Chapitre 19 - Aglaé

339 30 92
                                    


Il nous a commandé des sushis et nous sommes installés face à face sur la table de la salle à manger.

 Il est maintenant treize heures, et la pluie n'a pas cessé, la tempête est tout aussi dense que tout à l'heure.

Cela fait une éternité que je n'ai pas mangé de sushis, que je n'ai pas mangé tout court..

J'apporte doucement un California Rolls au saumon à ma bouche. 

Sans que je le veuille, ma main tremble.

– Ça va ?

Il me regarde depuis déjà quelques secondes, je sais qu'il a vu ma main s'agiter seule.

J'hoche la tête en guise de réponse positive, ma peur ne doit pas paraître.

– Tu.. tu as peur?

– Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

– Je ne sais pas, peut-être le fait que tu trembles et que tu n'as toujours pas mangé le sushi qui se trouve entre les baguettes que tu tiens dans ta main ?

Il a raison. 

J'ai peur.

– Tu as raison.. Lui dis-je en soufflant et en posant sur la table ce que j'avais dans les mains.

– Ok, est-ce que tu veux bien m'expliquer de quoi tu as peur ?

– Si je t'en parle, tu promets de ne pas me juger, ni de te moquer de moi?

– Je te le promets Aprile.

Je le crois, je sais qu'il ne rompt pas ses promesses, il me l'a déjà prouvé.

Je prends donc une grande inspiration.

 Mettre des mots sur mes maux, c'est pour moi sauter dans le vide. Je ne sais pas à quoi m'attendre, mais pour une fois, je prends le risque.

– En fait, j'ai peur de manger, j'ai peur de grossir..

Il m'observe et ne me coupe pas la parole, il veut m'écouter sans m'interrompre.

– Je me dis que.. en maigrissant beaucoup, peut être que mon corps m'appartiendra enfin? Je veux sentir que j'ai le pouvoir sur lui, d'en faire ce que MOI je veux. Si je maigris énormément, je prendrai moins de place, donc on me verra moins, j'ai de cette façon moins de risque de subir une nouvelle agression. Je sais que ma façon de penser est totalement absurde, mais je ne sais pas.. Dans ma tête tout se chamboule.  Je ne veux juste plus jamais revivre ça. Je ne veux plus sentir des mains non désirées sur ma peau, tu comprends..?

Contre toute attente, il ne se moque pas de moi. 

J'étais persuadée qu'il allait me dire que j'étais folle et parano, mais non.

– Je vois ce que tu veux dire, mais tu sais au fond de toi, que ce n'est pas la bonne solution, ou tu n'en es pas encore là? Me dit-il.

– Non je le sais. Je sais que je me fais plus de mal qu'autre chose en faisant ça, je suis complètement consciente de mes actes, mais j'ai justement l'impression de rechercher ça, je cherche à me blesser, comme pour me punir..

ParagrapheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant