Chapitre 1 : Sarinah

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Sarinah, janvier 1402

J'ai froid. Si froid.

Un frisson glacé parcourt ma colonne vertébrale, me rappelant la cruelle réalité de ma situation. Chaque souffle que je prends semble être arraché de mes poumons par le vent glacial qui s'infiltre à travers les fissures des murs.

Cette tour est telle un abîme sans fond.

Je m'y noie. Lentement. Comme un navire qui sombre dans les profondeurs d'un océan sombre et impitoyable. Aucun moyen pour moi de nager jusqu'au rivage afin de m'en sortir, ou bien de remonter la pente de cette colline au pic périlleux.

Je suis coincée ici, prisonnière de ce labyrinthe de pierres froides et humides. En plein hiver. L'hiver le plus torride que notre monde ait connu depuis cinq cents ans, du moins le supposé-je... Puisque je suis loin d'être née il y a autant d'années et qu'aucun membre de ma famille ne m'a fait l'honneur de me conter l'histoire du Monde des Géants.

Enfermée. Enchaînée avec des liens en acier trempé, à un mur vieux de plusieurs décennies, je ne peux pas bouger. Ces chaînes sont si lourdes, si froides, qu'elles semblent absorber la chaleur de mon corps, me laissant engourdie et sans force. Le métal mord ma chair, creusant des sillons douloureux dans ma peau. Chaque mouvement, aussi infime soit-il, est une agonie. Mais plus que la douleur physique, c'est le désespoir qui me ronge de l'intérieur. La solitude, le silence oppressant, et l'obscurité qui semble s'étendre à l'infini, tout cela me pèse comme un fardeau insupportable.

Je n'ai plus qu'un souhait : mourir. Partir loin d'ici, dans un monde plus beau et plus paisible. Un monde qui ne se désècherait pas comme ici, dans Titanoria. Un monde en rose, la couleur des mariés, la couleur de l'amour, de la paix, du bonheur. De la maternité. C'est un rêve lointain, un rêve qui semble s'échapper à chaque fois que j'essaie de m'en emparer. Mais c'est tout ce qu'il me reste, ce mince fil d'espoir auquel je m'accroche désespérément.

Mais il ne me ferait pas ce plaisir-là, bien au contraire... Goliath Rudrius, l'homme qui m'a séquestrée ici, semble prendre un malin plaisir à me voir souffrir. Il a déjà eu la joie de m'enfermer dans ce dépotoir en m'éloignant de mon peuple adoré... mais pas seulement, de mon père et de ma mère.

Goliath.

Ce nom résonne dans ma tête comme un écho sinistre. Un écho de haine et de peur. Qui sait ce qu'il pourrait me faire d'autre ?

Me priver de nourriture ? Il le fait déjà. Me priver de boire ? Pareil, je n'ai le droit qu'à une cruche d'eau pour environ trois jours. Chaque goutte est un trésor précieux, chaque morceau de pain rassis, une maigre consolation. Me priver de sommeil ? Hmm, non, cette partie est imperturbable chez moi. Peut-être pourrait-il me torturer ? Qu'il essaie, tiens, je lui ferai réaliser à quel point il est impuissant face à moi.

Essayerait-il également de m'éloigner éternellement de ma vie d'avant notre marché ? Si c'est le cas, il a bien commencé. J'ai juste de la chance que l'éternité pour un Géant n'équivale qu'à environ deux siècles pour ceux en moins bonne santé, ou deux siècles et demi pour les vaillants, et qu'il ne puisse donc pas s'agir d'une éternité sans fin comme pour les Vampires et les Goules.

Je repense souvent à notre marché, à ce pari insensé que j'ai proposé avec une témérité irréfléchie. Un pari qui a scellé mon destin, qui m'a conduite ici, dans cet enfer de pierre. Si seulement j'avais écouté la voix de la raison dans ma tête qui me mettaient en garde... Mais non, j'ai cru pouvoir défier le destin, jouer avec le feu sans me brûler. Quelle folie !

Ma famille me manque terriblement. Je ne l'ai pas revue depuis notre dernière confrontation contre le clan adverse, qui s'est soldée par un échec de notre côté. Cela remonte à environ six mois.

De l'Aube au Crépuscule SIGNATURE CONTRAT REFUSÉE. RéécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant