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Les réverbères défilaient sous mes yeux. La tête contre la vitre embuée de la voiture, j'essayai tant bien que mal de vider ma tête de toute pensée en me laissant bercer par Gangsta de Kelhani. Mon frère conduisait en silence et ma meilleure amie, assise à l'arrière, ne cessait de me lancer des regards soucieux. Je le voyais dans le miroir du pare-soleil.

Je n'avais pas prononcé un mot depuis que j'avais pris ma décision. J'appréhendais tellement que mes mains tremblaient sans que je puisse les arrêtées. Je me contentai de les cacher sous mes cuisses. J'essayai tout de même de garder un comportement calme malgré le stresse qui bouillonnait en moi comme de l'eau sur le feu.

Je fermai les yeux, essayant de chasser l'anxiété qui me bouffait, avant que la voiture ralentisse, signe que nous étions arrivés. Je rouvris mes paupières et mon regard se posa sur le bâtiment où j'avais l'habitude de me rendre tous les vendredis avant mon accident.

- Tu es toujours sûre de vouloir y aller ? Demanda Sam en éteignant la voiture.

Je hochai la tête et sortis la première. J'avais beau être terrifiée, mon choix ne changeait pas. J'avais besoin d'affronter cette peur qui me bouffait de l'intérieur. Mon frère et Miyu firent de même. Cette dernière me prit la main avant d'avancer vers le complexe sportif. J'enlaçai mes doigts avec les siens et la suivis.

Nous entrâmes et nous dirigeâmes vers le mur d'escalade caché par un énorme rideau noir. Je soufflai un grand coup avant de dépasser la barrière de tissu qui me séparait de mes traumas. Je fus incapable de relever la tête. Je préférais laisser mes yeux river sur le sol, angoissé à l'idée de revivre en boucle cette vision qui me hantait. Cette vision de moi qui chutais.

Les pieds de ma meilleure amie apparurent dans mon champ de vision et avec toute la délicatesse du monde, me rapprocha du mur et posa ma main sur une des prises. Par réflex, je la retirai et reculai d'un pas.

- Fais-moi confiance. Murmura Miyu en réitérant son geste.

Après un moment d'hésitation, j'acquiesçai et me laissai guider. Au contact de la prise rugueuse, les souvenirs refirent surface dans mon esprit. Des souvenirs aussi joyeux que douloureux. Ceux que j'avais enfermés dans une boite pour ne pas souffrir. C'était comme si le mur que j'avais érigé autour, solide et fort, venait de se briser comme du cristal, fragile et faible. Ils ravivèrent cette envie de grimper, d'attraper les prises une par une et de monter encore et toujours plus haut. Malheureusement, ils ravivaient aussi cette peur incontrôlable qui me clouait au sol et me ramenait trois mois en arrière.

La corde qui s'effilochait.

Le bruit sec du dernier filament qui a lâché.

Le plafond qui s'éloignait.

Le sol qui se rapprochait.

Mon cœur qui tambourinait à mes oreilles.

Et pour finir la douleur.

Une douleur pas simplement physique, non... Celle qui m'avait donné l'impression de m'éteindre sans avoir pu dire au revoir à mes proches, de partir sans leur avoir souris une dernière fois, sans les avoir pris dans mes bras. Et ce soir-là, avant de partir pour l'escalade, je m'étais disputer avec mes parents pour une broutille, une chose sans importance.

Voilà ma dernière pensée avant de m'évanouir.

Une larme solitaire perla sur ma joue et je m'autorisai enfin à lever les yeux. Avoir laisser mes peurs déferlées m'avait vidé et mon corps paraissait moins lourd à porter. La faible luminosité de la salle m'empêchait de voir le mur dans sa totalité, mais ça me suffisait. Je ne voulais pas précipiter les choses, pas après cette petite victoire personnelle. Je savais que si je forçais trop, je pouvais revenir en arrière et je n'avais plus la force d'affronter mes traumas. Plus pour cette soirée.

Miyu s'écarta doucement et alla s'assoir à côté de mon frère sur les estrades, me laissant seule pour assimiler tout ça. Finalement j'était contente cet accident me soit arrivé à moi. Si la corde avait craqué quelques minutes plus tôt, c'est Miyu qui en aurait payer les conséquences et la chute lui aurait coûté sa carrière.

Du revers de la main, j'essuyai mes larmes et rejoignait ma meilleure amie aux côtés de mon frère. Ce dernier passa sa main autour de mes épaules et déposa un bisou sur ma tempe. J'esquissai un léger sourire. J'étais contente qu'ils soient là tous les deux. Pendant de longues minutes, nous observâmes le mur, comme si nous étions au cinéma.

***

Il nous restait deux heures avant le couvre-feu imposé par mon père quand nous avions quitter le complexe sportif. Sam avait donc eu la bonne idée de s'arrêter au drive d'un fastfood et de nous installer près d'un lac en bordure de la ville, là ou nous avions souvent l'habitude d'aller avant que Sam ne décide de déménager en Norvège. Nous étions donc tous en train de déguster de délicieux hamburgers, ma meilleure amie et moi dans le coffre ouvert de la voiture et mon frère assis par terre, adossé contre le véhicule, en écoutant de la musique.

C'était une de nombreuses traditions pourries mais qui nous convenait parfaitement. Mon regard se perdait dans la pleine lune qui se reflétait sur le lac. Mes pensées se dissipèrent quand l'astre se brouilla. Sam venait de jeter un caillou dans l'eau, créant une dizaine de petits cercles autour de l'endroit où la pierre avait coulé.

Ici, la nuit était calme. Aucun de nous ne parlait. Le silence suffisait, nous accompagnant dans nos divagations et veillant sur nous avec bienveillance. De même pour les étoiles et l'obscurité. Mon téléphone vibra, contrastant avec le calme ambiant. Je le sortais de la poche de mon sweat avant de le déverrouiller.

_ Coucou ! Ça te dit qu'on se voit samedi soir ? Winter <3_

Je souris face à ce message, ce qui attira l'attention de mes deux camarades. Je répondais avant que l'un deux ne me posent de question et me forçait à garder une expression neutre en tapant sur les touches de l'écran tactile.

_ Salut ! Oui ça serait avec plaisir ! :)_

Winter m'envoya l'heure à laquelle elle viendrait me chercher pour passer la soirée avec elle et sa bande dans un hangar aménager.

- Qui peut bien te faire sourire comme ça ? Demanda Miyu en penchant la tête sur le côté et en me lançant un regard qui voulait dire « Qui est cette personne que je trouve son nom, son prénom et son adresse histoire que je lui casse la gueule si elle te fait du mal. ».

- Une connaissance, c'est tout. Répondis-je d'un ton que j'espérais détacher.

- Moi je sais qui c'est ! Se venta Sam en croquant dans son hamburger.

Ma meilleure amie arqua un de ces sourcils en formant un O avec sa bouche.

- Et tu ne m'en à même pas parler ! S'offusqua-t-elle.

Je soupirai d'exaspération.

- Si je t'en ai déjà parler. Elle s'appelle Winter. Dis-je.

- Elle ? Oh, je pensais qu'on parlait d'un garçon, moi !

Je secouai la tête et continuai de manger en espérant que cette conversation se terminerait très vite. Et puis de toute façon, si on parlait d'un garçon, elle aurait été au courant depuis le début.

- Ah ! Mais c'est pas elle qui t'a emmené à la soirée d'hier ? Interrogea ma meilleure amie.

- Si c'est elle. Répondis-je tandis que Sam hochait la tête.

- Elle n'a même pas voulu me la présenter ! Aïe ! S'exclama-t-il après une légère tape derrière la tête de ma part.

Miyu pouffa avant de siroter son soda. Le repas finitnous rentrâmes pile à l'heure du couvre-feu. Ma meilleure amie dormit à la maison.Même si « dormir » n'était pas l'exact définition du reste de lanuit.

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