Partager sa vie avec un souvenir et des regrets

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Lorsque ce lundi matin la chouette lui apporta la Gazette littéraire des plumes à poètes, Drago était fébrile. Il ne l'ouvrit pas tout de suite, et préféra boire son café avant. Mais, impatient, il changea d'avis et finit par ouvrir cette foutue Gazette à la recherche de la signature de Sir Cassio, son café à moitié entamé dans une main.
Et là, il le vit, il y avait un poème cette semaine ! C'était... brut, plus direct, moins poétique, maladroit, comme quelque chose auquel l'auteur n'avait jamais voulu penser mais que ça devait sortir maintenant ou jamais, et peu importait sous quelle forme.

Blessé pour toujours

C'est un petit être qui était aimé,
Un enfant à qui on a tout ôté
Vous m'avez balancé dans un placard,
Affamé, battu, insulté. Bâtard

Vous deviez m'aimer, vous me haïssiez
Je voulais vous aimer et j'ai morflé
De votre famille j'étais la tare
De ma famille vous êtes les salopards

Que devient-on quand la haine raye l'amour ?
Comment savoir si on aime ou l'on haït ?
Confus, perdu, comme une vie à rebours
Est-ce que je te haïssais ou t'aimais ?

Enfermé, caché du monde extérieur,
J'étais votre secret objet de terreur
Protection du sang, quelle grosse connerie
En pleine mer tu voulais effacer ma vie.

Mes anniversaires seul dans la douleur,
J'étais le problème, une sale erreur.
Comme j'ai libéré le reptile soumis,
Je ne vis plus dans votre monde assombri

Que suis-je devenu ? blessé pour toujours
Confusion des sentiments je te haïs
Clair, reconnu, comme une vie à rebours.
Offense de n'avoir su que je t'aimais

Le dernier vers tournait dans la tête de Drago. Il... C'était forcément en réponse à cette interview stupide qui demandait à Potter des détails sur sa famille non ? Il avait gardé le silence et cela s'était transformé en... ça.

Alors c'était là l'enfance de Harry Potter ? Affamé ? Battu ? Haït ? Si Drago avait su ça... Peut-être n'aurait-il pas passé son temps à le railler parce qu'il était orphelin. Ou peut-être bien que si, peut-être même qu'il aurait dit pire... Il s'était toujours imaginé que Potter avait vécu une petite vie tranquille, pleine d'amour et de niaiseries. Comment pouvait-il en être autrement ? Ce sale gosse semblait rayonner tout le temps, en dehors des problèmes avec Voldemort s'entend. Et tout ce temps... Il faisait semblant d'être... Par Salazar, Drago avait été un vrai connard lui aussi.


Offense de n'avoir su que je t'aimais.


Drago laissa aller sa tête contre le dossier de sa chaise. Il se sentait comme une merde. Il avait l'impression d'avoir franchi une barrière avec Potter qu'il n'aurait pas dû. Entre la connaissance de son nom de plume secret, et ses poèmes qui dévoilaient tellement de lui, alors que dans cette interview il tentait d'en dire le minimum ! Plus la note de Pansy qu'il n'aurait pas dû lire, une digression que Potter avait regrettée, refusé de partager et que lui, Drago Malefoy parmi tous, avait quand même pu voir. Il était entré dans sa tête, dans son intimité sans son consentement. Comme cette personne dont Harry parlait, celle qui occupe ses pensées jour et nuit. Partager sa vie avec un souvenir et des regrets est ce que ça compte ?

Et ce poème c'était une diatribe contre ses proches moldus qui l'ont détruit mais qui plus que tout, ont détruit son rapport à l'amour inconditionnel, amour qu'il ne pouvait plus percevoir qu'à travers la haine. Ou bien était-ce cette haine sa seule boussole vers l'amour ?

Te VénérerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant