à ton père, et maintenant, bah, c'est ma belle-mère depuis que j'ai cinq ans.

  Il m'a vraiment fait venir pour une histoire à la con. Et puis, même si c'était vrai, je n'en ai rien à foutre. Enfin, je ne veux pas y croire.

  — Ok, c'est impossible, ma mère est morte quand j'avais trois ans. Et puis, je ne vois pas pourquoi ton père aurait fait ça.

  - Oh, quelle coïncidence tiens, ta mère est soi-disant morte à tes trois ans, il me dit en mimant des guillemets avec ses mains, et à mes cinq ans, donc la même année, j'ai une nouvelle belle-mère qui a exactement le même nom que la tienne. Et son nom de jeune fille correspond parfaitement à celui qu'elle avait lorsqu'elle était avec ton père. Tu sais, en trois ans, j'ai eu le temps d'apprendre beaucoup de chose que nos pères nous cachaient.

  Il ment, c'est sûr. C'est complètement impossible que mon père m'ait menti, en me privant de ma mère depuis toujours et en me faisant croire qu'elle est morte. Il ne ferait jamais ça.

  — Je... enfin, je ne te crois pas. Tu ne peux pas mentir à des gens comme ça ! C'est impossible, désolé, mais je ne vais pas pouvoir continuer ce rendez-vous avec toi. Bonne journée.

  — Je ne te retiens pas plus longtemps, mais si tu changes d'avis, mon numéro est sur la carte. J'espère recevoir un appel de ta part dans les prochains jours. Il me dit avant de quitter le café.

  Je me dépêche de rejoindre les autres. Je baisse la tête, encore honteuse de la crise d'angoisse que j'ai faite tout à l'heure. Ils ne me laissent pas le temps d'arriver, que les questions pleuvent déjà. Gabriele le premier.

  — Alors, ça s'est bien passé ?

  — Tu as tout entendu. J'écourte, évitant la conversation.

   Ils me regardent tous d'une manière assez attendrie, ce qui change de leurs airs fermés dont j'ai l'habitude. Puis je comprends.

  — Vous saviez.

Last nightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant