V LES MASQUES TOMBENT

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– Vous aviez promis que nous ne nous reverrions jamais, murmure-t-elle, tentant de masquer l'émotion dans sa voix.

La pluie s'intensifie et s'abat sur eux. En une minute à peine, ils sont trempés jusqu'aux os.
– Je vais vous donner ma veste, propose-t-il.

Sans hésitation, il la place délicatement sur les épaules de Rosalind. Le tissu, lourd, offre une chaleur inattendue. Elle joint ses bras autour d'elle, cherchant à se réchauffer, ses doigts fins s'accrochant au col de la veste. La pluie ruisselle sur son visage, se mêlant à quelques mèches de cheveux échappées de son chignon, tandis que ses yeux, grands et brillants, restent ancrés dans ceux de Harold.

Il ne réplique pas immédiatement, malgré son insistance à mettre fin à leur interaction. Elle peut sentir le poids de chaque goutte de pluie, le bruissement des feuilles sous l'averse, mais tout cela semble secondaire. Les battements de son cœur résonnent dans ses oreilles, comme l'écho de la pluie qui martèle le sol.

Le regard d'Harold est intense, presque fiévreux, mais ses traits sont adoucis par la pluie. Il cherche ses mots, aucun ne vient, comme s'il craignait que parler ne brise le charme fragile de l'instant. Rosalind, tremblante et vulnérable, sent une chaleur se propager en elle, malgré l'humidité glaciale qui les enveloppe. Les gouttes de pluie glissent le long de ses joues, se mêlant à son souffle rapide.

Harold saisit ses mains avec une fermeté rassurante, la guidant à travers une porte, dissimulée dans l'ombre des arbres avoisinants. Ils pénètrent dans une pièce quasiment vide, éclairée par la faible lueur d'une lampe poussiéreuse suspendue au plafond. Quelques vieilles affaires seulement parsèment l'espace.
Il est soudainement pris d'une quinte de toux si violente qu'elle le plie en deux. Ses poumons s'embrasent et sa gorge brûle à vif.

– Êtes-vous malade ?
– Je me porte bien, répond-il entre deux quintes, luttant pour reprendre son souffle.
– Vous ne semblez pas...

Elle lève instinctivement sa main, prête à exprimer son soutien, mais finit par se raviser, se contentant de rester là, immobile, à l'observer.

– Ce n'est certainement qu'un simple rhume, il s'interrompt, luttant contre la douleur qui lui comprime la poitrine. Rien de grave.

– Je ne supporterai pas l'idée que vous tombiez malade à cause de moi... Cela fait deux soirs de suite que nous sommes sous la pluie...

Harold ne parvient pas à entendre les mots de Rosalind, car une nouvelle quinte de toux le secoue violemment, couvrant le son de sa voix. Ses épaules s'agitent sous la force des spasmes et il se penche en avant, cherchant désespérément un répit à cette douleur lancinante qui s'empare de lui. Les parois de sa poitrine se compriment davantage à chaque inspiration difficile, et chaque expiration est accompagnée d'une toux rauque et déchirante. Rosalind reste là, impuissante, observant la scène avec une inquiétude grandissante, ses mains serrées devant elle, comme si elle voulait saisir quelque chose pour l'aider, mais se sentant totalement impuissante face à sa détresse. Malgré ses hésitations, elle se convainc finalement de poser une main sur son front.

– Oh... vous êtes brûlant, murmure-t-elle. Vous devriez retirer ces vêtements mouillés. Je vais chercher quelqu'un pour vous aider, déclare-t-elle.

Malgré sa fatigue, il la retient doucement par le bras.
– Ce n'est rien, Mademoiselle. Je ne vais pas mourir pour si peu.

Elle secoue la tête, l'inquiétude se lisant clairement sur son visage.
– Je ne peux pas vous laisser dans cet état. Je reviens tout de suite !

Harold soupire, comprenant qu'elle ne cèdera pas.
– Très bien. Winston, mon cousin, ne devrait pas être bien loin, ajoute-t-il avec un faible sourire.

Rosalind acquiesce, bien que l'anxiété ne quitte pas son regard. Elle se dirige vers la porte, mais avant de sortir, elle jette un dernier regard vers lui. Il s'installe lentement sur une vieille chaise près de la fenêtre. Chaque quinte de toux le secoue tout entier, ses mains agrippant les accoudoirs pour se stabiliser. La lumière tamisée de la pièce éclaire à peine son visage, où perle une fine sueur.

Lorsqu'elle s'aventure à l'intérieur du domaine, elle aperçoit Katherine dévaler les escaliers à toute allure. Sans lui laisser le temps de réagir, sa jeune sœur l'attrape fermement par le bras et l'entraîne vers l'extérieur.

– Mais, enfin ! Lâche-moi ! s'écrie Rosalind, tentant de se libérer. Monsieur Wealfor a besoin d'aide !

Katherine, le visage durci, n'écoute rien. Ses pas rapides résonnent sur le sol, chaque écho marquant l'urgence de leur fuite. Rosalind continue de se débattre, ses cris perçant l'air lourd de la nuit.

– Kate, arrête ! Il est malade ! Laisse-moi !

Cependant, elle ne ralentit toujours pas. En quelques minutes, elles se retrouvent à l'extérieur, la pluie battante brouillant leur vision. Rosalind, le souffle court et le cœur en alerte, réalise avec désespoir qu'elles sont déjà loin du domaine. Finalement, elles s'arrêtent sous un grand chêne pour reprendre leur souffle.

– Katherine Georgia Standov, bon sang ! Que se passe-t-il ? hurle-t-elle.

– Rosa ! Si cela se sait, je vais être virée et je ne pourrai plus jamais revoir Winston !

– Explique-toi ! Je ne comprends absolument rien.

Celle-ci prend une profonde inspiration, les larmes aux yeux.
– J'ai vu Monsieur Georges cacher une lettre dans son tiroir. Je n'ai pas pu résister à l'envie de découvrir ce qu'elle contenait, alors je l'ai lue. C'est un message destiné à une certaine Mary, il avoue que Winston est son fils, un bâtard ! Et qu'il n'a jamais eu le courage de l'avouer...

Seigneur... Tu n'aurais jamais dû...
– Comment regarder Winston dans les yeux après cela...

Rosalind, bien que choquée, tente de réconforter sa sœur.
– Kate, nous devons retourner au domaine. Tu dois lui en parler avant qu'il ne soit trop tard. Nous ne pouvons pas laisser cela ainsi.

Cette dernière secoue la tête, désespérée.
– Winston ne me pardonnera jamais d'avoir découvert ce secret et d'avoir fouillé dans ses affaires de famille. Ça le détruira d'apprendre qu'il est en réalité son enfant illégitime...

Rosalind serre les mains de sa sœur, déterminée.
– Fuir ne résoudra rien. Viens, retournons au domaine et trouvons une solution. Son cousin, Harold pourra nous aider, j'en suis certaine !

Katherine secoue la tête et reprend sa marche rapide, ignorant les supplications de Rosalind. Celle-ci soupire profondément, son regard oscillant entre sa sœur et le domaine.

Les éclairs déchirent le ciel nocturne, illuminant par instants leurs silhouettes trempées. Bien que tiraillée par l'inquiétude pour Harold, elle ne peut abandonner sa sœur à son désarroi. Elle resserre sa veste autour de ses épaules, frissonnant à la fois de froid et de peur pour les événements incertains qui les attendent.

Le Rossignol de Wealfor Où les histoires vivent. Découvrez maintenant