I MARCHE NUPTIALE

0 0 0
                                    

Harold se réveille dans son lit, les draps en désordre et l'esprit encore embrumé par la veille. Il fixe le plafond, les yeux perdus dans le vide, se demandant ce qu'il a bien pu faire pour la faire fuir ainsi. Rosalind l'a quitté si précipitamment et malgré son attente, elle n'est jamais revenue. D'un geste vif, Winston tire les rideaux, inondant la pièce de lumière. Son cousin plisse les yeux, aveuglé par la clarté soudaine.

– Refermez, je vous en prie, murmure-t-il d'une voix rauque et fatiguée.

– Vous êtes dans un état lamentable, Harold. Que s'est-il passé hier soir ?

Celui-ci se redresse lentement, prenant appui sur ses coudes.
– Rosalind... elle est partie. J'ai beau réfléchir, je ne comprends pas ce que j'ai pu faire de mal, commence-t-il, essayant de rassembler ses souvenirs embrouillés. Nous étions dans le jardin, il a commencé à pleuvoir. Je l'ai conduite à l'intérieur. Puis... elle est partie...

– Oh... C'est donc cela qui vous préoccupe.

Harold passe une main sur son visage, sentant la fatigue le submerger à nouveau.
– Pourquoi m'aurait-elle abandonné ainsi ?

Son cousin croise les bras, pensif.
– Il se pourrait qu'elle ait eu peur d'être impliquée dans quelque chose de plus grand qu'elle. Peut-être ne voulait-elle pas être vue à vos côtés. Quoique... Kate a également disparu dans la soirée... Nous devrions nous rendre chez elles pour nous assurer qu'elles vont bien.

– C'est une très mauvaise idée. Nous risquons de les mettre dans l'embarras.

La conversation se fige lorsque la porte s'entrebâille, laissant entrevoir une dame d'âge mûr. Son visage a la forme d'un cœur, avec de hautes pommettes larges et des lèvres pleines. Ses cheveux épais, égayés par quelques brins argentés, sont relevés en un chignon sur le sommet de sa tête. Drapée dans une robe sobre, elle arbore fièrement la robe offerte par son employeur. Son front est orné de quelques rides délicates, témoins du temps qui passe, mais sa peau est toujours douce, légèrement ridée autour des yeux.

– Harold, vous êtes attendu à l'étage.

Bien que cela ait pu scandaliser les habitants de Chipping Campden, Sophie Wealfor a toujours été du côté de l'égalité et de la justice. Celle-ci n'a toléré les préjugés ni les discriminations et c'est avec une conviction inébranlable qu'elle a choisi Seraphina Davies, une demoiselle originaire de Jamaïque en tant que gouvernante pour les enfants de la famille, défiant les conventions et les critiques de son époque.

À sa disparition, cette dernière a pris le relais avec un dévouement et une résolution exemplaires, veillant sur les enfants. Bien qu'ils soient désormais adultes, Georges n'a jamais envisagé de la priver de ses fonctions, honorant la place essentielle qu'elle occupe dans leurs vies. Aujourd'hui, cette dernière mène une existence sereine, affranchie des pressions d'autrefois, mais toujours mue par le désir de se rendre utile, comme en ce jour.

– Si c'est une affaire qui concerne le domaine, vous pouvez lui dire que je...

Elle l'interrompt d'un geste de la main.
– Ce n'est pas le cas. Croyez-moi, vous devez descendre.

Harold, résigné, hoche la tête et se lève péniblement du lit. Seraphina le laisse passer et une fossette se forme au coin de ses lèvres lorsqu'elle se tourne vers Winston, qui s'est littéralement jeté sur le lit, les bras et les jambes écartés.

– Vous êtes incorrigible. Si votre cousin vous prend en flagrant délit, cela pourrait vous causer des ennuis.

– Je ne peux pas m'en empêcher. Son lit est très confortable.

– Peut-être, mais ça ne veut pas dire que vous devez en abuser. La prochaine fois, soyez certain qu'il l'apprendra !

– Je suis innocent. C'est le lit qui m'a attiré, pas l'inverse.

– Vous savez à quel point il est maniaque, réplique-t-elle. Levez-vous !

Seraphina secoue la tête lorsqu'il lui tend la main.
– Allez, juste une minute. Vous devez admettre que c'est très tentant ! Il ne nous autorise jamais à rester dans sa chambre ! Profitons-en !

Elle s'allonge finalement à côté de lui, imitant son geste en faisant l'étoile, les deux éclatant de rire comme des enfants qui viennent de commettre une petite folie. Winston se fige un moment, satisfait de l'avoir entraînée si facilement dans ses escapades, car contrairement à son cousin qui a été entouré de tendresse maternelle, Winston, élevé par sa mère adoptive Jane, a souvent ressenti un manque profond. C'est dans les bras de Seraphina qu'il trouve un réconfort, ses gestes doux lui offrant un semblant de maternité qu'il n'a jamais eu.

Elle pose sa main avec délicatesse sur sa joue, ses doigts effleurant sa peau avec une tendresse infinie, lui rappelant silencieusement sa présence constante et rassurante.

– Vous avez raison, c'est très confortable, lance-t-elle pour lui faire plaisir. Allez, je dois m'occuper de quelques tâches que Katherine a omis hier soir.

– Mais... Vous n'êtes plus obligée de vous en charger maintenant !

– Je le sais, ne vous inquiétez pas, dit-elle chaleureusement.

Harold, de son côté, descend lentement les escaliers, la fièvre le faisant vaciller à chaque marche. Lorsqu'il atteint la pièce à vivre, c'est une silhouette féminine près de la fenêtre qui l'accueille. Ses longs cheveux bruns lui sont familiers, ne pouvant appartenir qu'à une seule personne. Elle est parfaitement à sa place, comme si le domaine lui avait été spécialement conçu.

Sans plus attendre, il recule rapidement et se penche devant un miroir qui trône sur une commode en chêne pour remettre un peu d'ordre à son apparence. Dans le reflet, ses cheveux ébouriffés et ses vêtements froissés témoignent de la nuit agitée qu'il vient de passer. Il se concentre surtout sur l'aspect de ses cheveux, cherchant à les rendre aussi présentables que possible. Ses doigts agiles parviennent à dompter quelque peu les mèches rebelles, lui donnant un aspect plus soigné. Une fois satisfait du résultat, il retourne à sa place initiale.

– Mademoiselle Standov, sa voix n'est qu'un murmure, mais parvient tout de même à atteindre ses oreilles.

Celle-ci se retourne doucement, ses traits délicats éclairés par la douce lumière du matin. Ses lèvres forment un sourire timide, presque incertain. Elle a tourné en rond toute la nuit à la recherche d'une excuse pour s'éclipser le matin. Heureusement, son père était encore absent, comme à son habitude ces derniers temps. Libérée de toute interrogation, elle a laissé ses pas la guider naturellement vers le domaine, un endroit qu'elle avait soigneusement évité pendant des années.

Le Rossignol de Wealfor Où les histoires vivent. Découvrez maintenant