Cela fait cinq jours que l'on marche vers le nord, et, c'est vrai qu'il y fait plus froid.
Nous avons passé la limite des Terres Glacées hier soir et depuis, la température a chuté. Le paysage est différent mais cela ne me choque pas. Vu que les rochers étaient bleus, je ne m'attendais pas à de la glace bleue. Effectivement, la glace n'est pas bleue mais vert-translucide, comme si nous avions colorié du verre en turquoise.Il y a des lacs, mais ce ne sont pas des lacs d'eau, ce sont des lacs de gaz gelé. Comme l'avait dit Koba, il n'y a pas de chemin fixe, mais, grâce à ses conseils, nous arrivons quand même à nous repérer.
Après encore deux jours de marche, nous voyons pour la première fois de la fumée, et, ne sachant pas où aller, nous la suivons.
« Kyo, le village ne doit plus être loin, mais si nous perdons de vue la fumée, nous serons bel et bien perdus. Alors il faut se dépêcher ! » lui annonce-ai-je.
« hum » répond t'il.
Je prends cette réponse pour un oui et accélère.
Après trois montagnes de contournées, nous arrivons enfin au village. Il est très différent de celui des Kîtos.
Le seul point commun, et je suis d'ailleurs surprise d'en trouver un, c'est l'Arche aux Pierres. Leur arche est identique à celle du village de Koba. Pour le reste, c'est la façon de fabriquer et les matériaux qui changent.
Les maisons sont construites au bord d'un lac et sont presque toutes pareilles. Elles sont construites de glace, telles des igloos et leur toits sont de terre.
Les portes sont en bois (en tous cas cela ressemble à du bois) et leurs fenêtres sont vitrées. La plus grande maison (probablement celle du chef) est comme les autres mais son toit est gris et il est fait d'argile.
Le village est très joli, enfin moins que celui des Kîtos mais bon... Il a beau être très joli, le village est désert.
Il n'y a aucun Saturnien, aucun Hippomite. Pourtant, c'est bien d'ici que la fumée venait. Intriguée, je passe l'Arche aux Pierres et entre dans le village suivie par Kyo. Nous l'explorons mais aucun de nous ne voit d'Hippomite. Je dis à Kyo :
-« C'est bizarre, où sont tous les habitants du village ? La fumée vient pourtant d'ici... AH ! »
Un enfant saturnien vient de passer en courant et par surprise j'ai crié.
Cet enfant est bientôt suivi de beaucoup de monde, sortant tous de la maison du chef. Les Hippomites sont plus grands que les Kîtos, les enfants mesurant 70 centimètres et les adultes 1,30 mètre.
Leur corps est en forme de loutre et ils ont des bras semblables à des algues. Ils ont des yeux de cartoons, ressemblant à des flèches, et leurs cheveux sont vert-clair, avec des perles d'eau fixées dedans pour les filles et, pour les garçons, ce sont des flocons de neige. Aucun des Saturniens ne fait attention à nous, tous passent devant l'endroit où nous sommes, mais aucun d'eux ne semble nous avoir remarquer, ou bien ils nous ignorent royalement.
A la fin de ce drôle de défilé, nous entrons à notre tour dans la maison du chef.
« -Ah, je t'attendais, heu... Comment tu t'appelles, déjà ? » dit le chef alors que j'avais à peine franchi le seuil.
Je me retiens de rire. Sa façon de parler n'est pas commune.
« -Je m'appelle Haruki, et voici mon petit frère, Kyo, je viens ici car... commencé-je...
-Oui, oui, je sais, tu viens pour ta première épreuve, la voici : tu dois écrire un livre » me coupe-t-il.
-Un livre ? Quel genre de livre ? » demande-ai-je, étonnée.
-Un livre qui reprend tous les mots qui existent dans notre langue et qui les traduit dans la tienne » m'annonce-t'il.
« Un dictionnaire » le corrige-ai-je.
« Pardon ? »
« Un dictionnaire. Sur ma planète, on appelle ça un dictionnaire. » Lui apprends-je.
« Un diconaire... Fabuleux, fabuleux. »
« Heu... Oui, oui c'est ça » bredouille-ai-je en essayant de ne pas rire.
« Eh bien, vas y, vas écrire ce diconaire. Tu n'as pas le droit de demander de l'aide à mes enfants, évidemment. »
J'hoche la tête. Ses enfants. Il doit parler des Hippomites.
« Ah oui, et tiens ! » crie Boclo. Il me sort de mes pensées.
« Pardon ? » dis-je en me retournant.
« Tiens. Tu n'as sans doute plus ou presque plus de potion anti-gaz. Nous, nous en avons plein. Viens me voir si tu en veux », me dit il en me tendant une fiole remplie d'un liquide verdâtre.
La potion ! C'est vrai, je l'avais complètement oubliée celle-là !
Il faut dire que j'en prends tous les matins. C'est cette potion au goût d'ananas qui me permet (si j'en bois tous les matins évidemment) de pouvoir respirer normalement, enfin, je dois quand même garder mon masque mais je n'ai plus besoin de bonbonne de dioxygène.
J'aquiesce, prends la fiole et pars.
Cela fait maintenant deux ans que je suis sur ce fichu dictionnaire. Sans aide, j'ai bien du mal à trouver les mots manquants.
Au début, tu te dis : « Ça va, c'est facile, cela ne va pas prendre trop de temps... » Mais en fait, chercher les mots, les traduire, et écrire leur définition, prend beaucoup de temps.
J'ai pourtant essayé de faire assez vite, histoire de ne pas trop faire attendre Kyo, qui, au passage, a maintenant l'apparence d'un garçon de treize ans.
Mais bon, le point positif, c'est qu'il s'est enfin trouvé une occupation. Il s'est mis à dessiner. Et franchement (pour moi en tout cas, qui ne sais absolument pas dessiner) ses dessins ressemblent vraiment à des photos.
Phffff...
Quand je pense que cela fait déjà trois ans que nous sommes sur Saturne... Aucune nouvelle de la Terre. Grand-mère va bien ? Non, non, sans doute pas. Nous étions sa seule famille et maintenant elle est toute seule... Enfin bon, on ne peut pas changer le passé, alors restons optimistes pour changer le futur et sauver Kyo !
Sur ces pensées, je me lève pour aller voir le chef et lui dire que mon dictionnaire est enfin fini.
« Oh Ohhhh ! Mais que vois-je, tu as enfin fini ton diconaire ! » me dit-il, alors que j'étais à peine entrée.
« Oui, tenez, j'ai fini ma première épreuve » répondé-je en lui tendant mon livre.
Il le lis, et, une demie heure plus tard, annonçe :
« C'est parfait. Grâce à ce diconaire, je vais pouvoir apprendre ta langue, le chaponé. Tiens, voici la preuve à ramener à Koba pour lui prouver ta réussite à ta première épreuve » dit-il en me donnant l'une des algues qui avaient sur la tête en guise de cheveux.
« Merci. »
« Pour ta deuxième épreuve, vas voir Necula, la chef de la tribu du temps, les Niwas. Leur village est à une semaine de marche en direction du plein ouest » m'apprend-il.
« D'accord. »
« Et au fait, tiens. C'est ta récompense pour avoir passé l'épreuve. »
Il me donne une carte. Dessus, je reconnais le village des Kîtos, l'endroit où j'ai posé le vaisseau, et le village des Hippomites. Dessus, je remarque aussi qu'il y avait des endroits jaunes, violets et rouges. Le reste est blanc.
« Merci. »
« Les parties blanches, on n'y a jamais été, il fait trop froid là-bas. »
J'hoche la tête est sort de la maison.
Durant ces deux ans, je ne suis pas trop sortie. Je suis restée dans ma chambre à écrire, donc les au-revoir sont moins durs que dans le village des Kîtos. Je passe d'abord chercher Kyo puis nous partons en direction du plein ouest. Je ne m'inquiète pas trop. Vu la difficulté de la première épreuve, je m'attends à quelque chose de simple. Long, mais simple.
En tous cas, je ne m'attendais absolument pas à ça.
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L'Hoky
Science Fiction30 septembre 1150, Kyō Moko, un jeune garçon, se fait mordre par une mystérieuse créature. Depuis, il rétréci de jour en jour. Sa sœur compte bien le sauver, mais pour cela, il faut aller sur Saturne. Mais y a t-il vraiment de la vie là-bas ?