V. prémices chaotiques.

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Soutenant le poids de mon corps de mes mains, peinant à tenir mon souffle, j'essayais de garder substance. Le collier n'avait pas pour simple vocation de faire office d'écharpe de garrot. Il avait d'autres propriétés que j'expérimentais pleinement, pour mon grand bonheur, à cet instant. J'étais clairement à bout de force, mon corps entier me donnait l'impression d'être aussi lourd que de la pierre. Ma vision n'était plus vraiment claire non plus, comme si je voyais au travers d'une vitre embuée. Chaque battement de mon cœur résonnait dans mes oreilles, un tambour lointain qui semblait se désynchroniser à mesure que je luttais pour rester consciente. La fraîcheur du sol sous mes paumes était la seule sensation qui me raccrochait à la réalité. Enfin, jusqu'à ce qu'un râlement assourdissant ne résonne depuis l'autre bout du couloir.

Une aura de mort s'engouffra dans les lieux. Le sol tremblait à mesure que la chose se déplaçait. Malgré ma vue trouble, la silhouette grisâtre que je distinguais devait faire dans les deux mètres, si ce n'était plus, et l'odeur putride qu'elle dégageait ne laissait planer aucun doute.

Oh non, mais dites-moi que je rêve là ?! Il nous en a ramené ici.

Ma mâchoire se serra tandis que je jurais intérieurement.

La chose qui se trouvait à l'étage avec moi n'était autre qu'un autre des nombreux locataires que comptait l'ATRAM. L'un de ceux dont ce lieu avait eu raison. Un Fané, un ancien condamné qui avait dégénéré au point de n'être plus qu'un être dépourvu de toute conscience supérieure, poussé par ses instincts primaires « exterminer » et « se nourrir ».

J'étais incapable de bouger, c'était déjà à peine si je parvenais à me tenir à genoux sur mes paumes. La situation pouvait difficilement être pire. Mon cœur battait la chamade, son rythme s'accélérait à mesure que la créature se rapprochait. Sa présence était écrasante. Son aura dégageait une menace imminente qui semblait étouffer l'air lui-même.

Puis, un frisson d'horreur parcourut mon échine. Je réalisais avec une clarté terrifiante que la chose était désormais à ma hauteur. Sa stature imposante se dressait devant moi. Sa silhouette grisâtre remplissait mon champ de vision, me submergeant de sa présence. Alors qu'il s'abaissa, humant l'air qui nous séparait, mon corps entier tressaillit. Grimaçante, je ferma mes yeux à contrecœur, résignée à encaisser ce qui allait suivre.

Rien.

J'attendais le coup, mais rien ne se passa. Hésitante, je rouvris un œil et vis une deuxième silhouette qui avait l'air de tenir le Fané avec son bras.

- Bah les pattes. Prononça mon frère.

Merci seigneur.

Sa main resserra sa prise, scellant le sort de notre invité.

Si Shiki s'était taillé une réputation parmi ses pairs, c'était en grande partie grâce ou à cause de sa faculté. La dangerosité de ses capacités l'avait hissé directement au sommet de la chaîne alimentaire, juste à côté de la Triade. Et pour cause, chaque malheureux qui se retrouvait en contact direct avec ses mains se retrouvait inexorablement drogué, sans aucun moyen pour en réchapper. Chacun de ses cinq sens se voyait alors exacerbé à l'extrême, amplifiant chaque stimulus, chaque douleur jusqu'à en faire un supplice insoutenable, une agonie dévorante qui déchirait l'âme. Mais ça n'était pas tout, car son emprise ne se contentait pas de tourmenter le corps, mais également l'esprit, distordant la perception du temps, étirant chaque seconde en une éternité de souffrance. Ainsi, ses victimes étaient condamnées à l'enfer même.

- Ne t'en fais pas, tes autres congénères ne tarderont pas à venir te rejoindre.

La voix de Shiki était dénuée d'empathie. Elle annonçait clairement la couleur de ce qui allait suivre. Dans un son à glacer le sang, il lui fractura la cage thoracique avant d'en sortir son cœur de sa main. Comme si ce n'était rien de plus qu'un vulgaire morceau de papier, il le laissa tomber au sol.

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