Personne n'osa dire un mot. Les filles étaient toutes pétrifiées.
- Eh bien. Regardez-moi ça. Ellie Carter. Je savais que quelque chose se tramait aujourd'hui. Vous pensez p't'être que j'vous ai pas vu, toute la journée, discuter en chuchotant ? Tu montes les filles contre moi ? T'as pas compris leçon, toi. Toutes ces punitions, toutes ces années. Inutile. J'dois frapper là où ça fait mal, hein ? D'accord.
Elle regarda autour d'elle. Ses yeux se posèrent soudainement sur quelque chose qu'elle sembla trouver à son goût, et un large sourire apparut sur son visage. Elle se précipita sur Alice, qui recula dans un sursaut. Elle laissa échapper un cri de douleur lorsque la directrice l'attrapa par ses cheveux bouclés.
- Ça, continua-t-elle, ça va p't'être te dissuader.
Elle tira Alice hors de la chambre avec un rire hystérique, la petite fille se débattait et criait de douleur. Ellie se leva d'un coup et sa colère et sa haine explosa. Ce mouvement soudain fit sursauter les filles autour. Ses joues brûlaient et sa mâchoire se crispa. Sans réfléchir, elle bondit sur la femme tyrannique, et, avec ses poings serrés, la frappa aussi fort qu'elle le pouvait. Elle vouait qu'elle souffre, qu'elle ressente la douleur, qu'elle meure. Elle libéra tout ce qu'elle retenait depuis des années. Elle la frappa partout où il était possible de frapper. Mais la directrice riait toujours. L'épaisse couche de gras la protégeait des attaques d'Ellie. Et puis, d'un seul coup, la directrice frappa Ellie en plein dans la tempe, tellement fort que la fille tituba et tomba sur le sol dans un bruit sourd, assommée. Mme Thompson regarda le corps inconscient avec un regard satisfait et soupira.
- Comment une gosse peut-elle être autant pénible ? Pff, qu'est-ce que c'est difficile d'éduquer des enfants...
Puis, s'adressant aux autres filles paralysées par la peur.
- Maintenant, vous retournez dormir, bande d'ingrates.
Et elle sortit du dortoir sans dire un mot de plus, toujours en tirant Alice par les cheveux.
Un silence complet tomba dans le dortoir. Les filles, toujours stupéfiées, reprirent peu à peu leur esprit. Les plus jeunes commencèrent à pleurer. Gina se précipita vers Ellie, toujours allongée par terre, inconsciente. Elle respirait toujours, mais un mince filet de sang coulait de son arcade sourcilière, et une bosse était apparue sur sa temps.
- On doit l'amener chez l'infirmière ! Ca pourrait être grave, dit Gina, inquiète.
- On ne peut pas, elle n'est là que pendant la journée, répondit une des filles.
- Et si on l'amenait à Mr Thompson ? C'est le seul sur lequel on peut compter maintenant. Il s'occupera d'elle.
Cela sembla être la meilleure chose à faire. Gina et son amie portèrent Ellie du dortoir jusqu'à la porte de la maison des Thompson, à l'autre bout du bâtiment. Ce n'était pas leur porte d'entrée, mais ils avaient toujours accès à l'orphelinat pas cette porte secondaire. Le duo déposa doucement Ellie sur le sol et, en s'assurant que Mme Thompson n'était pas dans les parages, frappèrent à la porte. Elles entendirent des pas de l'autre côté, et la porte s'ouvrit. La tête de Mr Thompson apparut dans l'encadrement. Il avait l'air tendu. Quand il vit les filles, son visage se relaxa... avant de se crisper à nouveau à la vue d'Ellie sur le sol.
- Oh, mon dieu. Entrez, entrez ! dit-il, se décalant sur le côté afin de laisser les filles entrer, et jetant un regard inquiet à l'extérieur.
L'intérieur de la maison contrastait vivement avec l'orphelinat. La porte s'ouvrait sur un salon luxueux. Un chandelier pendait du plafond, illuminant la pièce. A droite de la porte, un escalier de marbre recouvert d'un tapis rouge conduisait à un balcon d'intérieur qui surplombait la pièce de vie. Gina n'avait jamais vu quelque chose d'aussi beau. Cela changeait du toit en verre et des murs de brique de la gare.
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Le Quai des Orphelins
General FictionLondres, 1860 Ellie, 12 ans, vit dans un orphelinat depuis qu'elle est enfant. Son quotidien consiste à travailler sans relâche dans la gare avoisinant l'orphelinat, afin de ne pas être punie par la cruelle directrice. Forcément, quand un train tomb...