Chapitre 6 : Voyage en Enfer

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 Le lendemain après-midi, je me préparais soigneusement pour ma rencontre avec Sir Nightshade. J'avais gagné la confiance de Cunningham, qui me laissait participer à cette folle expérience sur le cerveau de Holmes. Je peinais à garder mon calme tandis que l'heure tournait. Je marchais, faisant les cent pas dans l'appartement tant et si bien que Mrs. Hudson vint me trouver.

« Dr. Watson, j'ai cru que Mr. Holmes était revenu parmi nous tant vous marcher au-dessus de ma tête.

— Veuillez m'excuser Mrs. Hudson, vous ne pouvez imaginer mon stress.

— Allons, allons... Je connais bien votre inquiétude pour lui, en tout temps.

— Comment cela ?

— Voyons, je ne suis pas aveugle Dr. Watson, Monsieur Holmes attrape un rhume ? Vous lui donnez immédiatement vos recommandations, il se coupe ? Il se bat dans la rue avec quelconques malfrats pour une enquête ? Vous le soignez et le bandez avec soin. Il se plonge dans les méandres de son esprit avec une quelconque solution à base de cocaïne, vous restez près de lui jusqu'à ce qu'il retrouve son état normal. Et je sais, pour vous avoir vu faire discrètement, que vous désinfectez sa seringue bien que vous soyez contre son utilisation. Votre inquiétude pour lui ne date pas de cette affaire, Dr. Watson, vous vous êtes toujours enquis de son état de santé, tant physique que mental, bien au-delà d'un simple médecin de quartier, bien au-delà d'un simple ami. »

Les mots de Mrs. Hudson, éclatantes de vérité indéniable, imprégnaient chaque fibre de mon être. Je me tenais là, face à elle, la surprise et une certaine gêne peinte sur mon visage. Il est vrai, j'avais toujours veillé sur Holmes avec une vigilance qui dépassait peut-être les bornes de l'amitié ordinaire ou des obligations professionnelles d'un médecin.

« Mrs. Hudson, commençais-je, ma voix légèrement ébranlée par l'émotion, je... je vous remercie pour votre franchise. »

J'avais l'impression que toute tentative de dissimulation ou de justification serait non seulement vaine mais inappropriée. Elle avait vu juste, avec une clarté que je m'étais souvent refusé. Je pris une profonde inspiration, sentant le poids de ses observations s'imposer à moi.

« Vous avez raison, bien sûr. Ma préoccupation pour Holmes n'est pas nouvelle. Il est plus qu'un simple colocataire ou un compagnon d'aventures pour moi. C'est une relation qui s'est imposé à moi, naissant d'une première nécessité et qui s'est vue grandir au fil des années. »

Je me rendis compte alors que ma voix tremblait légèrement. Ce n'était pas seulement la fatigue des dernières épreuves que nous avions traversées, c'était aussi l'aveu à haute voix de sentiments longtemps tenus à distance, voire ignorés.

« Je crains souvent pour lui, plus qu'il ne le saura jamais, continuais-je, mes mots s'écoulant plus librement maintenant, comme si une vanne avait été ouverte. Et peut-être est-ce par égoïsme, Mrs. Hudson, car je ne sais ce que je deviendrai sans lui, pour l'avoir expérimenté pendant trois ans... »

Elle m'offrit un sourire doux, empreint de compréhension et de compassion.

« J'ai bien remarqué votre état déplorable lorsqu'il a disparu. Il a de la chance de vous avoir, Dr. Watson. Et je pense qu'il le sait très bien, même s'il ne le dit pas souvent. »

C'est le coeur plus léger, que je me saisis de mon arme, la plaçant au creux de mon dos. Je laissais le rapport médical de Holmes dans son dossier sur Moriarty. Je feindrais l'avoir oublié en venant pour son traitement test s'il m'était demandé. Je jetais un oeil derrière moi, humant le doux parfum de notre foyer. Au moment de fermer la porte, dans le porte-parapluie je remarquai ma canne. J'esquissais un sourire et la saisie. Elle me donnerait un point d'ancrage.

L'Ombre de la VéritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant