𝗛𝗜𝗦 𝗥𝗘𝗧𝗨𝗥𝗡 | T1 (en pause)

𝟭𝟳. 𝗠𝗲𝗻𝘀𝗼𝗻𝗴𝗲

ANDREA

Mes dents mordillent avec frustration le capuchon de mon stylo Bic. Cela fait déjà plusieurs jours que j'ai malencontreusement égaré le stylo et pour une raison qui m'échappe, son bouchon est toujours en ma possession.

L'odeur des vieux bouquins ainsi que l'ambiance tamisée de la bibliothèque ne font qu'aggraver encore plus mon état. Les bras croisés sur mon torse, mon regard jongle sur les quatre individus assis devant moi qui bouquinent tranquillement un livre.

Je sais pertinemment qu'ils ne lisent pas.

Le livre de Kyle est à l'envers.

Ils doivent faire semblant afin d'éviter de ressentir le malaise qui plane autour de nous depuis trois jours et qui ne cesse d'alourdir l'atmosphère.

Trois putains de jours.

Depuis que les cours ont repris après le week-end passé, j'ai cette horrible impression qu'ils me cachent quelque chose. Un événement s'est produit lors de cette soirée et personne ne veut me le révéler. Ils contournent toujours le sujet comme s'ils fuyaient la peste. J'aurais dû y aller.

Leur silence est une véritable torture.

Chaque nuit durant ces trois jours, je refais ce même cauchemar dans lequel son corps gît dans une baignoire qui déborde d'une eau rougeâtre ; criant des chants de délivrance qui taillent, chaque soir un peu plus, une brèche dans mon cœur meurtri par son absence. Une baignoire dans laquelle elle s'est volontairement noyée afin de mettre fin à ses jours ; dans laquelle son enveloppe corporelle a été délaissée par son âme avide de repos. Et c'est sous cette vue horrible ainsi que la douleur causée par ces chants que je me réveille, à chaque fois.

Ça fait trois jours qu'elle n'est plus présente au lycée et que je n'ai aucune nouvelle mise à part qu'elle serait « malade ».

Un bâillement s'échappe des lèvres du blond.

Je vais craquer.

Dans un dernier espoir, je pose mes prunelles sur celles de Ryder. Celles-ci ne tardent pas à se décrocher du livre pour plonger dans les miennes avant de chercher autre chose à fixer. Elle comprend très bien la signification de mon regard. Autrement, elle ne chercherait pas à le fuir.

— Maintenant vous allez me dire ce qui se passe, je crache en posant mes deux mains fermement sur la table.

Ils quittent tous leur livre des yeux pour concentrer leur attention sur moi. Certains regards sont posés sur nous à cause du bruit mais je m'en contre fiche. Je veux des réponses.

— Il n'y a rien à dire.

Le ton froid qu'il emploie me laisse croire le contraire et les cernes marqués sous ses yeux ne font que contredire ses mots.

Menteur.

— Antonio, je ne suis pas débile. J'ai bien remarqué ce changement d'attitude entre nous depuis le début de la semaine et tôt ou tard, je finirais par savoir ce qu'il se passe. De plus, il vous est favorable de m'expliquer directement le problème plutôt que je l'apprenne d'une autre bouche.

Mes oreilles ne pouvant plus supporter ce tissu de mensonge, je récupère mes affaires et quitte la bibliothèque. Les cours sont finis depuis une heure mais je vois bien qu'ils s'efforcent de me faire croire que tout va bien en faisant comme si de rien était.

Sortant mon téléphone de ma poche, j'ouvre la discussion entre Savannah et moi et constate amèrement qu'elle m'a encore laissé en vue. Je soupire lourdement avant de taper un énième message.