Chapitre 4

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Il est 2 heures du matin quand je rentre à la villa Forster, pas très assurée sur mes jambes. Ça m'a fait un bien fou de passer la soirée à me payer la tête de Clin d'œil en compagnie de mes meilleurs amis. Pour être franche, je n'ai réussi à oublier notre prochaine séparation qu'après quatre bières, suivies de deux whiskies avalés cul sec. L'impression d'enterrer ma vie de jeune fille est tout de suite devenue plus drôle.

Surtout quand Wendy a désigné son copain dans le rôle du lot de consolation déguisé en chippendale. La tête du rouquin ! Les gloussements de dinde de Wendy, pendant que Leroy levait les yeux au ciel sans oser la ramener étaient à hurler de rire. On s'est vengé sur lui toute la soirée. Wendy a compilé toutes les vacheries qui ont marché sur ses crushes depuis le preschool et me les a offertes pour les tester sur le cow-boy des grandes plaines. J'ai commencé mon entraînement sur Leroy qui m'a servi de punching-ball. Il a passé la plus sale soirée de sa vie. Je trouverai bien un moyen de me faire pardonner à mon retour.

Pour l'instant, je suis prête à monter sur le ring !

Je stabilise mon corps chancelant devant la porte de ma chambre. Un chemise cartonnée est posée sur le parquet, un post-it collé dessus. Je ramasse le tout après avoir assuré mon équilibre en m'appuyant contre le mur.

Hailey, ma chérie. Je sais que tu es fâchée, il te faudra un peu de temps pour comprendre le but de ma décision. Avant tout, tu dois lire attentivement le nouveau contrat. Il a été rectifié sur certains points, et la clause que tu voulais inclure y est notifiée.

Paraphe chaque page et signe l'ensemble du document. Je t'imprimerai une copie demain avant ton départ. Une voiture de Falling Rocks viendra te chercher à 14 heures. Tu ne partiras pas sans me dire au revoir, n'est-ce pas ?

Je t'aime.

Papa.

Un gros paquet de larmes s'accumule derrière mes paupières en lisant les derniers mots. Je me ressaisis, le cœur soudain nauséeux. Ce n'est pas le moment de se laisser influencer par de faux bons sentiments. La culpabilité de mon père lui appartient, qu'il s'en débrouille ! Je n'ai pas à supporter une part de sa responsabilité pour alléger son implication dans ce marché de dupe. Il en est à l'origine, c'est lui qui l'a accepté. Peut-être même initié. Qui sait ce que les deux hommes ont convenu avant notre rencontre.

J'entre dans ma chambre, jette le dossier sur un coin libre de mon bureau, et part à la recherche d'un stylo. Je repère la tête de girafe montée sur ressort au milieu de mes cahiers de dessins. Un bref examen de chaque page m'apprend ce que je veux savoir : ma clause est bien là, inscrite noir sur blanc au deuxième paragraphe de la troisième et dernière page. Pourquoi lui ai-je proposé deux semaines sans m'assurer qu'une journée aurait suffi ?

Ce que rapporte les deux pages précédentes m'intéresse moyennement. Surtout à cette heure de la nuit, et dans l'épais brouillard où flottent mes neurones. Je paraphe, signe et referme le dossier. Affaire conclue.

Je titube hors de ma chambre et prends la direction du domaine privé de mon père, soutenu par l'appui des cloisons tout le long du trajet. Non, je n'ai pas l'intention de croiser qui que ce soit avant mon départ. M'adonner à cette mascarade pour sauver ma sœur et satisfaire mon père est déjà cher payé. Il veut son contrat signé de ma main ? Il l'aura dès ce soir. Enfin, ce matin.

Le bureau est toujours fermé en l'absent de mon père. Combien de fois ai-je tenté d'y entrer par le passé ? Ce lieu interdit aiguise ma curiosité depuis ma plus tendre enfance. Noyée dans les brumes de l'alcool, je bascule la poignée, alors que mon intention première était de flanquer le dossier au sol avant de tourner les talons. Le battant cède aussitôt et je manque m'affaler de tout mon long sur le parquet.

AU-DELÀ DE TES OMBRES [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant