Chapitre 4 : Plus que mes yeux

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Kara fatiguait. Elle hésita à expédier sa consultation mais se ravisa. Son professionnalisme était sa plus grande fierté.

Les quarante minutes se passèrent dans la fatigue la plus totale et, quand le patient repartit, elle lâcha un soupir de soulagement.

Elle posa ses coudes sur la table et se prit la tête dans les mains.

Tes émotions ne doivent pas entacher ton professionnalisme.

Respire.

Expire.

Inspire.

Expire.

Un rapide coup d'œil à l'horloge lui rappela que le pilote devait être arrivé. Elle prit une profonde respiration avant d'ouvrir la porte.

— Salut, Kara ! J'ai passé une super semaine et toi ?

Son regard se posa sur elle et il se pinça les lèvres. Quelque chose n'allait pas. Ses cernes ne pouvaient même plus se cacher derrière du maquillage et son teint blême l'inquiétait.

— Tout va bien ?

Il n'y avait pas besoin de plus pour Kara qui éclata en sanglots.

Réagis, George, bouge.

Le pilote paniquait.

Il finit par s'approcher, décalant une mèche blonde de son visage, avant de l'enlacer. Ses bras passèrent derrière sa nuque pour la serrer contre son torse où les larmes tombèrent.

Elle cacha son visage contre son épaule, se sentant honteuse de craquer ainsi.

De lâcher prise.

Mais ce n'est pas une honte de lâcher prise.

Tous l'oublient si vite.

— Je suis désolée, articula-t-elle d'une voix entrecoupée de sanglots. C'est juste que...

Un nouveau sanglot l'empêcha de finir sa phrase qu'elle dut répéter.

— C'est juste que c'est l'anniversaire de mon neveu. Ça aurait dû être l'anniversaire de mon neveu.

II la serra un peu plus fort contre lui, sentant les pleurs commencer à se tarir.

— Ça va aller, chuchota-t-il.

— Il avait deux ans, putain. Deux putain d'années. Je me demande tous les jours pourquoi le Ciel nous l'a enlevés. Mais pourquoi, putain de merde...

Le cœur de George se serra.

— Parfois la vie est injuste. Tu es bien placée pour le savoir.

— Pourquoi ? demanda-t-elle d'une toute petite voix. Il y avait une « chance » sur des millions, puis une possibilité sur quatre.

— C'était génétique ?

Elle acquiesça faiblement.

— Je maudis la génétique. Je n'ai plus que mes yeux pour pleurer. Et encore, je n'ai même plus de larmes.

Les soubresauts qui la secouaient semblaient la contredire surtout quand elle se mit à tousser violemment.

— Kara... Ça va aller, assura-t-il doucement.

Il l'aida à s'asseoir sur la chaise à bascule de son balcon pour lui permettre de prendre l'air.

— Inspire, expire, conseilla-t-il.

Elle lui saisit le poignet qu'elle serra légèrement, sans même s'en rendre compte. Son teint blême devint livide.

Inspire.

Cabinet - George RussellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant