Chapitre 1

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Londres, 1860.

La flamme du lampadaire à gaz vacilla, projetant sur les murs en briques grisés une lumière faible et glauque. L'impasse étroite était mal illuminée, mais le faible éclairage se reflétait sur l'épaisse couche de neige sale sur le sol. Haute dans le ciel, la lune n'aidait pas à éclairer ce coin de rue. Il n'y avait pas âme qui vive, à part un chat errant qui fouillait les poubelles à la recherche de nourriture.

Tout était calme. Personne n'aurait pu imaginer qu'une scène déchirante aurait lieu dans cette impasse.

Le froissement d'un tissu. Le craquement de la neige. Une petite silhouette courbée apparut dans l'entrée de l'impasse. C'était une femme. Ses habits étaient déchirés, et elle marchait pied nus vers le mur au fond de l'impasse. Ses grelottements était amplifiés par la fumée blanche qui sortait de sa bouche quand elle respirait. Ses bras étaient fermement agrippés à un tas de chiffons.

Elle s'arrêta devant un conteneur en métal. Ses épaules se mirent à trembler ; elle pleurait. Lentement, tendrement, elle déposa ce qu'elle portait sur le couvercle métallique du conteneur. Puis, la femme laissa une feuille de papier qu'elle coinça sous la pile de tissu. Enfin, elle retira de son cou ce qui ressemblait à un petit médaillon doré, et le glissa doucement à l'intérieur de la pile.

Elle avait l'air encore plus misérable, maintenant qu'elle avait enlevé le seul objet de valeur qu'elle possédait. Après quelques secondes d'hésitation, debout devant le conteneur, elle fit volte-face, en sanglotant, et sortit de l'impasse.

*****

Londres, 1872.

La locomotive à vapeur lâcha un dernier sifflement, accompagné d'un épais nuage de fumée qui flotta jusqu'au toit en verre, alors que les derniers passagers grimpaient la marche pour entrer dans le dernier wagon rouge bordeaux. Enfin, les portes en métal se fermèrent, annonçant un départ imminent. Mais le Aevum Express ne sembla pas démarrer. Quelques minutes plus tard, le conducteur sortit de la locomotive et courut vers le deuxième wagon. Il vérifia quelque chose et revint, en se grattant la barbe et fronçant les sourcils.

Non loin de là, un groupe de 5 filles observaient la scène, cachées derrière un mur de brique dans le coin de la gare. Elles portaient des habits sales, tâchés d'huile et de suie, et elles étaient toutes maigres. Une des filles parla.

- Ça va être pour nous. Encore une fois, dit-elle, énervée.

Ses cheveux bruns étaient détachés et un peu décoiffés. Ses taches de rousseur contrastaient avec sa peau pâle.

- Fait gaffe, la directrice pourrait t'entendre ! murmura une autre fille, plus jeune.

- Je m'en fiche si elle m'entend ! C'est juste un fait ! Le train est tombé en panne, et comme toujours, on va devoir le réparer. Je te le dis, on est des esclaves.

Elles se turent et regardèrent les passagers irrités sortir du train. Soudain, un voix grave et tonitruante retentit. Elles sursautèrent et se retournèrent, pétrifiées.

- Qu'est-c'que vous faites là, à espionner les gens ? C'est comme ça que j'vous ai éduqué ?

Une femme se tenait derrières elles. Elle était grande, corpulente et imposante, malgré son âge. Elle portait un tablier sale et tâché sur une robe grise simple. Ses sourcils semblaient être coincés sur le mode « colère ».

- M-Madame, murmura la fillette blonde avec une voix tremblante, Le Aevum Express est tombé en panne.

- Parfait. Vous irez l'réparer quand les passagers s'ront partis, dit la directrice avec un sourire en coin.

Le Quai des OrphelinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant